Rendez-vous avec la vie d’Agatha Christie

Critique de Lady Agatha, de Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, vu le 19 octobre 2022 au Théâtre Saint-Georges
Avec Camille Favre-Bulle, Tatiana Gousseff, Marie-Aline Thomassin, Matthieu Brugot, Erwan Creignou et Léo Guillaume, mis en scène par Cristos Mitropoulos

Ça fait un petit bout de temps que je n’ai pas mis les pieds au Saint-Georges, et je suis ravie d’avoir plusieurs bonnes raisons d’y retourner. Mes premières bonnes raisons s’appelle Cristos Mitropolos et Ali Bougheraba, et sont les co-auteurs du spectacle. Ma troisième bonne raison se nomme Camille Favre-Bulle, découverte avec la même bande dans Sarvil l’oublié de la Canebière il y a un moment déjà. Et ma dernière raison s’appelle Agatha Christie, liée comme pour beaucoup à des moments de lecture marquant, et dont la vie m’est totalement inconnue. Des retrouvailles et des découvertes, ça sonne comme un bon début, non ?

Deux sentiments un peu contraires s’affrontent au sortir de la pièce : j’ai passé un bon moment, mais j’ai quand même ressenti certaines longueurs. C’est simple, sur mes notes, j’ai écrit à la suite « Très sympathique » et « Trop long ». Pour être tout à fait honnête, connaissant déjà le travail d’une partie de la troupe, j’avais quelques attentes et c’est peut-être une certaine forme de déception qui appuie aussi cette impression de longueurs. Les sachant capables de la perfection, je laisse plus difficilement passer certaines facilités présentes dans le spectacle.

Car c’est à elles que j’impute ces longueurs, surtout présentes dans le début du spectacle. On y présente l’éducation d’Agatha Christie, sa jeunesse, les différentes affaires de famille qu’elle traverse. Ce n’est pas inintéressant en soi, mais ça n’apporte pas non plus d’éléments clés pour la suite de l’histoire si bien qu’on aurait peut-être pu passer un peu plus rapidement dessus. D’autant que tous les personnages qui entourent Agatha Christie sont comme surjoués, dans des compositions toujours caricaturales, évoquant parfois même le gag : cela donne surtout un sentiment « d’occupation » des spectateurs en attendant que l’histoire commence vraiment. C’est presque dommage, car cette maniérisation systématique des personnages est contre-productive, certaines compositions très réussies se perdant un peu dans le lot.

© Cédric Vasnier

Ces compositions marquées sont d’autant plus visibles qu’elles entourent une Agatha Christie totalement naturelle incarnée avec brio par Camille Favre-Bulle. On connaissait surtout l’artiste à travers sa voix incroyable, on découvre à présent tout l’étendue de son talent d’actrice. Et quel talent ! Ce qui marque en premier, après son charisme fou – car cette comédienne rayonne et illumine tout le plateau par un simple sourire – c’est sa sincérité absolue. Elle émane probablement de cette espèce d’aura qu’elle dégage, et elle touche en plein coeur. Impossible alors de ne pas s’attacher à son personnage. Il faut dire aussi qu’elle porte haut les valeurs d’Agatha Christie, cette femme moderne, courageuse, et complètement libre. A la regarder, tout semble une évidence. C’est elle qui parvient à nous embarquer dans la pièce, et sa spontanéité mêlée à son énergie sont telles qu’on aimerait sauter avec elle sur le plateau.

Car on a commencé par le négatif, mais il y a beaucoup de choses qui fonctionnent complètement sur le plateau. Et encore plus à partir du moment où Agatha Christie commence à écrire, car les auteurs ont alors donné vie à ses personnages, et ce pour notre plus grand plaisir ! C’est inventif et drôle, c’est fait avec beaucoup de doigté, et ça donne de très chouettes moments de théâtre. De manière plus globale, la scénographie fonctionne beaucoup (et très bien) sur le mouvement. Elle utilise beaucoup les praticables, mais toujours à bon escient, et parvient à complètement faire exister le monde qui entoure Agatha Christie. Et c’est finalement assez fondamental, car cette incroyable vie prend toute son ampleur lorsqu’on la considère aussi à l’aune de l’Histoire : Agatha Christie a traversé presque tout le vingtième siècle, et c’est parfaitement représenté sur scène. Tout bouge, tout se renouvelle, tout avance… à la manière d’un bon roman policier.

