All about Paul

Critique de Mister Paul, de Jean-Marie Besset, vu le 30 juin 2022 au Petit Montparnasse
Avec Jean-Marie Besset, mis en scène par Agathe Alexis

C’est mon guilty pleasure théâtral. Lorsque j’en parle, on me regarde toujours un peu de travers, mais j’adore Jean-Marie Besset. Trop vite catégorisé comme auteur de droite, j’ai du mal à croire que tous ses détracteurs aient vraiment essayé un jour de lire son oeuvre. Moi, je suis comme qui dirait tombée dedans quand j’étais petite, avec Ce qui arrive et ce qu’on attend, l’un de mes premiers gros coups de coeur théâtraux. Depuis, j’ai tout lu de lui et vu ce qui avait été capté, et je rêve de voir monter son Coeur français. J’ai une certaine tendresse pour cet auteur qui pourtant ne me l’avait pas forcément bien rendu, lorsqu’un jour, à Nava, je lui avais exprimé mon admiration. Mais qu’importe, cela fait partie du personnage, et c’est l’artiste qui nous intéresse ici.

Mister Paul, c’est l’histoire d’un homme qui, parti inconnu de Limoux, ayant atterri un peu par hasard en Afrique, s’est finalement construit une carrière brillante à New-York. Au-delà de son aventure professionnelle, on suit aussi son évolution intérieure, ses rencontres, ses doutes : homosexuel, il tombe éperdument amoureux d’un homme qui déclare ne pouvoir aimer que des femmes, et en vient à se poser la question d’une transition, lui qui s’est toujours senti femme dans son corps d’homme. Mais la vie fait qu’il ne le deviendra finalement jamais.

Mister Paul semble être le premier opus d’un ensemble de portraits autour de limouxins anonymes ayant eu un destin digne d’être conté. Car oui, peut-être ne le saviez-vous pas encore, mais Jean-Marie Besset est né à Carcassonne et a grandi à Limoux, ville qu’il chérit encore aujourd’hui et où il a créé son festival Nava, Nouveaux auteurs dans la vallée de l’Aude. Ce n’est pas nécessaire de savoir tout ça avant de voir le spectacle, mais si vous êtes un peu imprégnés de l’univers de Besset, c’est peut-être mieux.

Car, on ne va pas se mentir, c’est quand même une petite chose que ce Mister Paul. Petite chose parce que c’est un sujet de niche, voire une niche dans une niche si on fait le croisement entre le personnage inconnu et la source provinciale presqu’aussi insolite. Mais il faut bien reconnaître que pour une petite chose, c’est quand même très bien fichu. Le texte de Besset est parfaitement construit, idéal pour le seul en scène qu’il s’était figuré – on imagine totalement un Vincent Dedienne incarnant ce rôle, donnant une saveur tout à fait différente à cette histoire. Il parvient à nous intéresser tout de suite à ce destin hors du commun en nous invitant dans le quotidien inattendu de ce Paul qu’il incarne.

C’est un spectacle qui lui ressemble profondément. C’est à la fois légèrement désuet et complètement authentique, c’est bien loin de la mode des plateaux d’aujourd’hui – il n’y a vraiment que Besset pour proposer ça – et, finalement, ce n’est pas dénué de charme ! Besset comédien, que je découvre, est un peu fragile au niveau de la modulation de la voix, mais il raconte avec une telle foi, il semble si heureux sur scène, qu’il nous embarque avec lui. Les intermèdes musicaux qui ponctuent certaines scènes nous transportent dans cette deuxième moitié de XXe siècle dans laquelle se déroule notre histoire, parenthèse mélodieuse dans cette histoire sans fausse note.

Mister Besset ? Guilty pleasure, je vous l’avais dit. ♥ ♥

Moulin de son coeur

DERNIERE VERSION JEAN MOULIN

Critique de Jean Moulin, Évangile, de Jean-Marie Besset, vu le 16 septembre 2017 au Théâtre 14
Avec Arnaud Denis, Sophie Tellier, Gonzague Van Bervesselès, Laurent Charpentier, Chloé Lambert, Stéphane Dausse, Michaël Evans, Loulou Hanssen, Jean-Marie Besset, dans une mise en scène de Régis de Martrin-Donos

Bon, je dois l’avouer, je n’y allais pas en traînant les pieds mais j’avais un peu peur de ce que j’allais voir. Même si pour moi, Jean-Marie Besset est un grand auteur contemporain, et que Un coeur français fait sans nul doute partie de mes pièces préférées. Mais j’avais entendu parler, de loin, de sa pièce sur l’homosexualité de Molière et je craignais que sa petite obsession pour ce thème ne vienne obstruer sa nouvelle pièce, Jean Moulin, Évangile. En réalité, l’idée d’un Jean Moulin homosexuel n’est finalement que peu présente dans la pièce et c’est bien plus sur son parcours au sein de l’organisation de la France libre que se centre le spectacle.

