Un chapeau de paille d’Italie, Comédie-Française

gp1213_chapeaudepailleditalie.jpegCritique d‘Un Chapeau de Paille d’Italie, d’Eugène Labiche, vu le 1er Novembre au Théâtre Éphémère (Comédie-Française)
Avec Véronique Vella, Coraly Zahonero, Jérôme Pouly/Nâzim Boudjenah, Laurent Natrella, Léonie Simaga, Nicolas Lormeau, Gilles David, Christian Hecq, Félicien Juttner, Pierre Niney, Adeline d’Hermy, Danièle Lebrun, Eliott Jenicot, et Louis Arene, dans une mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti

Labiche, c’est un peu un symbole pour moi. Mon premier coup de coeur théâtral a été pour un Labiche : j’avais 7 ans et j’ai vu Doit-on le dire ? dans la mise en scène de Cochet … J’ai tellement aimé que je l’ai revu 3 fois. Tout me plaisait : l’histoire un peu compliquée mais où tout est expliqué et clair, la musique, les acteurs, le comique. J’espérais retrouver tout cela en allant voir Un chapeau de paille d’Italie au Français. Je n’ai pas été déçue.
Il s’agit ici d’une noce, la noce de Fadinard et d’Hélène, fille de Nonancourt. Au matin de cette noce, le cheval de Fadinard mange le chapeau de paille d’Anaïs, alors avec son amant. Celle-ci ne peut donc rentrer chez elle sans le chapeau, son mari risquant de s’énerver. Elle va donc chez Fadinard avec son amant, en l’obligeant à aller chercher un nouveau chapeau pour remplacer l’autre. Celui-ci doit donc jongler entre sa noce qui le suit partout où il va et le chapeau qu’il doit retrouver impérativement. S’ensuit de nombreuses péripéties, où le talent de tous les acteurs du Français se fait bien ressentir : on rit énormément, il n’y a pas un instant où ma bouche ne formait pas au moins un immense sourire !
La mise en scène n’est pourtant pas … classique. J’aurais pu penser que ça me déplairait. Pas du tout, puisqu’elle est tout à fait au service du texte. Les parties musicales ne sont pas chantées sur des airs classiques mais accompagnées par une guitare, une basse, et une batterie … Souvent, on reconnaît du jazz manouche. Les acteurs, dont les micros ne fonctionnent que durant ces parties chantées (heureusement !) chantent pour la plupart bien, certaines voix étant excellentes (Véronique Vella, par exemple). Des petites chorégraphies sont ajoutées à ces chansons, ajoutant encore une dose de comique (voir Christian Hecq danser, dans son rôle de père grincheux, était hilarant !).
Il faudrait que je détaille le jeu de tous les acteurs, que je trouve pour chacun un compliment, un superlatif différent, au lieu de me contenter d’un « ils sont tous excellents ». Je vais essayer. Et je vais commencer par Pierre Niney. Cet acteur, que j’avais déjà beaucoup aimé dans Une Histoire de la Comédie-Française, incarne ici le personnage principal, Fadinard. Pierre Niney n’a que 23 ans, et possède déjà l’étoffe d’un Grand. Durant plus de 2h30, il court, il chante, il danse, il saute, il crie, il craint, il tente de tout résoudre, avec une rapidité, une justesse, une technique, … un véritable talent, enfin ! Il n’y a rien à reprocher à son jeu, si ce n’est peut-être qu’on craint pour sa voix, qui semblait un peu s’altérer – il faut attendre de voir. Et, en plus de tout cela, il possède un véritable talent comique. Que demander de plus ? Qu’il soit entouré de comédiens aussi bons que lui … C’est le cas. L’actrice incarnant sa femme, Adeline d’Hermy, est très bonne aussi dans son genre : on lui demande de jouer les fifilles un peu niaises et fille à papa, elle le fait à merveille. Je le reconnais, bien que je n’aime pas ce genre de rôle. Le couple d’amants, Véronique Vella (Anaïs) et Laurent Natrella (Tavernier), suit parfaitement cette excellence. Natrella dans son rôle de brute sans cesse enervée, Vella tentant d’aplanir les choses, les deux sont parfaits. Jérôme Pouly, dans le rôle du mari trompé, Danièle Lebrun en baronne, Félicien Juttner en cousin, Louis Arene en domestique, Coraly Zahonero en modiste, Nicolas Lormeau en teneur de livres, tous ceux-ci excellent également : de belles voix, une articulation parfaite, une gestion de leur corps étonnante (particulièrement pour Louis Arene), et un jeu sans faute. Gilles David également : cet acteur que j’adore à la voix si forte et au jeu si bon incarne ici un sourd : son rôle est donc pleinement comique, et il le joue avec un tel naturel qu’on rit aux éclats. Enfin, moi qui adore Léonie Simaga, je pense pouvoir dire qu’elle est meilleure dans la tragédie ; n’allez pas me faire dire ce que je n’ai ni dit ni pensé, elle est très bonne en domestique d’Anaïs. Néanmoins, son jeu n’est pas pleinement impliqué comme il l’était dans Andromaque. Comme si elle jouait « en surface » … Comme si elle n’était pas aussi à l’aise chez Labiche que chez Racine. Possible, après tout ?
Je me dois de mentionner Christian Hecq à part. C’est un acteur que je n’aimais pas au début, je l’avais vu dans Un fil à la patte, et trouvais qu’il tirait trop la couverture à lui. L’erreur est humaine, et je me trompais. Cet acteur à la formation de clown est éblouissant ici, dans le rôle de Nonancourt, père grincheux. Tics de langage, de mouvements, démarche drôle, sens du rythme impeccable, jeu remarquable, il semble posséder tous les talents : et quand on pense qu’il nous a montré l’étendu de ses capacités, il arrive sur scène avec un instrument à vent aussi grand que lui. Une immense performance d’acteur : Bravo ! Dans cette catégorie d’acteur à formation de clown, on retrouve également Eliott Jenicot, cousin de la Baronne, qui lui aussi possède un talent comique, et une gestuelle impeccable. J’ai énormément ri lorsque l’un ou l’autre était présent. 
Enfin, il y avait une véritable mise en scène et des idées dans ce Labiche : il n’était pas monté « comme ça », juste sur le talent des acteurs. J’ai beaucoup apprécié les décors des 2e, 3e, 4e, et particulièrement 5e acte, où la maison de Fadinard était représentée comme un empilement de meubles. Au premier, il y a un peu trop de mouvements inutiles, peut-être. Mais rien de grave. D’autres idées m’ont beaucoup plu, mais je n’en dévoilerai pas plus ici, de peur de gâcher la surprise à d’éventuels lecteurs.

On applaudit à tout rompre, on crie Bravo ! et on vous ordonne d’y courir ! ♥ ♥ ♥

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