Un Musset bien noir

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Critique des Caprices de Marianne, vu au Vingtième Théâtre, le 28 février 2015 (par Complice de MDT)
Mise en scène Stéphane Peyran, avec Guillaume Bienvenu, Axel Blind, Robin Laporte, Gil Geisweiller, Robin Laporte, Stéphane Peyran, Colette Teissèdre, Margaux Van den Plas. 

Stéphane Peyran signe ici sa première mise en scène (à ma connaissance), et joue le rôle principal : celui d’Octave.

Il a choisi de mettre au jour la violence de la pièce, de l’obscénité agressive du Carnaval (un peu too much à mon goût), à la violence qu’exerce un Claudio au physique de lutteur sur sa jeune épouse. Le décor, d’inspiration gothique, est inquiétant, avec la herse qui défend la maison de Claudio, et se lève en grinçant, la scène le plus souvent peu éclairée. Les musiques de liaison entre les scènes sont à dessein fortes et stridentes. L’option est bien tenue, voire soulignée.

Les costumes, soignés, ne cherchent pas l’unité temporelle, mais la signification symbolique : la robe de Marianne est « bleu burka », Coelio est en habit noir comme un jeune romantique, sa mère en robe Renaissance signifiant le passé, Octave est vêtu de couleurs chaudes et porte sur l’épaule un manteau qui évoque l’habit d’Arlequin.

Le décor unique, sur lequel s’explique un peu confusément Stéphane Peyran dans sa déclaration d’intention, n’est pas toujours cohérent : comment Marianne pourrait-elle renverser les tables du cabaret, en pleine rue, alors qu’elle vient d’être brutalisée et menacée par son mari ?

L’accent est sans conteste mis sur le couple Coelio/Octave. Le physique des acteurs oppose ces deux personnages : Guillaume Bienvenu, longiligne et pâle, est un excellent Coelio, comme amoureux de la mort ; Stéphane Peyran avec son physique plébéien, ses bonnes joues, paraît au début être un Octave improbable, qui incline vers le truculent. L’alcoolisme du personnage est visiblement une clé de lecture pour l’acteur-metteur en scène. Pourquoi pas ? La gravité qui l’envahit face à ses responsabilités est d’autant plus surprenante, et il nous émeut réellement à la fin de la pièce.

On peut faire des réserves sur le spectacle, qui est encore un peu vert et deviendra certainement plus nerveux. Le rythme est un peu languissant : les changement d’accessoires sont longs, les entrées sur scène manquent de punch, ce qui peut donner l’impression d’assister à des scènes détachées, voire à des exercices d’école (on ne « sent » pas le hors-scène, si important dans cette pièce). La réserve principale est sur le personnage de Marianne, qui n’est pas bien dirigé : l’actrice joue en force, et crie trop. Dans le programme, Stéphane Peyran insiste à juste titre sur le caractère féministe de la pièce, avec cette Marianne qui se libère de la tutelle, exprime à la fois son besoin d’amour, de respect et d’autonomie, mais il n’a pas réussi à donner une vérité au personnage. Il est vrai que le rôle de Marianne est très difficile, car le personnage est instable, évolutif et mystérieux, mais peut-être faudrait-il un autre Octave pour que les revirements de Marianne soient plus crédibles. Stéphane Peyran a mieux réussi la relation Octave/Coelio que la relation Marianne/Octave.

Avec leurs imperfections, ces Caprices sont néanmoins un spectacle de bonne tenue, porté par une troupe solide (Axel Blind et Gil Geisweiller dessinent bien leurs personnages, Colette Teissèdre est une mère belle et digne) et qui devrait se bonifier au fil des représentations.

