Jérémy Lopez au Max de son art

Critique de Max, de Stéphane Olivié Bisson, vu le 28 septembre 2022 au Théâtre du Rond-Point
Avec Jérémy Lopez, mis en scène par Stéphane Olivié Bisson

C’est évidemment pour le génial Jérémy Lopez que je mourais d’impatience de découvrir Max, un seul en scène autour de la vie de Max Linder, dont je ne savais rien, à part sa ressemblance avec le comédien qui allait l’interpréter. C’était la première fois que je voyais Jérémy Lopez seul en scène, je crois d’ailleurs que c’était la première fois qu’il l’était lui-même, et j’avais entièrement confiance dans son jeu, dans sa puissance d’incarnation, dans le don absolu de ses tripes sur le plateau, pour faire de cette rencontre avec Max Linder un grand moment de théâtre. Et qu’est-ce que c’est bon, un spectacle qui ne nous déçoit pas !

Ce qui marque, lorsqu’on rencontre Jérémy Lopez sur une scène de théâtre, c’est sa présence. C’est la première chose que je me suis dite lorsqu’il ouvre le spectacle. La salle est entièrement plongée dans la pénombre, c’est à peine si on l’aperçoit, et pourtant sa présence inonde immédiatement le plateau. Il l’englobe, il l’occupe, il est partout à la fois.

Ce spectacle est une grande performance. A l’annonce d’un seul en scène de 1h30, alors même que je connais le talent de Jérémy Lopez, j’ai un peu accusé le coup. J’avais peur que la fatigue reprenne le dessus. Mais c’était sans compter cette équation magique du théâtre qui permet au spectateur de puiser toute l’énergie vitale du comédien présent sur scène – et il en donne ! Le texte a bien quelques défauts, il est un peu verbeux par moments et en dit trop, ne laissant pas assez de place aux zones d’ombres du personnages, mais la mise en scène parvient à instaurer un rythme qui fonctionne et qui confère à chaque période de vie du personnage une atmosphère qui lui est propre – et puis, un texte verbeux, quand chaque mot est plus habité que nulle part ailleurs au théâtre, ça reste une leçon.

On entend parfois parler de ces comédiens qui habillent leurs personnages d’une gestuelle incroyable. On entend aussi parler de ceux qui font passer beaucoup simplement par la parole. Jérémy Lopez est l’un des rares comédiens qui possède ces deux qualités à la fois. Il accompagne son étonnante incarnation d’une gestuelle d’une extrême précision. L’artiste et le technicien se mêlent pour donner ce comédien complet qui semble jouer sa vie sur le plateau.

Car c’est de ça qu’il est question, ici. Jérémy Lopez incarne Max Linder avec la nécessité de la vie. C’est terrible pour lui, il doit y laisser des plumes, mais c’est pour moi ce qui donne la plus grande émotion de spectateur. La ressemblance physique avec le personnage, l’urgence vitale qui se dégage de cette incarnation, le fantôme qu’il convoque, on serait presque tenté de penser que la rencontre avec Max n’est pas un hasard. Et lorsqu’arrive le moment tant attendu, la scène muette, l’incarnation ultime, c’en devient une certitude.

Quand le théâtre nous donne l’occasion de passer un moment avec un fantôme. Bravo. ♥ ♥ ♥

© Giovanni Cittadini Cesi

(Presque) tout mon amour

Critique de Tout mon amour, de Laurent Mauvignier, vu le 20 mai 2022 au Théâtre du Rond-Point
Avec Anne Brochet, Romain Fauroux, Ambre Febvre, Jean-François Lapalus, et Philippe Torreton, mis en scène par Arnaud Meunier

Avant-dernier spectacle pris dans mon abonnement au théâtre du Rond-Point. Pas besoin de chercher bien loin, c’est pour Philippe Torreton que je suis là ce soir. J’essaie de manquer le moins possible de ses apparitions au théâtre. C’est rigolo, parce que si je pense aux derniers spectacles que j’ai vus avec lui, je pense que mon taux de satisfaction doit être de 50%. Et pourtant, il m’en reste toujours quelque chose ; son jeu me marque quel que soit le spectacle dans lequel il apparaît.