Jean-Marie Besset a voulu en faire trop : la pièce de 2h20 comporte des longueurs – et encore, si le texte avait été joué dans son intégralité, il aurait été près de deux fois plus long. Parmi elles, des scènes inutiles qu’il pourrait aisément tronquer, qui semblent ajoutées artificiellement à la pièce, comme si elles avaient été dans un premier temps oubliées. Peut-être aurait-il fallu se concentrer plus encore sur l’Histoire, qui m’a laissée parfois sur le côté en tant que non spécialiste de la résistance. Cependant, il faut bien le reconnaître, on se prend dans cette histoire aux allures de thriller et s’il faut parfois s’accrocher pour comprendre les différents tenants et aboutissants, on n’est jamais totalement perdu : d’abord grâce au programme soigneusement distribué à l’entrée du théâtre qui permet de nous situer à n’importe quel moment de la pièce, ensuite grâce aux acteurs qui portent le spectacle avec un don d’eux-mêmes évident.

L’impression qui ressort de l’écriture, c’est que l’auteur n’a pas su choisir entre l’historique et l’intime, et qu’il a choisi l’un sans vouloir écarter l’autre. Cela donne un spectacle essentiellement centré sur l’histoire mais par instant saupoudré de scènes plus familières qui s’intègrent mal à l’ensemble. Une dualité dommageable, car non seulement la sphère intime a moins d’intérêt pour nous, en tant que spectateur, mais on se retrouve soudainement moins sûr de la véracité des faits qui se déroulent sous nos yeux. Et quel besoin de venir éternellement ajouter une pointe d’homosexualité dans sa pièce ! Je suppose que cela lui tient à coeur, mais si c’est très compréhensible dans des fictions autour de ce thème, ça tombe ici comme un cheveux sur la soupe : la scène pourrait être retirée de l’intrigue, cela n’aurait aucune conséquence sur notre perception de la pièce…

Cependant, on ne tombe jamais dans l’ennui, et ce d’abord grâce à un premier rôle porté de main de maître par Arnaud Denis. Le comédien s’impose à nouveau comme un grand de sa génération en campant un Jean Moulin renversant de véracité, jamais en force, soulignant avec délicatesse les doutes habitant le personnage. Sophie Tellier, qui incarne une amie intime de Jean Moulin, s’émancipe au fil de la pièce et finit par écarter totalement un démarrage qui sonnait faux. Gonzague Van Bervesselès et Laurent Charpentier interprètent leurs différents rôles avec une belle justesse. Malheureusement, la distribution est inégale puisque Loulou Hanssen est une Lydie Bastien bien trop frêle et Michael Evans un Klaus Barbie peu effrayant, frôlant parfois le ridicule – c’est dommage car on aurait espéré le summum de la terreur nazie et on découvre une pâle imitation de Drago Malefoy.

La mise en scène de Régis de Martrin-Donos est sobre et efficace. Le choix de son décor, qui n’est pas sans rappeler celui du Bajazet d’Éric Ruf, est ici plus que justifié puisqu’il impose une ambiance qui s’équilibre entre le suspens, le danger, l’incertitude et la peur qui régnaient en continu pour les résistants. Enfin, en continu, pas tout à fait, car on nous rappelle à plusieurs reprises que Jean Moulin était un homme avant d’être un résistant, à travers des scènes trop légères, contrastant de manière trop brutale avec le reste – comme cette bataille de polochon qui a provoqué chez moi un rire jaune : le chef de la résistance perdant ainsi son temps en de telles futilités ? Si c’est vrai, ce n’est pas très bien amené, et si c’est faux, ça casse le rythme de la pièce pour rien. Dommage.