Stéphane Peyran nous donne accès au désespoir funèbre de Musset, et cela touche. ♥  

Farré fait fort

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Critique de Ferré Ferrat Farré, vu le 30 août 2013 au Vingtième Théâtre
Avec Jean-Paul Farré, Florence Hennequin, et Benoît Urbain

Quel plaisir de commencer ainsi la nouvelle saison théâtrale : une salle que j’aime beaucoup mais où je n’étais pas allée depuis un petit bout de temps, un grand acteur et chanteur sur cette scène que je connais si bien, et des chansons à texte … Cela ne pouvait être que bien. Mais à quel point, finalement ?
Jean-Paul Farré est un véritable personnage ; voix particulièrement reconnaissable, cheveux longs, petite personne, il ne faut pas longtemps à qui ne le connaît pas pour tomber sous son charme. Dès qu’il entre sur scène, il sait capter notre attention ; sa présence est indéniable. Son talent ne se limitant donc pas à la musique (on l’avait adoré dans Les 12 pianos d’Hercule il y a quelques années), le spectacle se déroulera également autour d’une petite histoire. Farré se transforme en candidat à la présidence de la chanson poélitique : les chansons porteront donc sur plusieurs thèmes définis en début de spectacle, et l’alternance entre Ferré, Ferrat, et Farré se fait sans choquer nos oreilles sensibles, puisque les chansons sont entrecoupées de brefs dialogues.
Comme on pouvait s’y attendre, tout ce qui est chanté est impeccable … en excluant 2 légers trous du comédien, après tout nous étions à la première et l’erreur est humaine, je pense n’avoir rien à redire. Les chansons sont excellement choisies, c’est-à-dire qu’il parvient à montrer la variété d’écriture des deux auteurs qu’il nous présente : je ne connaissais Ferrat qu’en belles chansons d’amour, et je lui ai découvert d’autres facettes bien inattendues (mais je n’en dis pas plus !). Et puis il faut avouer que Farré a une superbe voix, profonde, roulant ses [r], transmettant chaque émotion jusqu’à me mettre la larme à l’oeil. Une petite objection cependant : il nous présente lors de son spectacle des chansons qu’il a lui même composées (musique et paroles). Si c’est un très bon parolier, et qu’on salue particulièrement sa chanson sur le guide parisien des théâtres, ce n’est pas un excellent compositeur, et la mélodie manque de quelque chose. Bien dommage, car aux côtés de Ferré et de Ferrat, cela fait tache.
Aux côtés de Farré, la violoncelliste et le pianiste jouent le jeu : ils donnent la réplique à Farré lorsqu’ils ne l’accompagnent pas à l’instrument. Inutile de préciser que chacun maîtrise parfaitement son domaine … par contre, j’ai beaucoup apprécié leur participation aux spectacle, vivante et pleine d’entrain ! Malgré tout, je reste un peu sur ma faim. Le spectacle m’apparaît comme « brouillon », il ne semble pas totalement terminé et quelques arrangements seraient encore appréciés. Une histoire tournant autour d’un meeting, pourquoi pas, mais peut-être pourrait-on aller plus au fond des choses ? 

Un spectacle très conseillé pour qui aime la chanson française, ou souhaite découvrir un grand acteur français quelque peu extravagant ! ♥ ♥

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Nuremberg, la fin de Goering, Vingtième Théâtre

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Critique de Nuremberg, la fin de Goering, d’Arnaud Denis, vu 2 fois, au Vingtième Théâtre
Avec Götz Burger, Jean-Pierre Leroux, Jonathan Max-Bernard, Arnaud Denis/David Zeboulon, et Raphaëlle Cambray, mis en scène par Arnaud Denis

Arnaud Denis semble se lancer des défis de difficultés croissantes chaque année … Ainsi, après avoir monté Ionesco, Molière, Voltaire, Besset, il enchaîne tout simplement en nous présentant une pièce … qu’il a écrite. Quoi de plus normal, quand tout semble lui réussir ?

Mais à vrai dire, « sembler » n’est pas le verbe qu’il convient : et une fois de plus, il nous prouve son talent. Car quoi de plus difficile que de tenir un public en haleine pendant plus de 2 heures, sur un sujet des plus glauques ? Il a en effet choisi, pour sa première pièce, de faire du théâtre documentaire, c’est-à-dire que tout ce qu’il nous présente est réel. Cela s’est produit, et on a trop souvent tendance à l’oublier. Le spectateur est là, et, tout comme dans Autour de la Folie, il est obligé d’assister à ce procès, à ces injustices, à ces abominations, à la défense de ces menteurs assassins.