Tout mon amour, c’est l’histoire d’une famille déchirée par la disparition de leur fille cadette lorsqu’elle avait six ans. Ils ont tenté de se reconstruire, ont trouvé une certaine forme d’équilibre fait de non-dits et de mensonges. Alors quand une jeune fille se présente en prétendant être la petite Elisa disparue il y a si longtemps, les réactions diffèrent chez chacun. D’un côté, on laisse une place à l’espoir ; de l’autre, on s’est promis de ne plus jamais croire quiconque se ferait passer pour elle.

Ça m’arrive rarement, mais j’ai jeté un coup d’oeil à la bible avant le début du spectacle. J’y ai lu que « Le père est un anti-héros dont la partition sera plus ressentie qu’entendue », faisant monter en moi une certaine appréhension, voire un petit rire condescendant. Le personnage qui ne dit rien mais qui exprime tout, c’est une théorie que je connais bien, mais dans la pratique ça devient rapidement plus compliqué. J’avais tout faux. Le non-dit, le ressenti, l’implicite, c’est ce qui fonctionne le mieux dans ce spectacle.

Pour Philippe Torreton, tout particulièrement, c’est l’évidence. C’est vrai qu’il a une partition réduite, et c’est pourtant lors de ses scènes qu’on a l’impression d’engranger le plus d’informations et d’émotions, en tant que spectateur. Il respire le texte qu’il ne dit pas. Ses partenaires ne sont pas en reste. Anne Brochet se cache derrière un flot de paroles et un visage glacé. Son rôle est ingrat, son personnage avoue des choses difficiles, et pourtant, si éloignée fut-elle de nous, elle parvient à aller chercher une forme d’empathie chez le spectateur, loin d’être gagnée d’avance. Jean-François Lapalus est un grand-père absolument terrifiant, fantôme revenu hanter sa maison avec un discours incisif comme seule une vie de retenue peut en provoquer. Les deux jeunes comédiens, Romain Fauroux et Ambre Febvre, accompagnent encore leur parole d’une composition plus marquée, mais portent dans leurs traits, comme le reste des comédiens, le poids lourd du sentiment inexprimé.

© Pascale Cholette

La mise en scène parvient habilement à isoler chaque personnage, ne proposant ainsi pas seulement différents points de vue, mais distinguant davantage des solitudes, des bulles de protection autour de chaque caractère. Elle met ainsi en valeur, dans les dialogues, ce qui est dit autant pour l’autre que pour soi, pointant les faiblesses de chacun, leurs doutes, leur vérité reconstruite. Les lumières de Aurélien Guettard favorisent ces différentes perspectives.

Ce qui m’a particulièrement marquée, dans les lumières de ce spectacle, ce sont les noirs. J’en ai vu des noirs au théâtre. J’ai du mal à comprendre pourquoi ceux-ci se distinguent tant. Ce sont des noirs qui enferment, des noirs qui englobent tout, comme lorsqu’on s’endort, de ces noirs progressifs qui créent le néant autour de nous. Ils ont quelque chose d’effrayant et de réconfortant à la fois, car dans le noir plus rien n’existe, ni espoir ni désespoir. Ces noirs-là sont un reflet lumineux tout à fait réussi des non-dits qui façonnent notre histoire.

Ces différents éléments forment un tout globalement réussi, et pourtant, un léger ennui pointe parfois le bout de son nez. Le temps se fait un peu long lors de certaines scènes. C’est étrange, car c’est lorsqu’il ne se passe rien, lorsqu’on joue aux devinettes, lorsque tout est dans l’implicite qu’on est finalement le plus happé. Ce combat de sentiments, d’émotions, de souvenirs et de ce qu’on en fait, c’est complètement prenant. La promesse de la bible lue au début du spectacle est parfaitement tenue de ce point de vue-là. Mais c’est comme si l’auteur n’avait pas fait complètement confiance au spectateur. Il n’a pas réussi à faire totalement le choix de l’intériorisation. Il a parfois donné des réponses, des éléments pour remplir le puzzle. Mettre des mots, qui manquent un peu de force, sur ce qu’on cherchait à deviner, diminue mécaniquement l’implication du spectateur. C’était ambitieux de mener narration et implicite de front. Peut-être aurait-il fallu rester entièrement dans l’informulé ?