Il faut le temps que ça s’installe, mais une fois dedans, la machine s’emballe, emportée par une merveilleuse duchesse du crime : Camille Favre-Bulle. ♥ ♥

© Cédric Vasnier

Ivo la vie

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Critique de Ivo Livi, de Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, vu le 5 novembre 2016 au Théâtre de la Gaité
Avec Camille Favre-Bulle, Ali Bougheraba, Benjamin Falletto, Cristos Mitropoulos, et Olivier Selac

Je vais vous raconter une histoire. L’histoire d’une jeune fille qui, abonnée au théâtre 14 il y a 6 ans maintenant, doit aller voir un spectacle intitulé Un de la Canebière. Après avoir regardé la bande-annonce, l’hésitation monte : voir ou ne pas voir ce spectacle ? Il ne lui dit rien. Mais le destin l’y poussera finalement : tombant amoureuse de cette troupe qui a tant à donner, elle ne manque aucun de ses spectacles par la suite, les découvrant toujours plus énergiques, toujours plus brillants, toujours plus généreux.

J’ai déjà vu ce spectacle au Festival OFF, cet été. Par conséquent, j’ai déjà écrit une critique, que je voulais dithyrambique. C’est difficile, face à un spectacle pareil. Rien qu’à le décrire, on perd en enthousiasme : voilà un spectacle qui va vous raconter la vie d’Yves Montand. Bim, vous avez déjà perdu tous les moins de 30 ans. C’est une troupe d’origine marseillaise qui va la raconter en chanson. Schlack, on s’imagine une troupe de branquignols. Ces a priori, je les avais, les voilà rejetés au placard. Pourtant, pour m’en séparer, il me fallait une sacré dose de théâtre ; ils me l’ont donnée. Mieux encore, ils dépassent tout ce que je peux imaginer. Chaque fois que je les vois, c’est une claque théâtrale, un regain d’énergie, un bouchon de champagne qui explose.

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Je me sens un peu désarmée pour essayer de décrire l’ambiance, le rythme, la vie qui déborde de ce spectacle. Figurez-vous : la joie. Les rires, la musique, l’entrain. Cette équipe-la aime ce qu’elle fait, ce qu’elle joue, et prend un plaisir immense à nous le transmettre chaque soir. C’est même presque étonnée qu’elle se rend compte, au salut, que le public a pris autant de plaisir – voire plus ! – qu’elle à la voir jouer, à la voir nous conter l’histoire d’Yves Montand.

Cette troupe-là sait. C’est un peu comme chez Michalik : ils ont la formule magique qui va bien. Ils connaissent le truc. Ils savent jongler entre l’histoire qu’ils racontent et les apartés hilarants. Ils savent créer des ambiances heureuses, tragiques, étonnantes, angoissantes. Ils savent les enchaîner avec brio, ils savent garder l’attention du spectateur 1h40 durant sans jamais le perdre. Ils savent chanter, danser, faire des claquettes, raconter une histoire, blaguer, rire, et pleurer.

Ce spectacle a tout pour plaire. C’est une leçon d’histoire, une leçon de théâtre, une leçon de vie. Je ne veux pas vous perdre dans une critique qui n’en finit pas d’encenser une pièce, donc je vais bientôt m’arrêter. Je demande juste que vous me croyiez, et que vous laissiez une chance à cette troupe qui a tant à donner, comme je l’ai fait il y a 6 ans maintenant. C’est un plaisir encore plus immense pour moi que de les voir évoluer de salle en salle, avec un public toujours plus nombreux, toujours plus enthousiaste. Lorsqu’aujourd’hui, au sortir du spectacle, j’entends tous les spectateurs, encore enfiévrés par ce qu’ils viennent de voir, remercier jusqu’au technicien qui rouvre les portes, je me rends d’autant plus compte du bonheur qu’ils sèment partout où ils se donnent. Allez-y, vous ne le regretterez pas.