Entre un excellent choix des comédiens, et une maîtrise parfaite de la mise en scène, on commence à se poser des questions quant aux éventuelles faiblesses d’Arnaud Denis. Car, si on connaissait déjà son talent au théâtre en tant que metteur en scène et comédien, rien n’indiquait qu’il excellerait également dans l’écriture théâtrale. Et pourtant … Le texte tient parfaitement la route, le texte coule tout seul, et on sent pas le travail, les nombreuses recherches, les choix, bien qu’on les suppose nombreux. Il y a une ligne directrice, un très bon début, et une excellente fin, les deux sont inventifs et surprenants.  Pour faire simple, malgré certains passages un peu longs, je n’ai rien à redire, si ce n’est qu’il joue avec le feu en présentant une telle pièce : c’est très spécial, le théâtre documentaire. Différent de tout ce que j’avais vu auparavant. Il y a bien une histoire, mais on sent le côté réel des choses, et avec l’accent allemand de l’acteur jouant Goering, qui rend le procès encore plus authentique, on a vraiment l’impression de se retrouver au coeur du jugement.

Vous l’aurez compris, avec un nom pareil, c’est bien sûr du Procès de Nuremberg que traite la pièce d’Arnaud Denis. Un procès des vainqueurs sur les vaincus, les accusant de crime contre l’humanité. La pièce est entièrement portée sur le déroulement du procès de Goering, de son arrestation jusqu’à sa mort. Les scènes de jugement sont interrompues par des scènes se déroulant dans la cellule du principal accusé.

Que dire des acteurs, si ce n’est qu’ils ont tous trouvé le ton exact de leur personnage … Jean-Pierre Leroux est excellent comme à son habitude : il a toujours cette voix si belle et puissante, cette magnifique voix de théâtre qui le rend si reconnaissable. Mais si on omet ce caractère spécifique, il s’est transformé depuis le Besset de l’an passé : dans son costume de procureur, il impose le respect et le silence. Pour moi, il est un personnage très intéressant de par son évolution au cours de la pièce, mais je n’en dis pas plus … Arnaud Denis et Jonathan Max-Bernard sont deux excellents seconds rôles : le premier, psychiatre américain chargé d’observé les accusés et plus particulièrement Goering, mettra en lumière le caractère caché de celui-ci. Quant au second, je ne peux pas en dire trop de peur de gâcher la surprise : c’est un lieutenant américain. Tout deux sont d’une extrême justesse tant dans leur ton que dans leurs gestes ou leurs mimiques, exprimant haine, parfois dégoût, ou même la gène. Raphaëlle Cambray, actrice que je découvre, est formidable : elle brille particulièrement lors de sa description des camps de concentration en tant qu’ex-déportée, qu’elle raconte avec une dignité impressionnante. Avec son articulation impeccable et son incroyable présence, elle contribue également à ce sentiment de mal aise chez le spectateur, qui ne se représente que trop bien ce qu’elle décrit. Et enfin Götz Burger, acteur allemand incarnant le rôle éponyme : l’idée d’engager un acteur étranger à l’accent marqué est excellente. Cela met vraiment en situation ! Et malgré quelques fautes de français et des trous à peine perceptibles, sans doute dus à un grand stress (c’était la première), c’est un très bon acteur, et on perçoit l’évolution du personnage sans aucun problème !

Quant au décor… et bien il n’y en a pas, enfin pas à proprement parler, car ce sont plutôt des éléments qui le constituent et qui bougent : quelques tables et des chaises lorsqu’a lieu le procès, et un plateau rectangulaire représentant la cellule de Goering. On comprend très bien les changements, aucun problème de ce côté-là non plus.

Arnaud Denis réussit avec aisance ce nouveau défi qu’est l’écriture, et à tous les vrais amateurs de théâtre, amoureux d’histoire, ou juste curieux, ce spectacle est plus que conseillé !  