Il m’en restera ça : une atmosphère densifiée par les non-dits, le danger d’un équilibre soudainement bouleversé, le sentiment d’un bord de précipice. ♥ ♥

© Pascale Cholette

Biographie : un beau jeu de rôle

Critique de Biographie : un jeu, de Max Frisch, vu le 23 mars 2022 au Théâtre du Rond-Point
Avec José Garcia, Isabelle Carré, Jerôme Kircher, Ana Blagojevic, Ferdinand Régent-Chappey, dans une mise en scène de Frédéric Belier-Garcia 

C’était pour Golshifteh Farahani que j’avais réservé ce spectacle : la comédienne est rare sur les plateaux de théâtre, et j’étais ravie de pouvoir la découvrir enfin. Quelle ne fut pas ma surprise – et ma déception – en apprenant qu’elle était finalement remplacée par Isabelle Carré. J’aime beaucoup Isabelle Carré, je l’ai vue plusieurs fois sur scène et c’est toujours un plaisir, mais ce sont deux comédiennes très différentes et j’avais du mal à comprendre ce changement de distribution. Mais tout cela était plutôt de l’ordre du caprice puisque, de toute façon, je ne connaissais pas la pièce. Verdict : Isabelle Carré y est parfaite et le spectacle est une réussite.

Bernard a cinquante ans et lorsqu’il regarde ce qu’a été sa vie, il se demande si sa rencontre avec Antoinette, la femme qu’il a épousée, a été davantage une chance ou une torture. Alors il décide de jouer à un jeu, le jeu de la biographie. Dans ce jeu, orchestré par une personne tierce, le meneur, on lui donne la possibilité de changer le cours de son existence en modifiant une parole, une réaction, un geste effectué. Cette modification, la plus infime soit-elle, peut avoir des conséquences sur tout le reste de sa vie. Alors, il faut bien choisir. Et ne pas la regretter.

C’est tout à fait le genre de texte que j’aime. On joue avec les temporalités, on touche à cette vérité fugace des conséquences d’une décision qui sur le moment paraît futile, on parle de sujet assez graves – la mort, les regrets, les remords – sur un ton plutôt léger puisqu’après tout, on est dans un jeu. Et pour rendre ce moment drôle et ludique autant que profond et sérieux, il faut une parfaite maîtrise de l’équilibre entre texte, mise en scène, et jeu des comédiens. Un numéro de funambule exécuté ici à la perfection.

C’est un texte assez singulier, aux accents parfois pinteriens. Il faut se laisser porter, accepter parfois de ne pas tout comprendre, de laisser une place au surnaturel. J’avais la chance de découvrir le texte, avançant à l’aveuglette avec les personnages dans leur recherche de la scène à changer. On cherche à deviner, avec eux, quel mot aura quelle conséquence, quelle est l’intonation qui sera déterminante pour la suite. C’est un terrain de jeu infini pour les comédiens, où tout se joue dans la nuance, et où les personnages se livrent, petit à petit, malgré eux, à travers leurs actes, leurs paroles, leurs introspections.