Un spectacle intéressant sur l’histoire de la résistance et qui gagnerait à s’assumer en tant que pièce historique. ♥ ♥

BESSET2017

L’importance d’être sérieux, au TOP

l-importance-d-etre-serieux-n1337-d-oscar-wilde-livre-thea.jpegCritique de L’Importance d’être sérieux, d’Oscar Wilde, vu le 2 février 2013 au TOP
Avec Claude Aufaure, Mathieu Bisson, Mathilde Bisson, Matthieu Brion, Arnaud Denis, Marilyne Fontaine, et Margaret Zenou, dans une mise en scène de Gilbert Désveaux

Ce n’est que mon deuxième Wilde, mais quelle joie de voir ses pièces ! Après Dorian Gray que j’ai vu et lu, je retrouve quelques personnages aux traits communs que j’adore, et bien que l’histoire ait un aspect bien moins sérieux que celle de Dorian Gray, les deux me conviennent parfaitement. A travers les thèmes de la jeunesse, de l’amour, ou du mariage, abordés assez légèrement par certains personnages, Wilde, traduit ici par Jean-Marie Besset, se dirige plus vers la farce que vers une pièce morale. Algernon, un homme cynique à souhait et qui ne croit pas au mariage, ce genre de personnage qui rappelle Sir Henry dans Dorian Gray, s’invente un ami à la campagne de manière à pouvoir échapper à la ville ; de son côté, Jack fait le contraire, pour pouvoir rejoindre la ville quand il le souhaite. Les deux hommes, dont la relation voulue amicale reste ambigue, sont amoureux de deux jeunes femmes, Cécilie et Gwendoline, qui ne rêvent que d’un homme dont le prénom est « Ernest ». Ils sont bien sûrs prêts à changer leur nom, et tout ceci pourrait se faire facilement, sans le personnage de la mère de Gwendoline, incarné par Claude Aufaure, si drôle mais si rigide en matière d’éducation.
L’histoire n’est donc pas très réaliste. Qu’importe, puisqu’elle est servie par une traduction admirable et d’excellents acteurs. Concernant cette traduction, tous les bons mots y sont excellement transmis, et le seul bémol qu’on puisse trouver – bien que ça ne m’ait pas dérangée – sont les « connard » qui viennent parfois ponctuer une discussion. Rien de grave. Venons-en aux acteurs … Je dois dire qu’ils sont tous parfaits. Les différents duos marchent à merveille, et tous ont su s’approprier leur rôle avec brio. Arnaud Denis et Mathieu Bisson ouvrent la pièce. Immédiatement, le rythme rapide et sans accroche s’installe. Arnaud Denis, qui excelle dans ce genre de rôle d’homme cynique, qui se moque de tout, et joue avec les gens comme avec les mots, atteint ici des sommets : son jeu est brillant, sans aucun faux pas, aucune fausse note, il fait rire la salle de ses mots placés avec un rythme sans faille, ce style si naturel, et son ton en accord parfait avec son rôle. Avec Mathieu Bisson, excellent également, ils forment un duo amical très ambigu ; lui est moins décalé, plus dans la norme, croit aux valeurs du mariage. Les deux partis pour et contre mariage nous sont donc présentés avec brio, par deux acteurs de grand talent. De plus, un membre de la famille de Mathieu Bisson joue dans la pièce : il s’agit de Mathilde Bisson, incarnant Cécilie, la femme qui change les choses pour Algernon. Naïve, pure, innocente, l’actrice paraît aussi candide que son personnage, son jeu est aussi sincère que doivent l’être ses pensées. L’actrice avec qui elle a une belle scène, Marilyne Fontaine, est très bien aussi, si ce n’est qu’elle cabotine un peu, par trop de moues, de petits gestes qui attirent les regards vers elle. Dommage, elle n’en a pas besoin. Mathieu Brion, tantôt serviteur d’Algernon puis jardinier de Jack, est tout à fait dans le ton aussi, de même que Margaret Zenou, chargée des cours de Cécilie. Et puis il y a Claure Aufaure. Claude Aufaure, sa voix si puissante et si grave, son jeu si précis, son jeu superbe. La dureté de Lady Bracknell n’en ressort que mieux, ses phrases tranchantes n’en sont que plus drôles, son décalage par rapport aux jeunes de la pièce n’en est que plus frappant. Et l’acteur nous prouve à nouveau son talent en se transformant pour jouer le révérend-Chasuble, homme simple et bon. On ne le reconnaît pas.
La troupe est donc plus qu’excellente. Et chaque détail comptant, le fait que les décors soient beaux, élégants, élaborés, sans non plus en faire trop, et que les costumes et particulièrement leurs couleurs soient impeccables et parfaitement accordées, tout cela ne peut qu’ajouter un plus à ce spectacle déjà si réussi. Et puis vraiment, cette traduction m’a semblé sans accroc. Les quelques allusions aux mariage gay ne m’ont pas déplu puisque c’est très implicite, la traduction est moderne, … que demander de plus ?