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La Sublime Revanche, Vingtième Théâtre

Lasublimerevanche2.jpgCritique de La Sublime Revanche, de Camille Germser, vue le 10 novembre 2011 au Vingtième Théâtre.

Voici une pièce bien étrange. Ce n’est même pas une pièce à proprement parler … L’argument-prétexte qui a été utilisé pour créer ce spectacle est celui d’un groupe de jeunes femmes, danseuses dans différents cabarets parisiens, qui fondait en 1973 un syndicat aux ambitions manifestement féministes pour relever certaines valeurs dans l’exercice de leur travail et se réapproprier corps et spectacle. Elles furent toutes licenciées. Un an plus tard, ces danseuses se retrouvèrent pour monter leur propre revue. Ce spectacle fit salle comble et scandale durant trois mois, au Théâtre du Soupirail, à Paris.

Mais je parle d’un argument-prétexte, car qui peut me confirmer que tout cela est bien réel ? 

[ Veuillez m’excusez pour ce retard (ou, comme on dirait dans Ce qui arrive et ce qu’on attend de JM Besset, « c’est pas du retard, c’est de l’humiliation ! »), mais j’ai eu les 2 semaines les plus chargées du trimestre. L’article sera donc court … ]

Le spectacle débute donc sur une présentation du groupe, et plusieurs numéros, se rapprochant de numéros de cabarets, des actrices présentes sur scène. De la danse, du chant, une ventriloque, de la nage dans l’air, bref, tout y passe. Mais bien vite, lors d’un changement de décor, une des femmes sort du lot et invite une spectatrice, chaussant du 38 ou 39, sur scène. Et la dite spectatrice restera durant tout le spectacle sur scène, avec les actrices, portant les mêmes costumes qu’elles, tentant quelques pas de danse. Premier questionnement : est-ce vraiment du hasard ?

Puis, lors d’un autre changement de décor ce me semble, ou du même, c’est cette fois-ci un homme qui est appelé à monter sur scène, et qui est ou devient complice lors d’un tour de cartes. Deuxième questionnement : quand et comment a-t-il su quelle carte choisir ?

Enfin, vers le milieu du spectacle, tout s’arrête. Comme ça. Et les actrices décident de répondre à des questions que les spectateurs vont leur poser … Troisième questionnement : les questions sont-ellespréparées à l’avance ?

Somme toute, beaucoup de questions restées sans réponse … la voix de Simone Hérault est-elletrafiquée, ou a-t-elle réellement participé au projet ? L’histoire est-elle un prétexte pour créer ce spectacle ?

Mention spéciale aux costumes, simplement magnifiques.

Mouais. Bof.

 

Présentation de la saison 2011-2012 au Vingtième Théâtre

Tout d’abord, je vous prie de m’excuser d’avance. Une année très lourde m’attend et il se pourrait que le temps que j’accordais l’année précédente à ce blog soit réduit. Les critiques seront donc peut-être moins approfondies.

Je compte ici donner mon avis, brièvement, sur certains spectacles présentés le 5 septembre, au Vingtième Théâtre (tout détailler serait trop long).

Dorian Gray [Oscar Wilde] (24 août – 30 octobre) : Par la magie d’un voeu, Dorian Gray conserve la grâce et la beauté de sa jeunesse. Seul son portrait vieillira. Le jeune dandy s’adonne alors à toutes les expériences. Vous connaissez mon avis sur la pièce, je veux juste préciser que j’ai trouvé l’attitude de Grégori Benchenafi assez déplacée, il n’a fait qu’une courte apparition, sans costume, pour présenter (je cite) « l’atout-charme » de sa pièce : Caroline Devismes, qui a chanté une courte chanson. Pour peu que l’histoire nous soit inconnue, impossible de la deviner ainsi. Vraiment dommage.