C’est un travail d’une infinie cohérence. Pour faire sortir la substantifique moelle de la pièce, il faut s’appuyer entièrement sur la compréhension intérieure du texte. Et c’est ce que Frédéric Belier-Garcia semble avoir fait, s’appuyant intégralement sur la parfaite traduction de Bernard Lortholary. Tout part des mots, de ce qui se dit, de se qui s’échange. Les personnages se dessinent petit à petit, prennent une consistance, se révèlent à eux-même et au monde à travers leur partition et leur regard sur leurs actions passées. Les comédiens excellent dans cet exercice. Jérôme Kircher est un meneur idéal, légèrement inquiétant, toujours fascinant, proposant un jeu légèrement décalé par rapport au reste de la distribution qui donne soudain l’impression qu’il ne vient pas du même monde que les autres. Ses assistants, incarnés par Ana Blagojevic et Ferdinand Régent-Chappey, sont eux aussi redoutables de malice et amènent une dose d’humour bienvenue quand le jeu tourne au cauchemar. Isabelle Carré et José Garcia forment une très beau duo, la présence de la première contrastant avec la fragilité du second. Ce couple-là, on y croit, c’est dans la chair que ça se passe.

Entrer dans ce jeu, c’est entrer dans un cerveau qui sans cesse fait et refait ce qu’il a vu, et vécu. Et prendre le risque de jouer, à son tour, à la sortie. ♥ ♥ ♥

Pierre Guillois fait un carton

Critique des Gros patinent bien, de Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois, vus le 11 décembre 2021 au Théâtre du Rond-Point
Avec et mis en scène par Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois

J’ai découvert Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan dans Le gros, la vache et le mainate, il y a près de dix ans maintenant. Et depuis c’est un rendez-vous plus qu’attendu de découvrir leurs nouveaux imaginaires, leurs nouvelles lubies. Et chaque fois, j’ai un peu peur, car jusqu’ici, il ne se sont pas encore plantés. Mais quand on propose un spectacle qui se base entièrement sur des cartons, ça passe ou ça casse. Rassurez-vous : ça passe. Et ça passe avec brio, même.

En fait, ce n’est pas vraiment exact de dire que le spectacle se base entièrement sur les cartons. C’est vrai, il n’y a rien d’autre sur scène que les deux comédiens et pleeeeeeein de cartons. Mais le spectacle ne serait pas aussi dingue si les deux comédiens se contentaient de lever les cartons au bon moment. Quand on n’a que des cartons pour raconter une histoire, on n’a pas d’autre choix que donner tout ce qu’on a pour l’incarner à côté. Et tout ce qu’ils ont, c’est déjà beaucoup.

Durant plus d’une heure, ils vont mimer, à l’aide de ces cartons, donc, les aventures rocambolesque de cet américain parti d’Islande et qui va traverser l’Ecosse, l’Angleterre, la France, et l’Espagne. Tout ça, sans que le comédien qui l’incarne ne bouge de son tabouret ni ne parle une langue intelligible – rassurez-vous, grâce au talent de Olivier Martin-Salvant, on a l’impression de tout comprendre. C’est surréaliste et génial à la fois. Pierre Guillois, qui incarne l’environnement qui entoure notre protagoniste, est absolument prodigieux. Il se donne corps et âme pour donner vie à cette histoire : au son approximatif vient se greffer un visuel d’une créativité monstre qui permet à tout le monde de s’y retrouver.

Je pense que tout ce qu’il y avait à faire avec des cartons, ils le font sur cette scène. Leur inventivité sans limite provoque un rire sans limite. C’est du théâtre de tréteaux de pauvre d’une richesse infinie, c’est guignol poussé à l’extrême, ce sont des clowns des temps modernes qui cherchent leurs nez rouges. Moi qui avais peur que ce spectacle créé pour le plein air ne trouve pas sa place dans la grande salle du Rond-Point, j’étais complètement à côté de la plaque. La salle n’est qu’un grand éclat de rire durant toute la pièce.

Ce spectacle, en apparence plutôt simpliste, est probablement l’un des plus demandeurs en terme de logistique, en terme de régie, que j’ai pu voir récemment. Même dans les rares longueurs du spectacle, on peut se contenter d’admirer la prouesse technique, la démonstration de rigueur et de créativité qu’ils donnent, c’est simplement une leçon. Une incroyable leçon de théâtre. Bravo !