Un spectacle vitalisant. A voir de toute urgence. ♥ ♥ 

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Festival d’Avignon 2016

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Ayant raté le Festival l’année dernière à cause de mes oraux, je n’étais que trop impatiente de revenir : la chaleur, l’ambiance, et les 4 pièces par jour me manquaient cruellement. Cette année, je ne reste que 4 jours au Festival, mais je compte en profiter au maximum !

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Fabrice Luchini et moi – Théâtre Actuel

Premier spectacle de ce Off 2016 : choisi un peu au hasard pour son titre accrocheur, je retrouve avec plaisir le Théâtre Actuel, l’un de mes lieux préférés du Off. Je ne sais pas à quoi m’attendre ; je n’ai rien lu sur le spectacle. Olivier Sauton entre et nous raconte comment il a rencontré Fabrice Luchini dans les rues de Paris, un soir à 3h du matin. Il imagine alors ce qui aurait pu suivre s’il avait demandé à Luchini des cours particuliers : et là entre sur scène, par l’intermédiaire d’Olivier Sauton, Fabrice Luchini. Ce n’est pas la meilleure imitation vocale que l’on connaisse, mais c’est sans aucun doute l’une des meilleures reproductions faciales des exagérations du regards, et des mimiques incessantes de l’acteur. Mieux encore, pendant toute la représentation, les répliques de Luchini sont plus que fidèles à lui-même : c’est comme si le texte n’avait pas été inventé, mais bien reproduit à partir d’une rencontre réelle. Les punchlines de Luchini, qui sonnent tellement justes, entraînent la salle dans un rire général, et le désarroi d’Olivier Sauton, alors jeune homme imbu de lui-même, ajoute au contraste des deux personnages.

Fabrice Luchini dans le Off, c’est rare, alors courez-y ! ♥ ♥ 

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Adieu Mr Haffmann – Théâtre Actuel

Grégori Baquet dans le Off, c’est immanquable. Il revient cette fois-ci avec une création dans lequel il n’est pas seul en scène : dans Adieu Mr Haffman, il interprète Pierre, un bijoutier qui va reprendre la boutique de son patron juif lors de l’occupation nazie, en acceptant de le cacher chez lui à une condition : qu’il fasse un enfant à sa femme, lui-même étant stérile. Devant ce canevas improbable, j’avoue avoir eu un moment de doute. Pourtant, la pièce nous emporte tout de suite : bien qu’étonnante, l’histoire est remarquablement construite et écrite par Jean-Philippe Daguerre, qui la met également en scène de manière rythmée et très intéressante. Le suspens est haletant, et lorsqu’arrive la scène culminante de la pièce, un certain malaise s’installe en nous. Pour équilibrer ces sentiments, quelques doses d’humour, parfois cynique, sont insérées dans la pièce et produisent un effet immédiat. Les acteurs portent la pièce avec brio : j’ai retrouvé avec plaisir Grégori Baquet, toujours excellent, et découvert avec tout autant de ravissement ses partenaires, tous brillants. Ce n’est pas une énième pièce sur la seconde guerre mondiale, mais un regard nouveau qui présente des affrontements passionnants, et mon coup de coeur du Off 2016.

Un must see. ♥ ♥ 

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Marc-Antoine Le Bret fait des imitations – Le Palace

C’est agréable de retrouver Marc-Antoine Le Bret en-dehors d’On n’est pas couché – où je l’ai découvert. Même dans la grande salle du Palace, que je découvrais pour l’occasion, on se sent un peu entre amis. En tout cas, le public est connaisseur, et moi aussi : à peine reconnais-je Laurent Delahousse que je pars dans un fou rire. Marc-Antoine Le Bret n’est pas le plus grand imitateur que je connaisse – je lui préfèrerais Laurent Gerra – mais il a ses grandes imitations : lorsqu’il devient Delahousse, Ladesou, ou Yann Moix, je ris aux larmes. Son point fort n’est pas la voix mais plus la personnalité, qui, poussée à la caricature parfois, donne un très bon résultat. Seul petit reproche : comme l’indique le titre du spectacle, Le Bret fait des imitations. Le lien qui les unie n’est qu’une vague excuse au dévoilement de sa large palette d’imitations, et j’aurais apprécié un spectacle plus construit, peut-être plus recherché. Mais il est encore jeune, et son spectacle a le temps d’être perfectionné !

Une bonne soirée !  