Chez Mimi [Aziz Chouaki] (7 septembre – 30 octobre) : Une comédie provençale chantée qui se déroule dans les années 60. Un bistro-guinguette avec ses rumeurs de comptoir et son bal du samedi soir. Un chanteur de rock qui fascine les midinettes. Et puis la guerre, celle d’Algérie. Et, trônant derrière le comptoir, Mimi l’Algérienne, avec sa faconde, son franc-parler et ses silences sur son pays natal : Mimi, l’âme du village. Avant de voir l’extrait présenté, je pensais que j’irais. Après, j’en avais un peu moins envie. Mise en scène qui a l’air assez simple, malgré une histoire qui peut-être intéressante. 

La Sublime revanche [Camille Germser] (2 novembre – 22 janvier) : En 1973, un groupe de danseuses, employées dans différents cabarets parisiens, fondait un syndicat pour se réapproprier corps et spectacle. Elles furent toutes licenciées. Un an plus tard, ces danseuses présentaient leur propre revue. Ce spectacle fit salle comble et scandale durant trois mois, au Théâtre du Soupirail. La Sublime revanche est une reconstitution de cette revue. Ici, c’est le contraire. Aucune envie d’y aller avant d’avoir vu les 2 passages qu’elles ont présentés. Mais après … Oui, je pense que j’irai le voir.

Andromaque, fantaisie barock’  [Pierre Lericq] (9 novembre – 15 janvier) : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector … qui est mort. Après L’Odyssée, la Genèse etAntigone, Les Epis Noirs déracinent Andromaque ! Une fantaisie barock’ où se mêlent et s’entremêlent burlesque et tragédie, chant et danse … avec La Mort comme maîtresse de cérémonie. Et en effet, ce sont deux extraits avec La Mort qui ont été présentés. Je n’ai pas vu le rapport avec Andromaque, mais c’était vraiment pas mal ! J’irai.

L’Hôtel des Roches Noires [Françoise Cadol et Stefan Corbin] (18 janvier – 4 mars) : Des fantômes hantent les murs d’un ancien hôtel. De courants d’air en éclats de rire, ils jouent pour passer le temps. Leur voeu le plus cher serait la réouverture de l’hôtel pour qu’enfin les clients reviennent et avec eux, leurs histoires d’amour. Bientôt arrive un homme avec un coeur qui bat… Indécise. Peut-être, peut-être pas…

Nuremberg, la fin de Goering [Arnaud Denis] (25 janvier – 10 mars) : A la fin de la deuxième guerre mondiale, les Alliés se retrouvent devant un épineux problème : que faire des grands dirigeants nazis ? Ils ne seront pas fusillés, ils seront jugés pour crimes contre l’humanité. C’est le début d’un des plus grands procès du XXe siècle : le Procès de Nuremberg. Sur le banc des accusés, Hermann Goering, deuxième personnage du Reich, attend son jugement. Que dire, à part que le discours du procureur américan, présenté par Jean-Pierre Leroux, ne peut me rendre que plus impatiente …

Alaska forever [création collective] (7 mars – 25 mars) : Au rythme d’un reality show stellaire et déjanté, « L’Homme en blanc », gourou du management et génie de la finance, confie son histoire, celle d’un grand patron de l’industrie pétrolière confronté à une catastrophe écologique sans précédent. Définitivement, non.

Pasolini [Michel Azama] (21 mars – 29 avril) : Communiste-catholique-homosexuel-dissident… controversé-excommunié-persécuté-assassiné ! Film-spectacle retraçant 25 ans de l’histoire et la fin tragique d’un des plus grands poètes, cinéaste, romancier italient du siècle dernier ! L’histoire est sûrement passionante, mais a priori … non.

Antigone [Sophocle] (28 mars – 6 mai) : Dans cette course suicidaire entre deux êtres que tout oppose, trois somédiens endossent tous les rôles tandis que le Choeur, accompagné d’un violoncelle, fait résonner cette langue d’une incroyable modernité. La salle semblait s’être endormie pendant leur présentation : sans hésitation, non.