Toujours plus fan de ce duo. Je dirais même plus : complètement emballée. ♥ ♥♥

© Giovanni Cittadini Cesi

#OFF21 – L’homme qui dormait sous mon lit

Critique de L’homme qui dormait sous mon lit, de Pierre Notte, vu le 15 juillet au Théâtre des Halles (21h30)
Avec Muriel Gaudin, Silvie Laguna et Clyde Yeguete, dans une mise en scène de Pierre Notte

L’homme qui dormait sous mon lit, c’est assez simple : j’écoutais la présentation de saison du Théâtre du Rond-Point, j’ai entendu le pitch, j’ai trouvé ça génial et j’ai tout de suite voulu y aller. J’ai vu que c’était programmé à Avignon avant d’être au Rond-Point, j’ai trouvé ça encore plus génial de ne pas avoir à attendre et j’ai tout de suite réservé. Pierre Notte est un habitué du Théâtre des Halles, je suis une habituée de Pierre Notte et j’avais vraiment hâte de découvrir ce qu’il nous proposait cette fois-là.

Le pitch est simple et je le connais par coeur pour l’avoir relu, revu, expliqué ou rappelé à de nombreuses personnes autour de moi. On se retrouve dans une dystopie où l’accueil d’un réfugié chez soi peut permettre de toucher des allocations. Mieux encore (enfin, tout est une question de point de vue) : si vous poussez le-dit réfugié jusqu’au suicide, vous touchez une prime. Pierre Notte transforme en situation dramatique nos contradictions politiques autour de la question des réfugiés.

J’ai vraiment trouvé ce pitch génial, atrocement cynique, diablement original. Mais je reconnais aussi que devant mon enthousiasme j’ai eu peur que Pierre Notte ne transforme pas l’essai. Et malheureusement ma peur était fondée. C’est simple : de l’histoire de base, il ne reste plus grand chose. C’est à peine si on comprend de quoi il s’agit avant qu’un personnage de médiatrice – dont l’utilité est par ailleurs bien discutable – ne nous rappelle les règles stipulées par la loi quant à cet accueil de réfugié, avec les petites notes au contrat et tout et tout.

En fait, j’ai commencé par ne rien comprendre à ce qui se déroulait sur scène. Le dialogue et la stylisation des personnages me passaient complètement au-dessus. J’ai fini par saisir quelques passages lorsque j’ai compris que la conversation n’était pas à prendre au sens littéral mais peut-être davantage au sens symbolique. Mais globalement, je dois reconnaître que j’ai trouvé le spectacle assez incompréhensible. C’est une accumulation des défauts de Pierre Notte : une loghorrée, un texte qui revient en permanence sur ses traces et qui se commente lui-même, des tics d’écriture, une fin niaise… C’est terrible car c’est un texte qui parle de la langue et donc qui, fatalement, attire l’attention sur la manière dont il est lui-même écrit !

Il faut s’imaginer la chose : les deux personnages principaux, l’hôte et le réfugié, se déplaçant sur scène tels des astronautes – on m’expliquera après que leurs stylisations sont en fait opposées, elle ressemblant davantage à une danseuse pour représenter sa propriété, lui mimant sans cesse la gêne d’être la pièce rapportée – échangeant des propos très conceptuels, répétitifs, qui manquent de matière. Il n’y a pas d’histoire, il y a juste cette situation qui reste longtemps énigmatique ; il n’y a pas de personnages à proprement parler, il n’y a que des concepts. Et quand la médiatrice arrive – c’est le pendant comique de la pièce – on comprend surtout que le rôle est là pour renouveler « l’action », si je puis dire. Mention spéciale à Silvie Laguna d’ailleurs qui fait tout ce qu’elle peut pour donner un peu de rythme à ce spectacle qui s’enlise dans son propos.

Un spectacle qui m’a laissée totalement de marbre.