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Pourquoi ? – Théâtre du Roi René

Déçue de l’avoir raté lorsqu’il était au Petit Hébertot, j’ai profité de ce Festival pour découvrir Michaël Hirsch et son seul en scène : Pourquoi ? Sage décision ! Le jeune comédien donne corps et âme dans ce spectacle qui, quant à lui, fait appel aux cellules grises du spectateur : Michaël Hirsch a écrit un one rythmé autour des grandes questions de l’existence, agrémenté de jeux de langages disséminés un peu partout. Même si la concentration est de mise pour ne pas louper un seul jeu de mot, la salle ne cesse de rire d’un bout à l’autre du spectacle : deviner le mot d’esprit devient un jeu pour tous les spectateurs, et Michaël Hirsch s’amuse à nous voir comprendre, plus ou moins rapidement, ses différents calembours. Et on le laisse poéter plus haut que son cul car c’est si agréable de se faire balader ainsi de questions en questions en écoutant une langue manipulée avec autant de style, d’humour, et d’amour.

Voilà qui saura enchanter les amoureux de la langue ! ♥ ♥ 

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Ivo Livi – Théâtre des Carmes

Voilà également un pèlerinage obligatoire : la Team Rocket cie est un immanquable de mon Festival. Si le Cabaret Blanche était sympathique l’an dernier, plus grâce à leur talent qu’au spectacle en lui-même, ils reviennent plus en forme que jamais avec Ivo Livi, un tracé de l’histoire d’Yves Montand. Pour les initiés comme ceux qui ne connaissent que peu de chose sur sa vie, ce spectacle est une merveille : très bien écrit par la Team Rocket eux-même, excellemment mis en scène par Marc Pistolesi et remarquablement interprété par les différents comédiens, j’ai trouvé ici mon deuxième coup de coeur du Festival. Si je connaissais le travail de la troupe, je découvre avec plaisir la mise en scène de l’acteur et lui tire mon chapeau, notamment pour la scène finale d’une poésie magnifique, qui fait monter les larmes aux yeux. Le spectacle retrace fidèlement à la vie du chanteur, très élégant face à certains aspects de sa vie, agrémenté bien sûr des chansons qui ont marqué les différentes étapes de sa carrière. Ajoutons à cela la sauce Team Rocket, dirigés d’une main de maître par un Ali Bougheraba qu’on ne présente plus, et le spectacle se conclut par une standing ovation spontanée, et tellement méritée.

Courez les applaudir, voilà un petit bijou. ♥ ♥ 

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Voyage dans les mémoires d’un fou – Pixel Avignon

Encore un spectacle que j’avais raté sur la capitale et que je ne voulais pas manquer maintenant qu’il passe à Avignon ! Dans son Voyage dans les mémoires d’un fou, Lionel Cecilio interprète un jeune homme qui apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, et mortelle. Il se réfugie dans l’écriture, dans le partage de souvenirs – mais sont-ce réellement des souvenirs ou le simple fruit de son imagination ? Pour calquer sur l’esprit agité du personnage, ses différents écrit – de styles parfois opposés – sont accompagnés d’ambiances changeantes, dont l’enchaînement est brusque, autant que les sujets abordés sont nombreux : de la religion à l’apprentissage de la langue en passant par la contradiction d’un apprentissage bête et méchant à l’école, Lionel Cecilio traite de nombreux sujets avec une plume très acérée, et interprète ses différents personnages et leurs particularités avec brio.

Un moment intense, mené d’une main de maître par un acteur brillant.  

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L’enseignement de l’ignorance – Pandora

C’est attirée par les critiques élogieuses du spectacle et la thèse intéressante de l’essai duquel est tirée la pièce que j’ai découvert ce spectacle, joué au Pandora durant le Festival. Voilà un spectacle bien particulier : l’auteur du spectacle veut avant tout nous faire réfléchir quant à la thèse de Jean-Claude Michéa – selon laquelle l’État aurait pour but non plus d’enrichir nos esprits mais bien plus de nous rendre ignorants, et ainsi moins propices à un quelconque mécontentement qui pourrait conduire à des révoltes – et c’est la raison pour laquelle les 10 premières minutes du spectacle sont uniquement lues sur l’écran qui constitue le fond du décor. Nous voilà mis en condition – la suite du spectacle appuiera les questions posées, interrogeant le spectateur en essayant d’aller plus loin que ce que Michéa posait comme base, suivant la pensée de Seb Lanz, l’auteur du spectacle. Si la thèse est passionnante et nous donne envie de lire l’essai, j’ai trouvé que le spectacle aurait pu être plus unifié : certes, il nous met en face du problème, mais les différents exemples présentés s’enchaînent sans forcément de lien précis. Autre problème très personnel : la musique présente durant les 10 première minutes du spectacle, qui m’ont empêchée de bien me concentrer devant un texte intelligent et exigeant.