Dorian Gray, Vingtième Théâtre

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Critique de Dorian Gray, d’après Oscar Wilde, vu le 24 août au Vingtième Théâtre
Avec Gregory Benchenafi, Gilles Nicoleau, Laurent Maurel, Caroline Devismes et Stefan Corbin, mis en scène par Thomas Le Douarec

J’avais déjà vu le spectacle à Avignon … mais à Paris en Août, les spectacles n’abondent pas. Et comme j’aime assister aux premières ; que je n’avais pas détesté la pièce, et que cela faisait 8 jours que je n’étais pas allée au théâtre … « allez, on y retourne ! »

C’est l’histoire de Dorian Gray… un jeune homme, très beau, qui rencontre un peintre, nommé Basil, lors d’un soirée organisée par une lady … Ils deviennent amis, et Basil, subjugué par la beauté de son nouveau camarade, lui propose de peindre son portrait grandeur nature. Dorian accepte. Mais alors qu’il pose, sir Henry, dit Harry, ami de longue date de Basil, lui rend visite. Et cette rencontre entre Dorian et Harry change tout pour notre jeune héros … en effet, Harry complimente d’abord Dorian sur sa beauté, mais il lui tient également des discours étonnants sur la jeunesse … discours qui vont décider le beau jeune homme à échanger son âme contre la jeunesse éternelle … Et cela s’opère au moyen de son tableau ; il change de « place » avec celui-ci, dans la mesure où Dorian gardera toujours sa jeunesse et sa beauté, il ne changera pas au fil des années, alors que son tableau vieillira, et portera les marques de la noirceur de son âme …

L’histoire est merveilleuse. Rien n’est changé, ils ont juste supprimé une scène présente dans le célèbre roman d’Oscar Wilde, ce qui n’empêche en rien la compréhension de l’histoire. Pour expliquer mes impressions, je vais devoir séparer la pièce en plusieurs parties.

Tout d’abord, le début. Le lancement de la pièce. Pour tout vous avouer, j’ai ri. J’ai ri car ils en font trop, j’ai ri car cette scène, juste avant de rentrer dans l’histoire, semble inutile, j’ai ri car la morale « de surface » (celle à laquelle le lecteur pense en premier, avant d’approfondir la question et de se rendre compte que l’auteur a fait passer plus d’une idée dans son roman), plutôt implicite dans le roman, est déclarée ici haut et fort, à plusieurs reprises, ce qui donne un effet un peu lourd … « L’âme est un bien précieux, on peut l’acheter et la vendre … » 1 fois, d’accord. Mais quand les acteurs, avec des capes noires, dans une ambiance (musique, lumières) sombre, le répètent sans s’arrêter … Non, vraiment, je n’ai pas trouvé cela intéressant, cela n’apportait rien … le texte peut parler de lui même, et, si la pièce est bien faite, le spectateur doit parvenir à trouver, seul, cette morale. Mais ce détail, je l’accorde, n’est pas non plus d’une importance capitale ; le metteur en scène a fait un choix, il doit donc y avoir une raison. Je ne m’attarde donc plus sur ce point.

La pièce commence. J’étais à la première, les acteurs sont tendus, raides, et ne parviennent pas à entrer dans leur rôle – enfin, c’est l’impression qu’ils donnent. Malgré tout, on est immédiatement séduit par le jeu de Laurent Maurel, dans le rôle d’Harry : il est cynique à souhait, comme le veut son rôle – ses pensées immorales, mais très spirituelles, font grand effet sur le public ; il est, d’après moi, le meilleur acteur de cette distribution. Basil, incarné par Gilles Nicoleau, est également très bon ; son rôle semble plus difficile que celui de Harry, dans la mesure où il doit jouer un homme qui connaît un sentiment nouveau, celui de la passion … pour un autre homme. Mais quand arrive Grégory Benchenafi … l’effet attendu n’est pas le bon. Il ne se tient pas bien sur scène, en tout cas, lorsqu’il joue – il est bien meilleur lorsqu’il chante, mais j’en reparlerai. Les bras ballants, le visage fixe, la voix toujours sur le même ton, il ne parvient pas à étonner le spectateur. Et ce, tout au long de la pièce. C’est dommage, car c’est tout de même le personnage principal … Enfin, le dernier personnage est une femme : Caroline Devismes, qui tient tous les rôles de femmes de la pièce (3 différentes il me semble). C’est une bonne actrice, bien que sa voix ne porte pas énormément.