Pierre Guillois, bougre de barge

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Critique de Bigre, de Pierre Guillois, vu le 8 juin 2019 au Théâtre du Rond-Point
Avec Pierre Guillois, Agathe L’Huillier, Olivier Martin-Salvan, en alternance avec Éléonore Auzou-Connes, Anne Cressent, Bruno Fleury, et Jonathan Pinto-Rocha, dans une mise en scène de Pierre Guillois 

J’ai mis du temps à le voir, ce Bigre. Lorsque le spectacle a été annoncé, j’avais trop peur : le souvenir du génialissime Gros, la vache, et le mainate, lui aussi écrit par Pierre Guillois, était encore trop présent à mon esprit. J’avais peur que deux idées géniales à la suite soient une utopie. Alors j’ai attendu. J’ai finalement découvert Opéraporno, un très bon spectacle mais qui jouait peut-être trop dans la cour du Gros pour me convaincre entièrement, et, plus récemment, Dans ton coeur, une cocréation avec une troupe de cirque. C’est là que j’ai compris : il ne faut pas que j’espère revoir la même chose, il faut que je fasse confiance aux différentes facettes de Pierre Guillois. Alors j’ai finalement franchi le pas, et pris mes places pour Bigre. Un geste que je ne regrette pas.

Bigre, c’est l’histoire de trois personnages dont les appartements sont mitoyens : celui qui se trouve à jardin pourrait correspondre à ce qu’on appelle aujourd’hui un jeune cadre dynamique, fervent adorateurs des nouvelles technologies et vivant dans un monde un peu trop aseptisé pour être vraiment agréable. Au centre se plante son exact opposé : bordélique, moins porté sur la propreté, mais peut-être aussi un peu plus humain, ce grand dadais est peut-être le personnage le plus attachant des trois. Enfin, à cour, une jeune femme célibataire qui deviendra l’objet de jalousie entre les deux messieurs, mais qui sait ce qu’elle veut et ne craint pas de s’affirmer face à ces mâles en chaleur. Bigre, c’est l’histoire de trois solitudes ordinaires, ponctuées d’éclats de rires et de pleurs.

Si j’avais peur de ce Bigre c’est avant tout pour l’une de ses particularités : Bigre est annoncé comme un spectacle muet. Je ne suis pas une grande fana de spectacle visuel et c’est justement le politiquement incorrect des répliques du Gros qui m’avait comblée, alors je n’arrêtais pas de me demander : qu’est-ce que Pierre Guillois peut bien arriver à faire passer dans un spectacle muet ? La réponse est facile : tout.

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Si je dis que Bigre est annoncé comme un spectacle muet, c’est parce que je ne l’ai pas du tout ressenti ainsi. Les personnages se parlent dans leur mutisme, on les entend presque lorsqu’ils se regardent, ou lorsqu’ils nous regardent. On comprend tout sans aucune parole et c’est vraiment du grand art, on est quelque part entre le mime et le clown. Les vannes sont parfois prévisibles, constamment osées, souvent surprenantes, toujours hilarantes. Et même dans les blagues les plus puériles à base de prout, tout est fait en finesse et on rit sans aucune honte. Et quand je dis qu’on rit, c’est qu’on rit tous : dans la salle, les rires des plus jeunes se mêlent à ceux des plus vieux, et entendre le rire cristallin de cette enfant assise au premier rang ajoutait peut-être encore au charme de ce spectacle.

Le spectacle se découpe en tableaux de vie quotidienne et chacun semble plus exact encore que celui qui le précédait. C’est parce qu’il ne s’interdit rien que les créations de Pierre Guillois semblent toujours toucher au plus juste. On passe sans complexe du poétique au grotesque, de l’amour à la haine, du bonheur à la joie, de la pluie au soleil, du silence le plus total au boum-boum carrément imposant. D’ailleurs, pour ne pas laisser faiblir le rythme, Pierre Guillois fait un excellent usage de la musique, parfois simplement en fond de tableau, parfois faisant réellement partie de l’histoire – donnant lieu à mon moment préféré, quand les trois personnages se mettent à danser dans une synchronisation parfaite. Car c’est aussi ça, les spectacles de Guillois : ne jamais rien laisser au hasard. Dans ce foutrac apparent, tout est incroyablement minuté, rythmé, pensé. Et ça touche au génie.