Un sans faute brillant, plein de vie, comique à souhait. A voir, et à revoir au théâtre Montparnasse à partir de mars ! ♥ ♥ ♥

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Jean-Marie Besset

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Jean-Marie Besset est un auteur que j’ai découvert il y a 2 ans, lors de la première de Ce qui arrive et ce qu’on attend (25 août 2010). Je n’ai pas immédiatement apprecié l’écriture, le style. Malgré tout, j’étais intriguée, persuadée que quelque chose m’avait échappé, et comme j’avais tout de même apprécié la pièce, j’y suis retourné à plusieurs reprises. Il m’a fallu plusieurs représentations pour comprendre l’excellence de ce que je venais de voir. Après cette pièce, j’ai voulu en découvrir d’autres, et j’ai lu, vu des DVDs, et d’autres de ses pièces (Il faut je ne veux pas) …

Cet auteur m’a également interessée par son parcours. En effet, poussé par ses parents, il a d’abord fait une grande école de commerce avant de se diriger vers le théâtre. Ce passé, ces études qu’il ne souhaitait peut-être pas, tout ceci se ressent beaucoup dans son oeuvre : je ne crois pas me souvenir d’une pièce où l’univers des grandes écoles n’est pas mentionné. Une de ses oeuvre a d’ailleurs pour titre Grande École(je n’ai vu que le film, que je n’ai pas beaucoup aimé, mais je pense lire la pièce d’ici peu).

De Besset, j’ai donc beaucoup lu. Certaines pièces m’ont beaucoup plu (Commentaire d’amour, Perthus, Je ne veux pas me marier), d’autres moins (Fête Foreign, RER). Mais j’en élève une bien plus haut que tout ce que j’ai pu lire, ou voir … J’ai longtemps pensé que Ce qui arrive et ce qu’on attend était indépassable. Puis j’ai lu Un coeur français. Dans cette pièce, on découvre Janvier lors de sa transplantation cardiaque. Je ne veux pas m’essayer à résumer plus que cela, car la pièce est bien trop complète pour pouvoir être résumée. Le fait est que cette pièce est grandiose. Jean-Marie Besset y mêle avec brio les sujets de la mort, de l’amour, et de la politique, entre autres. On y retrouve cette tension sous-jacente qui m’avait tant marquée dans Ce qui arrive et ce qu’on attend. De la tension liée à la mort comme aux choix importants devant lesquels se retrouve Janvier. De la tension par les actions qui s’y déroulent, comme par les mots qui s’y disent. Et quel titre : Un coeur français. L’expliquer, ou l’analyser, briserait sa beauté. Il faut lire, pour comprendre. Voir aurait été mieux, mais la pièce ne se donne pas en ce moment. Dans tous les cas, cette pièce m’a vraiment touchée. J’ai pleuré en la lisant, ce qui est plutôt rare. S’il y a une oeuvre de Besset à lire, je pense que c’est celle-ci. J’aimerais beaucoup lire d’autres avis !

De plus, Jean-Marie Besset n’est pas seulement auteur de théâtre. Il est également adaptateur. Par exemple, c’est lui qui a traduit le texte de Will Eno, Thomas Chagrin. C’est également lui qui signe la traduction de The Importance of being Earnest en L’importance d’être sérieux (Oscar Wilde), qui se jouera dès janvier 2013 au TOP. Enfin, à tous ses talents, ajoutons qu’il est également l’un des fondateurs du festival NAVA auquel j’ai assisté cette année. 

 

Festival NAVA 2012 !

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Si le festival d’Avignon est connu de tous (n’est-ce pas ?), ce n’est pas forcément le cas pour le festival de Limoux, cette petite ville près de Carcassonne. Ce festival a pour particularité de présenter des lectures … comme si le travail était toujours en cours, nous assistons donc à des spectacles où les comédiens tiennent leur texte dans leur main, y jetant des coups d’oeil de temps à autres. Etonnant, mais finalement pas si génant que ça.

Je n’ai pu assister qu’à 2 spectacles, celui du 27 et du 28. Deux spectacles vraiment très différents.

Tout d’abord, le vendredi, j’ai découvert Car tu es poussière. Dans la continuité de mes découvertes de vacances (après Jarry et Genêt), voici maintenant Pinter qui s’ajoute à ma petite liste. Pinter, c’est spécial, c’est plutôt compliqué, plutôt implicite, plutôt difficilement compréhensible à vrai dire. Je pense même que plusieurs interprétations sont possibles, étant donné que rien n’est clairement explicité. De plus, les deux comédiens étaient sur scène, sans mise en espace, juste lisant leur texte sur leur pupitre … Peut-être qu’avec une plus grande mise en scène, l’histoire se comprendrait mieux (y a-t-il des ellipses entre chaque intervention de la femme ? Difficile à dire ici …). Mais c’est le principe de NAVA, qui met en avant le texte avant la mise en scène.