Il faut maintenant que je parle, malheureusement, d’un autre élément que j’ai trouvé à moitié utile. Je m’explique : il arrive un moment dans la pièce, où le temps doit passer. Une ellipse, en quelque sorte. Alors Basil et Harry, devant nos yeux, se teignent les cheveux et la barbe en gris : cela est une très bonne idée. Mais pendant ce temps, Dorian Gray nous explique son passe-temps favori (les femmes) à l’aide d’une chorégraphie très moyenne  … c’est l’autre moment du spectacle où j’ai bien ri ; c’est très prévisible : il arrive avec un gilet sans manche, sans rien dessous. Évidemment, lors de sa chorégraphie avec la femme, elle lui arrache son gilet et il se retrouve alors torse nu, pour le plus grand plaisir de ses fans (photo ici)… Voilà qui n’était peut-être pas nécessaire, vous ne pensez pas ?

A présent, il faut que je vous signale quelque chose, si vous ne le saviez pas encore : c’est un spectacle musical. Voilà encore quelque chose que j’ôterais (ou du moins je ferai en sorte de changer les paroles)… Les musiques sont bien (composées par Stefan Corbin, qui accompagne les chants au piano ; c’est d’ailleurs un très bon pianiste que j’ai beaucoup applaudi), mais les paroles … les refrains des différentes chansons sont « Tu as volé mon âme, Dorian », « Ne m’abandonne pas, pardonne moi », ou encore « Tu as tué mon amour, pour toujours » … Les paroles ne sont pas très recherchées et n’ajoutent rien au texte. Malgré tout, les comédiens chantent tous très bien, notamment Grégory Benchenafi, qui était à l’affiche de Mike la saison dernière. Il a une voix magnifique et, si les paroles n’étaient pas les mêmes, ce serait un réel plaisir de l’écouter. Car là, on ne parvient qu’à l’entendre …

Enfin, j’aimerais parler de la fumée… C’est un élément que je n’aime pas beaucoup au théâtre, car je ne le trouve pas souvent utile. Et là, elle est beaucoup trop présente pour être toujours réellement utile. Au début : l’ambiance brumeuse de Londres … d’accord. Mais après ? Je ne me souviens pas de tous les instants où elle est utilisée, mais je me souviens bien m’être dit à plusieurs reprises « pourquoi mettent-ils de la fumée ? ».

Pour conclure, bien que bon nombre de choix de mise en scène ne m’aient pas plus, on passe un bon moment – car après tout, lorsque je dis que « j’ai ri », même si ce n’est pas vraiment en accord avec un tel texte, je n’ai pas dit « je me suis ennuyé » (même si parfois, on frôle l’ennui).  Et je ne change pas d’avis, mon dernier mot sera : pourquoi pas ?

 

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Ce qui arrive et ce qu’on attend, Vingtième Théâtre

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Critique de Ce Qui Arrive Et Ce Qu’on Attend, de Jean-Marie Besset (mise en scène Arnaud Denis), vu 6 fois
Avec Arnaud Denis, Jean-Pierre Leroux, Adrien Melin, Virginie Pradal, Jonathan Max-Bernard, Blanche Leleu, et Niels Adjiman//François Mougenot.

Voilà une pièce … que j’ai vue 1 2 3 4 5 6 fois.

