Des fleurs méritées pour Grégory

Des-Fleurs-pour-Algernon-1.jpgCritique de Des Fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, vu le 9 Mars au théâtre du Petit St-Martin
Avec Grégory Gadebois, dans une mise en scène d’Anne Kessler

On parle souvent d’intelligence, sans prendre la mesure du mot. On dit d’une personne qu’elle est intelligente car elle a un sens logique, car elle sait résoudre telle ou telle équation, parce qu’elle fait des remarques constructives. Mais l’intelligence, ce n’est pas que ça. Et c’est tout d’abord une réflexion. La réflexion est une forme d’intelligence, quelle qu’elle soit. Et Charlie, le personne qu’incarne Grégory Gadebois, ne sait même pas ce qu’est la réflexion. Il ne pense pas. Il n’analyse rien. Il prend ce qu’il voit, tel quel. Ses amis rient lorsqu’il est là, il ne lui vient pas à l’idée qu’ils rient de lui. Il est profondément bête. Alors il est le personnage idéal pour tester des expériences scientifiques, puisqu’il est incapable de réfléchir aux conséquences que pourrait avoir l’opération. Lorsqu’on lui propose une expérience pouvant l’amener à être intelligent, à tripler son QI, il accepte. L’expérience a été au préalable testé sur une souris, Algernon, et il voit bien qu’elle est intelligente, alors il accepte. 
Gregory Gadebois, ancien du Français, révèle pleinement, ici, son talent. On voit tout d’abord arriver un homme profondément simple. Son regard semble vide, pas une once de réflexion n’est observable derrière ses yeux. Il parle avec difficulté, n’employant que des mots basiques, il se trompe, il recommence. Il est agité, ahuri, hébété. Puis, progressivement, une fois l’expérience faite, son comportement se modifie. Le changement se fait si progressivement, et avec tant de finesse qu’on ne le voit pas réellement : on ne s’en rend compte que lorsque Charlie commence à parler de physique quantique, ou encore lorsqu’il utilise des procédés tels que l’ironie ou la dérision. Ses agitations ont disparus, il parle de manière assurée, et même son faciès semble avoir évolué : ses yeux plus ouverts et dans lesquels se réflètent de l’esprit, sa bouche moins hésitante, son port plus droit, tout cela change radicalement le regard que l’on porte sur lui. Il impose à présent le respect, parfois même l’admiration. Puis un peu d’exaspération. Malheureusement, et il peut s’en rendre compte grâce à son incroyable intelligence, celle-ci ne durera pas ; et, après avoir atteint son point culminant, elle diminuera jusqu’à redevenir telle qu’elle était avant l’expérience. Là encore, le changement est loin d’être brutal. Mais cette partie de la pièce est déchirante : peu à peu, il voit disparaître tout ce qu’il avait construit, jusqu’à ne pas s’en souvenir, comme s’il était atteint d’Alzheimer. Des personnages comme Gauss ou Planck qu’il admirait ne lui disent à présent plus rien. Seul Algernon, son compagnon durant l’expérience, reste en lui. Il fut, on peut dire, son seul ami.

Dans un décor sobre et une mise en scène intelligente, Grégory Gadebois est bouleversant et entraîne le spectateur dans son histoire, tantôt drôle, tantôt tragique, avec une facilité étonnante. Les mouchoirs sont de mise.  ♥ ♥ ♥

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