L’idée est bonne mais le spectacle pourrait être perfectionné. ♥ 

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Le Cid – Théâtre Actuel

Normalement j’évite d’aller voir des grands classiques dans le Off – sauf quand je connais bien la troupe. Mais face aux excellentes critiques et à ce théâtre que j’adore, je me suis laissée convaincre. Voilà un Cid mené avec une belle énergie, et c’est ce qui me vaut un avis plutôt enthousiaste, bien que j’aie quelques réserves. Les deux pères ainsi que Rodrigue sont interprétés avec une vitalité plus qu’appréciable ; malheureusement, Chimène est loin derrière avec des vers trop souvent criés et manque d’élégance pour ce rôle – or Le Cid appelle à une Chimène bien plus qu’à un Rodrigue. De même, si j’ai beaucoup apprécié la musique qui accompagne tout le spectacle, je ne peux que regretter l’interprétation étrange et totalement en contresens qu’est celle du roi : si Alex Bonstein était excellent dans Adieu Mr Haffman et bien qu’il dise magnifiquement les vers, sa version folle et zozottante du roi est une facilité visant à faire rire le public et dont Corneille n’a nullement besoin.

Certes, on passe un bon spectacle. Néanmoins, à la réflexion, avec de tels comédiens, Daguerre aurait pu faire quelque chose de bien mieux. ♥ 

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La Reine de beauté de Leenane – Théâtre des Corps Saints

Comme dit plus haut, je ne manque jamais un spectacle de Grégori Baquet au Festival Off. Ravie du Adieu Mr Haffmann présenté au Théâtre Actuel, et malgré la grande différence entre les deux pièces, je ne doutais pas de l’excellence qui m’allait être présenté. Bingo ! Cette histoire, un genre de Tom à la Ferme pinterien, décrit une relation mère-fille invivable, constamment conflictuelle et surtout malsaine, qui se verra chamboulée par l’arrivée de Pat’, un voisin. L’histoire est délicieusement délirante, les acteurs sont excellents, leurs compositions, exemplaires – Catherine Salviat est une mère-monstre, infâme, abjecte et grincheuse ; Sophie Parel une quadragénaire provocatrice qu’on imaginerait bien mâchant un chewing-gum la bouche ouverte ; Grégori Baquet a un visage qu’on ne lui connaissait pas, le regard vite et benêt, la voix monocorde et légèrement bougone ; et Arnaud Dupont suit cet exemple en composant un demeuré fini, à la personnalité ambigue. Attention, le spectacle est mal référencé dans le programme, et se joue au Théâtre des Corps Saints à 21h15.

N’hésitez pas ! ♥ ♥ 

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L’affaire de la rue de Lourcine – Collège de la Salle

Depuis quelques vaudeville-fiascos lors de mes précédents Festivals, j’ai plus d’hésitation devant le nom de Labiche ou Feydeau. Cependant, le nom de Patrick Pelloquet évoquant en moi des précédentes bonnes critiques sur un Eduardo de Filippo monté au Théâtre 14, j’ai pris le risque. Monté de façon délirante, un peu noire, lente, plutôt inhabituelle, ce Labiche est un délice. La trame est pourtant glauque : deux anciens élèves de la même école, Labadens, se réveillent après une soirée arrosée, persuadée d’avoir commis un crime. Devant le tragique de la situation, ils n’hésiteront pas à commettre le pire pour éviter d’être dénoncés… Les comédiens sont excellents, et la mise en scène, bien que plus lente que ce qu’on pourrait imaginer pour ce genre du pièce, n’en est pas moins rythmée, agrémentée d’intermèdes musicaux très bien interprétés.