J’avoue que ce n’est pas le genre de pièce que je serais allée voir, si je ne « connaissais » pas Arnaud Denis (voir article). L’histoire ? Un concours décidera de l’architecte qui construira le premier monument sur la Lune … parmi les candidats, un jeune homme, marié, et qui retrouve un « ami » d’enfance dans le jury … et un autre homme, plus âge, prêt à tout pour faire aboutir son projet …  Ce qui arrive et ce qu’on attend. Quel titre, n’est-ce pas ? On comprend d’ores et déjà que la pièce parle de l’attente. Mais pas seulement. Plusieurs autres thèmes y sont abordés, tels que l’homosexualité, les retrouvailles, l’administration… Mais je ne vais pas trop en dire, et vous laisse découvrir la pièce, soit en la lisant, soit en achetant le DVD lorsque celui paraît  (le lien apparaîtra alors ici).

Je vais donc donner mon avis.

Les acteurs sont excellents, très bien choisis : ils sont au nombre de 7 mais ne sont jamais présents tous en même temps ; Arnaud Denis, qui signe aussi la mise en scène, interprète Nils, un jeune homme issu d’un milieu aisé et qui profite un peu de tout le monde – il est le seul qui n’attend rien de spécial, et d’ailleurs il le dit à un moment (il me semble) « j’ai tout mon temps ». Arnaud Denis, habitué aux rôles de manipulateur (Scapin, Monsieur Trissotin – à quand Tartuffe ?), excelle ici ; il utilise à bon escient son corps : en effet, il est très grand et permet ainsi de mettre son interlocuteur mal à l’aise. C’est quelque chose de très impressionnant et qui marche très bien – il s’en était déjà servi dans Les Femmes Savantes, et j’avais déjà beaucoup aimé, mais il faut le voir pour comprendre (je ne trouve malheureusement pas de photo pour souligner ce que je dis). Le jeune couple formé d’Adrien Melin et de Blanche Leleu « sonne très juste » ; ils sont naïfs, paraissent instables et semblent réellement destabilisés par l’arrivée de Jason (Jonathan Max-Bernard) ; gay, malade du SIDA, cela fait 20 ans qu’il attend son premier amour … alors le retrouver derrière une porte, lui en jury et l’autre attendant d’être jugé … il tentera tout de même sa chance et essaiera de récupérer celui qu’il aime encore … J. Max-Bernard nous touche grâce à sa qualité de jeu, sincère et efficace. Jean-Pierre Leroux et Virginie Pradal forment également un duo parfait (je n’enjolive pas les choses – tout était excellent, je ne fais que dire la vérité) : l’une directrice de l’Architecture et du Patrimoine, autoritaire, dans la force de l’âge mais agissant comme une furie, et l’autre, prêt à tout pour arriver à ses fins (Lebret, personnage interprêté par JP Leroux, participe également à ce concours). Enfin, un huissier (Niels Adjiman puis François Mougenot – ma préférence va largement au premier !) aide au bon déroulement des choses … Il fait entrer les uns, sortir les autres, annonce certains personnages …

La mise en scène est parfaite et je n’ai rien à redire. Les costumes sont simples mais élégants. Le décor … personnellement, je l’adore ! Je me souviens d’une fois où, au commencement de la pièce, une dame derrière moi a dit quelque chose qui ressemblait à « Il est trop simple ce décor ». C’était peut-être la même personne qui a parlé tout le long du spectacle. Mais passons. Le décor ne change pas. Certains accessoires bougent, mais on comprend très bien pourquoi. Je dois dire aussi que la musique est très bien choisie (le groupe Applause).

La pièce dégage une atmosphère de tension, comme une bombe prête à éclater. On sent qu’il y a quelque chose de grave, de très grave, malgré les petites scènes « comiques » entre ces moments dramatiques. Car c’est aussi cela qui fait le Grand de cette pièce. Elle comporte tout ! On rit et on pleure. On est heureux puis anxieux. Et quand on ressort, on n’a plus envie que d’une chose ; la revoir !

 » Ce qui est arrivé était encore mieux que ce à quoi je m’attendais … »

Voici une vidéo sur la pièce : lien. Elle passe au Vingtième Théâtre. Elle passe à présent au théâtre du petit montparnasse (jusqu’au 9 janvier)…  Allez-y, vraiment, allez-y !!!

Placement : les premiers rangs ; comme d’habitude !

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