On y court les yeux – enfin, les oreilles ! – fermés. ♥ ♥ ♥

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Un spectacle bien trop pesant

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Critique de J’ai pris mon père sur les épaules, de Fabrice Melquiot, vu le 23 février 2019 au Théâtre du Rond-Point
Avec Rachida Brakni, Philippe Torreton, Maurin Ollès, Vincent Garanger, Frederico Semedo, Bénéficte Mbemba, Riad Gahmi, Nathalie Matter, dans une mise en scène d’Arnaud Meunier

Encore une grande promesse théâtrale de la saison qui tombe à l’eau ! Décidément, cette deuxième partie de saison qui s’annonçait si belle a déjà le goût de la déception. Pourtant, l’affiche était alléchante : le retour d’Arnaud Meunier au Théâtre du Rond-Point après son glaçant Je crois en un seul Dieu et son très acclamé Chapitres de la Chute ne pouvait se faire sans moi, d’autant plus que le metteur en scène allait diriger Rachida Brakni et Philippe Torreton dans le même spectacle. J’en salivais d’avance.

La pièce s’ouvre sur Anissa (Rachida Brakni). On comprend rapidement que son personnage est lié à la fois à Roch et à Énée, ses voisins du dessous, un père et un fils. On comprend qu’elle a couché avec chacun d’eux, qu’elle est enceinte mais on ne sait pas lequel est le père. Elle même ne souhaite pas le savoir. Cette information, qui ouvre quasiment la pièce, n’est pas tant réutilisée par la suite. On va suite les évolutions du quartier autour de d’Énée et Roch, celui-ci venant d’apprendre qu’il avait un cancer du genou et qu’il n’en avait plus pour très longtemps.

Je ne vais pas m’appesantir sur un spectacle qui ne laisse en moi rien d’autre qu’un vague sentiment d’ennui et de désintérêt. Et une pointe d’agacement quand me revient cette phrase qui sert de refrain à la pièce : « La scène représente… ». Le spectacle s’ouvre sur cette phrase, et Rachia Brakni nous dit que la scène représente son coeur qui bat, ses organes, ou quelque chose comme ça. Seulement sur cette il y a ce gros bloc de marbre qui plus tard représentera un immeuble. Je n’ai toujours pas compris pourquoi elle prétendait que la scène représentait son coeur qui bat. Ou alors il s’agit pour le spectateur de se représenter la scène qu’elle décrit.

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© Sonia Barcet

Seulement voilà, le verbe de Fabrice Melquiot me tombe des mains, ou plutôt, dans le cas présent, des oreilles. Je n’arrive pas à m’accrocher à ses bavardages. J’appelle ça bavardage car, en plus de ce refrain complètement stylisé qui se voudrait probablement à haute portée symbolique et intellectuelle, ses dialogues sont tout aussi arrogants et difficiles à suivre, utilisant des mots sonnant terriblement faux dans les conversations qu’il met en scène, ces mots qui ne sont ni du langage parlé, ni du langage théâtral, ni du langage poétique. Des mots de dictionnaire, des mots écrits, des mots qui m’ont laissée de côté.

Et ce, malgré la présence de deux grands acteurs de théâtre. Si Philippe Torreton parvient à tenir son texte pendant les deux tiers de la pièce, donnant même lieu à quelques belles scènes, il ne peut soutenir à lui tout seul la dernière partie qui s’étire en longueur – il faut dire que le spectacle dure trois heures. Rachida Brakni, qui a probablement la partition la plus compliquée – c’est-à-dire à la fois la moins intéressante et la moins accessible – peine davantage à donner de la consistance à son personnage d’Anissa.

Le spectacle ne me laissera pas grand chose, peut-être une image ici ou là, mais au-delà de cette langue que je trouve mal choisie, je lui reprocherai d’avoir voulu en faire trop. C’est comme si Fabrice Melquiot avait voulu traiter à la fois des relations père-fils, de l’immigration, de l’homosexualité, du féminisme, des problèmes dans les cités, de l’ascenseur social, de la maladie, du deuil, et j’en oublie probablement encore. Je lui reprocherai tout cela, mais je lui en veux aussi un peu. Je lui en veux d’avoir amené soudainement le 13 novembre dans cette histoire car je l’ai ressenti comme une facilité. Et le 13 novembre ne devrait être une facilité pour personne.