Un très bon Labiche en somme, à conseiller pour petits et grands ! ♥ ♥ 

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C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde – La Condition des Soies

Découvert lors de la présentation de saison du Théâtre du Rond-Point, je savais que j’irais voir ce spectacle car j’adore Chloé Olivères. C’est avec un grand plaisir que j’ai appris qu’il se jouait à Avignon cette année : il faut courir à la Condition des Soies pour découvrir ce petit bijou. Elles sont deux sur scène à nous raconter les problèmes que peut rencontrer une femme depuis sa grossesse jusqu’après la naissance de son enfant : des difficultés au travail à la préparation à l’accouchement naturel en passant par les complications post-natales et l’incompréhension liée à l’aptitude des femmes quant à l’éducation d’un enfant, dont tout homme semble dénué, on sort de ce spectacle hilare – et avec, pour ma part, une petite réticence quant à la maternité (mais j’ai encore le temps d’y penser). Le texte est bien écrit et désopilant, et les deux actrices se donnent corps et âme durant plus d’une heure pour ce spectacle féministe qui donne à penser et arrive à faire rire avec une réalité non enjolivée et plutôt amère.

A voir à la Condition des Soies ou au Théâtre du Rond-Point dès la saison prochaine ! ♥ ♥ 

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Des Accordés – Atelier Florentin

Lilian Lloyd, c’est un nom que j’ai retenu depuis son excellent Comme un arbre penché vu il y a quelques années au Théâtre La Bruyère. Présent au Festival d’Avignon comme auteur à nouveau, je n’allais pas le rater. On a tous tellement besoin de sa pièce, en ce moment, et surtout un 15 juillet comme celui-là : une histoire d’amour entre un homme qui semble un peu abandonné par le monde sans qu’il l’ait lui-même laissé tomber, un homme seul qui s’invente une vie pour rassurer son père et éviter de le décevoir, et une SDF qui aime sa liberté et voudrait croire que « Le rêve, c’est ton moteur ». A eux deux ils se complètent et forment une grosse part de moi-même, de nous tous probablement. Durant le temps d’un spectacle, ils se découvriront l’un l’autre et comprendront que le bonheur est accessible même lorsqu’on vit dans une appartement pas plus grand qu’une cage avec une chaise, une table, et un lit. Enfermés, on ne l’est que si on le souhaite. Les comédiens sont successivement des pépites pleines de bienveillance et de tendresse et des volcans prêts à éclater. Mais l’un l’autre ils semblent s’apaiser, et leur affection est communicative : à la sortie du spectacle, on a envie de crier son amour pour le monde. Et on appelle ses proches.

Simple et essentiel. Comme un pansement en ces temps troublés. ♥ ♥ 

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Léonard – Ninon Théâtre

J’ai tellement regretté d’avoir raté le seul en scène de Marc Pistolesi il y a deux ans au Festival, et j’ai tellement adoré sa mise en scène d’Ivo Livi cette année, que je ne pouvais manquer de le voir jouer dans son spectacle (il en met d’autres en scène également) au Ninon Théâtre. Le texte qu’il a écrit ne ressemble à rien d’autre, c’est un univers assez différent de tout ce que j’ai pu voir jusqu’ici dans le Off : il y a quelque chose d’enfantin, de poétique, mais on sent un espoir immuable dans ce rappel de l’enfance que vit Léonard, un plongeon dans sa vie passée où l’espoir semblait une certitude là où il n’est maintenant plus qu’une illusion. Les acteurs sont très bons, et Marc Pistolesi lui-même est fabuleux, incarnant successivement Léonard, un homme désillusionné, et Arnolde, sorte d’ami imaginaire sorti de sa tête, partie téméraire de son enfance qui possède toute l’impulsivité que le Léonard adulte a perdu. Sur une base poétique solide, le texte manque de clarté parfois, semble encore un peu brouillon et pourrait être plus abouti. Mais l’acteur-auteur-metteur en scène a plus d’une corde à son arc, et on lui fait confiance pour la suite.