Le lendemain, c’était au tour du Kiné de Carcassonne d’être présenté, en plein air cette fois-ci. La pièce, écrite à 4 mains, relate une histoire de famille, française, Carcassonnaise, qui à la suite du decès du frère du père de famille, se rend à New-York où il résidait et cherche à obtenir l’héritage de ce dernier … Et particulièrement certains tableaux. Mais son colocataire (et ancien compagnon) ne l’entend pas de cette oreille … Entre guerre familiale et troubles dans les vies privées de chacun, la pièce reste pourtant comique, chose plutôt rare chez Jean-Marie Besset qui nous avait habitués à des sujets profons et souvent noirs. Elle est soutenue par d’excellents acteurs, et tout particulièrement Raphaëlline Goupilleau et sa voix si marquante, irrésistible en mère totalement perdue et dépassée par les évènements, ou encore Arnaud Denis et Chloé Olivères, des « valeurs sûres » qui continuent de m’étonner par leur talent … Ces deux comédiens parlent durant toute la pièce avec un accent américain prononcé, allant parfois jusqu’à dialoguer dans la langue, et gardent malgré tout leur aisance et leur naturel sur scène. J’ai également été très heureuse de découvrir un David Zeboulon meilleur que dans Pour un oui ou pour un non, plus assuré, et bien plus crédible. Enfin, l’ acteur Félix Beaupérin m’a beaucoup impressionée : malgré son jeune âge, il semble sûr de lui et joue comme s’il avait déjà du métier derrière lui. J’espère vraiment que la pièce montera à Paris !

Ce festival possède une autre particularité : après chaque spectacle, les spectateurs sont invités à déguster de la blanquette (spécialité de la région), et peuvent ainsi discuter avec d’autres passionnés de théâtre, et même donner leur avis aux acteurs … Cela permet de passer de très bons moments, d’essayer de reconnaître certaines têtes connues (Virginie Pradal et Jean-Michel Ribes était présents, par exemple), ou encore de constater la simplicité de certains grands acteurs !

En bref, ce festival de théâtre fut une très bonne expérience, si ce n’est que la ville manque un peu d’attractivité, et que la journée peut se faire longue, en attendant le spectacle du soir.

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Il faut je ne veux pas, Théâtre de l’Oeuvre

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Critique de Il faut je ne veux pas, de Musset et Besset, vu le 22 janvier 2012 au TOP, puis à 2 nouvelles reprises au Théâtre de l’Oeuvre

[ Avec Adrien Melin, Blanche Leleu, et Chloé Olivères, dans une mise en scène de Jean-Marie Besset ]

C’est encore avec le sourire aux lèvres que je commence cet article. Voilà pourquoi j’aime tant le théâtre, voilà pourquoi j’y vais tant. Une salle que je ne connaissais pas, et un horaire que je n’apprécie pas vraiment (dimanche en matinée). Et pourtant, quel spectacle !

Jean-Marie Besset met ici en scène quelque chose d’original et que je n’avais jamais vu auparavant, auquel même je n’avais jamais songé : on assiste, durant la première partie du spectacle, à une représenation de Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée de Musset. Et pour la seconde partie, Besset nous présente une de ses pièces, écrite en écho à celle de Musset : Je ne veux pas me marier. Les deux pièces, ou scènes, (elles sont de courte durée), traitent du mariage, mais, et c’est là tout le génie de Besset, la manière de l’aborder est différente sur certains points … et identique sur d’autres ! En effet, les deux courtes pièces représentent un couple abordant la question du mariage. Chez Musset, il s’agit d’une demande d’un homme à une femme : la femme semble garder le dessus et jouer avec cet amant qui est entré chez elle, se plaignant de ce que les hommes sont toujours les mêmes, faisant toujours les même compliments, sans renouvellement. N’empêche, dès qu’il lui demande sa main, elle se plie à son désire : elle place toute sa confiance en cette convention qu’est le mariage. Dans la seconde pièce, Jean-Marie Besset met en scène un couple de 2008, la veille de leur mariage. Le futur mari rend visite à sa future femme. Mais tout d’un coup elle hésite sur le mariage et ce qu’il implique, les changements qui le suivent, tout cela la stresse et elle se pose beaucoup de questions. Là aussi, le mari est un peu débordé. 

Ainsi, les deux pièces peuvent s’étudier en parallèle : l’homme reste le même, ou presque, et est d’ailleurs interprété par un même acteur : Adrien Melin. La femme, en revanche, évolue, et va même jusqu’à dire tout et son contraire entre les deux scènes. 

