Critique de La Dame de Monte-Carlo et La Voix Humaine, de Jean Cocteau, vus le 15 mai au TOP
Avec Véronique Vella puis Martine Chevallier, dans une mise en scène de Marc Paquien
Ce festival seules en scène est un très bonne idée, et il a lieu au Théâtre de l’Ouest Parisien, à Boulogne, lieu très agréable et vraiment facile d’accès. Je refuse les « ce n’est pas à Paris » : parfois, il faut sortir un peu aussi. Mais bref, c’est en voyant l’affiche de ce festival que j’ai reconnu deux actrices du Français, Martine Chevallier et Véronique Vella, et lorsque j’ai vu qu’elles partageaient la scène pour 3 représentations, je me suis empressée de prendre des places. Le spectacle se répartit de la manière suivante : Véronique Vella introduit, en quelque sorte, avec La Dame de Monte-Carlo, chant autour de la vie d’une cocotte déchue, ayant perdu l’espoir et se tournant vers le suicide. Puis, le rideau se lève sur Martine Chevallier, endormie, et le téléphone sonne. Au bout du téléphone, l’homme de sa vie. Mais on comprend peu à peu qu’ils ne sont plus ensembles, pour des raisons qui restent assez mystérieuses mais sans doute dues à lui, puisqu’on comprend au fur et à mesure qu’il n’est pas seul et a déjà, peut-être, tourné la page.
J’ai appris ce soir là que Véronique Vella ne lisait pas la musique. Chanter un morceau pareil de Poulenc à l’oreille, moi je dis Bravo ! Poulenc ce n’est pas forcément ma tasse de thé, mais il faut reconnaître la prouesse vocale que cela représentait, et le talent avec lequel Véronique Vella s’est approprié le morceau : chantant superbement, elle restait actrice sur scène et à sa voix s’ajoutait son jeu, comme toujours impeccable. Elle présentait cette cocotte avec une certaine amertume, mais malgré tout par instants, une lueur d’espoir semblait naître… Puis retombait. Dans sa robe noire, elle semblait à bout. Entrée sombre et réussie.
Martine Chevallier est une actrice qu’on voit trop peu au Français, du moins cette année. Ici, seule avec un téléphone, une bouteille de whisky par terre et un chien dans l’entrée de son appartement, elle aussi semble à bout. Lorsque son « chéri » appelle, elle semble forte, elle veut encore y croire. Puis peu à peu, dans une évolution visible, elle perd ses moyens. La comédienne m’a scotchée. A partir du moment où elle prend le téléphone jusqu’au moment où il raccroche pour de bon, j’avais les yeux rivés sur elle, attendant avec angoisse quelque chose de positif, un changement de ton de la conversation, qui ne venait pas. Le désespoir pointe le bout de son nez puis envahit la salle. Elle est au bord de la folie. A plusieurs reprises, nos larmes coulent. Réussir à maintenir pareille attention juste avec un téléphone semblait un certain défi, ici parfaitement relevé. Car elle parvenait, rien que dans ses « Allo ? … allo ?? » à transmettre son angoisse et à accrocher le spectateur. Il y a dans ce texte quelque chose de déchirant qu’on peut ressentir grâce à l’actrice. Elle a une présence incroyable et c’est comme si on entendait toute la conversation téléphonique rien que par son jeu : elle parvient vraiment à recréer un ensemble de dialogue rien qu’en monologuant, par des apostrophes ou des changements de regards lorsqu’elle « attend une réponse à l’autre bout du fil ». Je ne saurais mieux expliquer, et je conseille donc de voir pour comprendre par vous-même.
Les textes de Cocteau sont servis à merveille par deux actrices de talent, et on ne peut que conseiller d’y courir. Enfin, vite, car ça finit ce soir ! ♥ ♥ ♥