Une jolie proposition. ♥ 

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Je suis plus une adepte du Festival Off ; cependant, lorsqu’un spectacle me tente dans le In, je n’hésite pas très longtemps avant de prendre des places…

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Les Damnés – Cour d’Honneur

C’est l’événement du Festival In de cette année : le retour de la Comédie-Française dans la Cour d’Honneur après plus de 20 années d’absence. Inconditionnelle de la troupe comme je suis, je ne pouvais rater cet événement ! Une adaptation du film de Visconti par Ivo Van Hove dont j’avais beaucoup apprécié Vu Du Pont en début de saison, avec les comédiens que l’on connaît, voilà qui promettait d’être grandiose. Nous avons tous lu les nombreuses critiques dithyrambiques qui ont salué le spectacle et m’ont mis l’eau à la bouche : la déception n’en fut que plus grande. Je ne comprends pas pourquoi ça n’a pas pris sur moi : il y a de très bonnes idées de mise en scène, ainsi que des comédiens auxquels on ne peut rien reprocher techniquement, mais qui n’émeuvent pas. Seuls Eric Génovèse et Christophe Montenez parviennent à nous donner un semblant de malaise, de peur. Les comédiens sont remarquablement filmés durant le spectacle pour insister sur un regard ou un geste, et le dispositif ne m’a pas gênée. Mais comme tout, peut-être qu’il a participé à mon extériorisation du spectacle : le spectacle est trop plein, il y a trop de moyen, et cela tend à dénaturer la pièce. Là où on devrait être terrifiés, on se retrouve face à une troupe glacée mais pas glaçante, qui ne parvient pas à nous émouvoir. Je mettrais une partie de la faute sur un texte peut-être trop peu présent : les acteurs n’ont finalement pas tant de chose à jouer. On est parfois au bord de l’ennui, car peu embarqués par cette histoire. Dommage.

J’en attendais peut-être trop… 

Sarvil, l’Oublié de la Canebière, Comédie Bastille

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Critique de Sarvil, l’Oublié de la Canebière, de Ali Bougheraba et Frédéric Muhl-Valentin, vu le lundi 5 novembre 2012 à la Comédie Bastille
Avec Ali Bougheraba, Camille Favre-Bulle, Benjamin Falletto, et Cristos Mitropoulos, dans une mise en scène de Frédéric Muhl Valentin

Si le théâtre est ma passion, je ne dénigre pas pour autant les autres arts. Au contraire, la musique, c’est également très important pour moi. Je ne sors pas sans musique. Tous genres de musique. Parmi eux, de la chanson française. J’aime beaucoup la chanson française ! Ce genre de spectacle a donc tout pour me charmer. D’excellents comédiens, un rythme tout aussi bon, des chansons gaies, d’autres plus tristes, un fil directeur … Bref, tout semble parfait.

René Sarvil est un parolier marseillais, trop souvent oublié, dont ces comédiens, durant ce spectacle, tentent de reconstituer la vie. Vie qui peut paraître banale au fond mais qui, animée par les Carboni, devient intéressante, rythmée, mouvementée, gaie, comique. Un vrai plaisir !

Ali Bougheraba est notre monsieur Loyal. C’est lui qui construit l’histoire, c’est lui qui incarne René Sarvil. Si sa voix n’est pas aussi performante que celle de nos trois autres comédiens, il n’en reste pas moins un excellent acteur. Avec une gestuelle précise et un talent comique indéniable, il nous rend à merveille le personnage. Il possède également un sens du rythme parfait, et place des jeux de mots aux instants clés, si bien que le public est hilare du début à la fin, et que les applaudissements et les bravos fusent. 

Nous reste alors nos trois chanteurs. (Et l’accordéoniste, mais il va de soi qu’il joue très bien de son instrument, non ?) Parmi eux, Benjamin Falletto. Excellent acteur, il dispose également d’une voix, et d’une maîtrise de sa voix, étonnante. Lui si fluet a un timbre plutôt grave, et si puissant. Cette voix est enchanteresse, elle est tout simplement magnifique et tellement agréable à écouter ! Lorsqu’il chante Fascination, on a les larmes aux yeux. C’est beau et émouvant. Et très impressionnant. A ses côtés, de très bons chanteurs également : Cristos Mitropoulos, qu’on connaissait déjà des autres mises en scène des Carboni et qui possède lui aussi une très belle voix, et Camille Favre-Bulle, qu’on découvre avec plaisir, sous le nom de … Vicky.