Dans la première scène, qui met en scène un Comte et une Marquise, c’est Blanche Leleu qui tient le rôle de la femme. Son jeu n’est pas toujours très juste et rappelle presque par instants celui qu’elle avait dansCe qui arrive et ce qu’on attend alors que les deux pièces n’ont rien en commun. Elle reste quand même bonne actrice et son personnage est crédible malgré quelques manières trop contemporaines. C’est comme si elle avait juste enfilé un costume de Marquise pour la forme, mais sans travailler vraiment le fond. Enfin, j’exagère, car on perçoit le travail derrière tout ça, mais peut-être pas entièrement fini … Mais il faut avouer que son rôle n’est pas évident à interpréter et que Musset est extrêment difficile et délicat à jouer et à mettre en scène …

Dans la seconde scène, cette femme stressée en plein préparatifs de mariage, pleine de doutes et de question sur elle, sur son mari, sur eux deux et leur avenir, est interprétée par Chloé Olivères. Je ne l’avais jamais vue jouer, et je suis très contente de l’avoir découverte : c’est une excellente actrice ! Enervée puis aimante, avec des appétits sexuels variés, elle va au fond des choses et est très nature sur scène ; elle ose tout et fait même des abdominaux tout en parlant avec Tigrane, son futur mari.

Mais celui qui semble porter le spectacle, celui qui enchaîne le Comte et Tigrane, soit des personnages vivant dans des époques différentes, dont les moeurs et les types de dialogues ont changé, c’est Adrien Melin. Cet acteur, que j’avais déjà vudans plusieurs pièces, est extraordinaire. Il a beau jouer dans les deux scènes, lorsqu’il arrive dans la seconde après avoir changé de costume, on en vient à se demander si c’est le même acteur. Il faut dire qu’il ressemble vraiment à un Comte dans la première. Poli, respectueux, amoureux, au ton courtois et aux manières élégantes, il ne ressemble plus au Adrien Melin que j’avais l’habitude de voir au théatre. Mais lorsqu’il arrive après la courte pause musicale … Il s’est littéralement transformé ! Il parle d’un ton plus pressé, peut-être moins charmeur, sa gestuelle et sa manière d’occuper l’espace n’ont plus rien à avoir avec « avant » : il bouge plus, s’agite, s’énerve aussi. Son jeu est sans cesse renouvelé, tout est inattendu et on est sans cesse étonné : d’abord il s’entête car il ne comprend pas ce que souhaite Vivien, sa future femme. Puis il finit par lui faire avouer qu’elle ne veut pas se marier … Finalement, on entend la chanson de Julio Iglesias, Vous les femmes. Et, tout d’un coup, il se met à danser sur scène. Mais il ne fait pas qu’esquisser pas quelques pas, non ! Ce qu’il fait est digne d’un véritable danseur ! Ces gestes, sa précision, et son rythme sont absolument parfaits. C’est sans doute mon moment préféré du spectacle … Je ne m’y attendais pas et l’effet était évident : on est subjugué par son talent.  Une telle perfection est quasi-inexplicable et je risque de gâcher le passage en essayant de le raconter. C’est incroyable, il faut le voir le pour le croire.

Au final, si l’on compare les deux scènes, on peut dire que la seconde déborde d’idées concernant le mariage … Se marier ?Ne plus se marier ? Partir en voyage ? Rester ici finalement ? Toutes ces questions que l’on ne retrouve pas dans la première scène, où il se contente de courtiser la Marquise jusqu’à lui demander sa main, qu’elle accepte presque immédiatement … Mais d’un autre côté, la première scène est plus en finesse, et semble peut-être plus légère, en tout cas en surface … C’est également là qu’Adrien Melin excelle : ce changement de genre ne semble lui poser aucun problème et il affronte la difficulté avec tant d’expertise qu’aux yeux du spectateur, cela paraît presque naturel et facile. Un grand bravo pour ce Grand acteur qui a une magnifique carrière devant lui !

Donc, même si on sent que la seconde pièce est dirigée par la main de l’auteur lui-même, et que celle de Musset semble moins travaillée, ou moins approfondie, peut-être n’est-il pas allé totalement au fond des choses, le spectacle reste un vrai moment de plaisir ! Voir de telles performances et découvrir de si jolies et intéressantes pièces est toujours une joie pour une passionnée …

Un excellent spectacle : à voir et à revoir au Théâtre de l’Oeuvre à partir du 14 février 2012 !

(J’ai revu le spectacle et ai rédigé un court article en conséquence : ici) 

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Sortie du DVD tant attendu

 

J’ai le plaisir de vous annoncer la sortie du DVD de Ce qui arrive et ce qu’on attend, de Jean-Marie Besset, mis en scène par Arnaud Denis, avec Virginie Pradal, Adrien Melin, Jonathan Max-Bernard, Jean-Pierre Leroux, Blanche Leleu, François Mougenot, et Arnaud Denis. Sa sortie officielle est le 16 septembre.

Une pièce que j’ai vu 6 fois et que je reverrai encore ; je conseille donc à ceux qui ne la connaissent pas ou qui n’ont pas eu la chance de la voir d’acheter la captation de la pièce, qui vaut vraiment le détour. 

Vous pouvez commander le DVD sur le site de la Copat : ici, ou sur amazon, ici . 

Le DVD sera également disponible en grandes surfaces (fnac, gibert). 

Réalisation : Philippe Miquel

Thomas Chagrin, Déchargeurs

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Critique de Thomas Chagrin de Will Eno, vu le 17 août au théâtre des Déchargeurs
Avec Adrien Melin, mise en scène Gilbert Désveaux 

Voilà encore une pièce que je ne serais pas allée voir si je ne suivais pas le parcours de  l’excellent acteur qu’est Adrien Melin … Découvert dans Le Diable Rouge, je l’ai revu par hasard dans Ce qui arrive et ce qu’on attend, puis dans Masques et Nez. Il a vraiment énormément de talent, et nous le prouve ici, une fois de plus.

Un homme entre. Costume qui semble trop grand, un peu froissé … sans pour autant faire clochard, … disons qu’il ne semble pas faire attention à son allure … Il essaie d’allumer une cigarette, mais souffle sur son allumette. Il retente. Puis explique que, de toute façon, il devait arrêter. Et là, il commence son histoire … Une histoire ? Mais … y en a-t-il vraiment une ? Le texte paraît brouillon, confus, comme si le narrateur se perdait dans le fil de ses idées … C’est un homme, ce Thomas Chagrin … qui se pose beaucoup de question sur la vie, la mort, l’amour … Il a déjà vécu, se souvient de la difficulté à sortir de l’enfance … se souvient de ce chien, qu’il a perdu étant enfant … puis de cette femme, perdue, étant adulte … et s’adresse à nous, au public … C’est plus un dialogue entre lui et nous, dans la mesure où à plusieurs reprises il nous pose des questions, qu’un monologue. J’ai d’ailleurs eu droit, comme à tous ceux du premier rang, à des questions, de sa part … et c’est là qu’on s’aperçoit que le rythme est excellent … car, lorsqu’il vous pose une question, en vous regardant droit dans les yeux, vous ne savez pas si vous devez lui répondre … vous réfléchissez … et quand vous avez résolu de répondre (ou non) à haute et intelligible voix, il reprend tout naturellement la parole, comme si quelqu’un lui avait répondu… le rythme vous laisse donc juste assez de temps pour réfléchir, mais pas non plus assez pour répondre … cela permet, ainsi, au personnage d’enchaîner sur autre chose … Compliqué à expliquer, mais j’espère l’avoir à peu près bien transmis…

Ainsi, malgré un texte … comment dire ? un peu cafouilleux, sans être non plus inintéressant, Adrien Melin parvient à saisir le spectateur pendant plus d’une heure, grâce à son incroyable talent (il est sorti du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique en 2007, et je ne serais pas étonnée s’il était dans les meilleurs de sa promotion), diction parfaite, gestuelle et déplacement excellents, et une réelle présence … il est seul, d’accord, et réussi (donc ?) aisément à attirer le regard sur lui … mais le regard s’accroche, et on ne parvient plus à le quitter des yeux, même lorsqu’il nous raconte des histoires, on a du mal à s’intéresser aux playmobils qu’il sort de sa boîte … mais on se surprend tout de même à entrer dans son histoire, quelque peu étrange, qui ne ressemble à rien de ce qu’on connaît, et qui semble « sortie de nulle part »  .

Sans pour autant avoir jubilé devant cette histoire, j’ai surtout énormément apprécié le jeu d’un acteur qui fait sûrement partie des Grands … Je ne sais donc pas si je dois le conseiller .. on ne s’ennuie pas, ça, c’est sûr – mais ce n’est pas une histoire qu’on retient … plutôt un acteur qu’on admire durant un peu plus d’une heure ! Et pour cette simple raison, je vous conseille d’y aller. 

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Ce qui arrive et ce qu’on attend, Vingtième Théâtre

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Critique de Ce Qui Arrive Et Ce Qu’on Attend, de Jean-Marie Besset (mise en scène Arnaud Denis), vu 6 fois
Avec Arnaud Denis, Jean-Pierre Leroux, Adrien Melin, Virginie Pradal, Jonathan Max-Bernard, Blanche Leleu, et Niels Adjiman//François Mougenot.