Enfin, les chansons choisies sont accompagnées de petites chorés, toujours très en rythme et très ensemble. Ces acteurs ont vraiment le sens de la troupe. Les chansons sont très bien choisies.

Vraiment, tout pour plaire. Courez-y ! ♥ ♥ ♥ 

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Ali au Pays des Merveilles, Point Virgule

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Critique d’Ali au pays des Merveilles, one man show d’Ali Bougheraba, vu au Point Virgule le 14 février 2011
Ali Bougheraba, mise en scène Dider Landucci

Ali Bougheraba … Il suffit que vous remontiez la page, et vous retrouverez ce nom, dans la liste des acteurs de Un de la Canebière. Oui, vous l’avez sûrement deviné, nous avons tellement aimé la pièce que nous avons décidé d’aller voir ce one man show (après avoir lu quelques critiques sur internet, néanmoins …).

Bon, tout d’abord, il faut savoir qu’il joue dans un café-théâtre, c’est-à-dire une petite salle pleine de courants d’air glacés, où s’enchaînent les spectacles (donc 30 minutes de queue dehors dans le froid).

Malgré tout, on est bien accueilli, et, une fois placé, le spectacle commence presque directement (ce qui est plutôt rare !). Alors nous apparaît Ali, en jean et tee-shirt, qui nous parle du « Panier », son quartier natal, pendant environ 1heure. Sur ce sujet, qui peut apparaître comme « simplet », il arrive à faire rire toute la salle, sans jamais être vulgaire ou lourd.

J’avoue qu’on était très bien placé, bien qu’un peu serrés, au premier rang (placement libre ; premiers arrivés = premiers servis !). Surtout comparés à d’autres, entrés dans les derniers, qui ont été placés sur un banc perpendiculaire à la scène … Et sont sûrement sortis avec un torticoli !

Je pense que c’est un one man show à aller voir …

Et un humoriste à suivre ! Peut-être un futur « Gad Elmaleh ».

Placement : où vous pourrez … Mieux vaut arriver en avance !

Un de la canebière, Théâtre 14

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Critique de Un de la Canebière, de René Sarvil, Henri Alibert, et Vincent Scotto (mise en scène Frédéric Muhl-Valentin), vu 2 fois au théâtre 14
Avec Lucile Pessey, Cristos Mitropoulos, Ali Bougheraba, Marc Pistolesi, Sonia Pintor-i-Font, Laure Dessertine, Benjamin Falletto, Mathieu Becquerelle, Barthelemy Giulj, Stéphane « Bouba » Lopez, Patrick Gavard-Bondet, Edwige Pellissier ]

« Et pourtant, je partais avec un très mauvais a priori … »

En sortant du théâtre, un sourire vissé sur les lèvres depuis 2 heures, j’ai répété inlassablement cette phrase … Car tout, dans ce spectacle, est réussi, et donne envie de taper des mains au rythme de la musique, de se lever et de chanter et danser tout comme les comédiens … Et de revenir !

Tout d’abord, une très agréable surprise, en arrivant au théâtre (30 minutes d’avance, comme d’habitude !) … Le maître d’hôtel, et une autre comédienne sont là pour accueillir les spectateurs avec des « Bonjour, vous êtes bien installés ? » et les musiciens jouent déjà, pour notre plus grand plaisir !

Puis le spectacle commence, et on est tout de suite pris dans cette histoire, quelque peu tarabiscotée, mais tout de même amusante ! Les chants, les drôleries, et les moments plus romantiques des comédiens s’enchaînent avec une parfaite aisance, et je crois n’avoir rien à reprocher, si ce n’est quelques moments un peu longs … mais nécessaires au bon déroulement de l’histoire !

Une mention spéciale à Pénible, joué par Marc Pistolesi, qui fait « le clown » pendant 2heures sans jamais s’arrêter, qui salue la plupart des spectateurs au début de la pièce, et qui ne montre à aucun moment un signe de faiblesse ! En réalité, tous les acteurs mériteraient une mention spéciale … Ils excellent tous, mais pour des raisons différentes (voir article sur Les Carboni)

A voir … et à revoir !

Et même à écouter, car le CD est en vente à la sortie, pour 30 ? non … 20 ? non … 15 ? non … 13Euros !

Placement : 1er rang … ou places VIP !