Voilà une pièce … que j’ai vue 1 2 3 4 5 6 fois.

J’avoue que ce n’est pas le genre de pièce que je serais allée voir, si je ne « connaissais » pas Arnaud Denis (voir article). L’histoire ? Un concours décidera de l’architecte qui construira le premier monument sur la Lune … parmi les candidats, un jeune homme, marié, et qui retrouve un « ami » d’enfance dans le jury … et un autre homme, plus âge, prêt à tout pour faire aboutir son projet …  Ce qui arrive et ce qu’on attend. Quel titre, n’est-ce pas ? On comprend d’ores et déjà que la pièce parle de l’attente. Mais pas seulement. Plusieurs autres thèmes y sont abordés, tels que l’homosexualité, les retrouvailles, l’administration… Mais je ne vais pas trop en dire, et vous laisse découvrir la pièce, soit en la lisant, soit en achetant le DVD lorsque celui paraît  (le lien apparaîtra alors ici).

Je vais donc donner mon avis.

Les acteurs sont excellents, très bien choisis : ils sont au nombre de 7 mais ne sont jamais présents tous en même temps ; Arnaud Denis, qui signe aussi la mise en scène, interprète Nils, un jeune homme issu d’un milieu aisé et qui profite un peu de tout le monde – il est le seul qui n’attend rien de spécial, et d’ailleurs il le dit à un moment (il me semble) « j’ai tout mon temps ». Arnaud Denis, habitué aux rôles de manipulateur (Scapin, Monsieur Trissotin – à quand Tartuffe ?), excelle ici ; il utilise à bon escient son corps : en effet, il est très grand et permet ainsi de mettre son interlocuteur mal à l’aise. C’est quelque chose de très impressionnant et qui marche très bien – il s’en était déjà servi dans Les Femmes Savantes, et j’avais déjà beaucoup aimé, mais il faut le voir pour comprendre (je ne trouve malheureusement pas de photo pour souligner ce que je dis). Le jeune couple formé d’Adrien Melin et de Blanche Leleu « sonne très juste » ; ils sont naïfs, paraissent instables et semblent réellement destabilisés par l’arrivée de Jason (Jonathan Max-Bernard) ; gay, malade du SIDA, cela fait 20 ans qu’il attend son premier amour … alors le retrouver derrière une porte, lui en jury et l’autre attendant d’être jugé … il tentera tout de même sa chance et essaiera de récupérer celui qu’il aime encore … J. Max-Bernard nous touche grâce à sa qualité de jeu, sincère et efficace. Jean-Pierre Leroux et Virginie Pradal forment également un duo parfait (je n’enjolive pas les choses – tout était excellent, je ne fais que dire la vérité) : l’une directrice de l’Architecture et du Patrimoine, autoritaire, dans la force de l’âge mais agissant comme une furie, et l’autre, prêt à tout pour arriver à ses fins (Lebret, personnage interprêté par JP Leroux, participe également à ce concours). Enfin, un huissier (Niels Adjiman puis François Mougenot – ma préférence va largement au premier !) aide au bon déroulement des choses … Il fait entrer les uns, sortir les autres, annonce certains personnages …

La mise en scène est parfaite et je n’ai rien à redire. Les costumes sont simples mais élégants. Le décor … personnellement, je l’adore ! Je me souviens d’une fois où, au commencement de la pièce, une dame derrière moi a dit quelque chose qui ressemblait à « Il est trop simple ce décor ». C’était peut-être la même personne qui a parlé tout le long du spectacle. Mais passons. Le décor ne change pas. Certains accessoires bougent, mais on comprend très bien pourquoi. Je dois dire aussi que la musique est très bien choisie (le groupe Applause).

La pièce dégage une atmosphère de tension, comme une bombe prête à éclater. On sent qu’il y a quelque chose de grave, de très grave, malgré les petites scènes « comiques » entre ces moments dramatiques. Car c’est aussi cela qui fait le Grand de cette pièce. Elle comporte tout ! On rit et on pleure. On est heureux puis anxieux. Et quand on ressort, on n’a plus envie que d’une chose ; la revoir !

 » Ce qui est arrivé était encore mieux que ce à quoi je m’attendais … »

Voici une vidéo sur la pièce : lien. Elle passe au Vingtième Théâtre. Elle passe à présent au théâtre du petit montparnasse (jusqu’au 9 janvier)…  Allez-y, vraiment, allez-y !!!

Placement : les premiers rangs ; comme d’habitude !

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