Une grande déception. pouce-en-bas

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© Sonia Barcet

Les Filles de Simone se mouillent

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Critique des Secrets d’un gainage efficace, des Filles de Simone, vu le 27 janvier 2019 au Théâtre du Rond-Point
Avec Tiphaine Gentilleau, Cécile Guérin, Claire Méchin, Chloé Olivères et Géraldine Roguez, dirigées par Claire Fretel

Cela fait plusieurs années déjà que je m’intéresse au travail de Chloé Olivères, que j’ai suivie dans beaucoup de spectacles depuis un certain Il faut je ne veux pas au Théâtre de l’Oeuvre. Il était donc normal que je la suive aussi dans l’aventure des Filles de Simone, ce collectif « travaillé par des préoccupations féministes » et qui créa son premier spectacle C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde en 2015. Vu à Avignon, on y décelait déjà une patte, un humour et une ardeur plus que louables. Le deuxième spectacle continue sur cette belle lancée.

Si le premier revenait sur les affres de la grossesse, ce spectacle là s’attaque au corps féminin et à ses tabous, en revenant sur ce qui a pu construire les différents clichés et autre croyances qui l’entourent aujourd’hui, en les décortiquant et les réduisant en miettes sans aucune difficulté. Ainsi des règles, de l’hymen, de la cellulite, de la première relation sexuelle, du plaisir féminin, du clitoris, des rides, des poils, des savons lotion eaux micellaires et autres produits de beauté censés magnifier la peau et détruire le porte-monnaie. Rien n’est laissé au hasard – et on y cite ses sources, s’il vous plaît !

Évidemment, je suis touchée : les secrets du gainage efficace, je les cherche depuis des années. Il y a indéniablement dans ce spectacle quelque chose qui fait du bien. Parce qu’on se sent comme ensemble, le collectif présent sur scène entraînant sans problème la salle avec lui. Parce qu’on sent un véritable soutien entre ces jeunes femmes qui peuvent aborder n’importe quel sujet sans aucun jugement entre elles – à plusieurs reprises, on a envie de crier « OUI », d’applaudir à tout rompre une remarque bien placée, ou de témoigner à son tour en citant une anecdote personnelle. Parce que la manière d’aborder les différents sujets est toujours bienveillante mais surtout constamment renouvelé : on passe d’une visite délirante de la vulve à des témoignages plus poignants entrecoupés par des réécritures de chansons populaires accompagnées au ukulélé…

Tout est très équilibré pour amener la réflexion sans jamais imposer quoi que ce soit au spectateur. Je m’étais déjà fait la réflexion lors de leur premier spectacle, et je réitère : ce spectacle est d’utilité public. On sent la volonté de partager un quotidien vécu et de faire prendre conscience que le problème est là. Les solutions viendront après, mais il était avant tout nécessaire de témoigner, de prendre la parole librement. Librement, avec une pointe d’humour et d’autodérision, c’est encore mieux.

Ces filles-là brisent les règles. Pour notre plus grand bonheur. ♥ ♥ ♥

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Ainsi s’est barrée Mordue de Théâtr(a)

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Critique de Ervart ou les derniers jours de Frederic Nietzsche, d’Hervé Blutsch vu le 18 janvier 2019 au Théâtre du Rond-Point
Avec Stéphane Bernard, Jean-Claude Bolle-Reddat, James Borniche, Maxime Dambrin, Vincent Dedienne, Margaux Desailly, Pauline Huruguen, Tommy Luminet, Marie-Christine Orry, dans une mise en scène de Laurent Fréchuret

Je me souviens très bien de ma réaction lors de la présentation de ce spectacle au Rond-Point en mai dernier : l’enthousiasme, l’envie, l’impatience. Ervart était l’un des spectacles que j’attendais le plus parmi la saison de Jean-Michel Ribes, car j’avais cru y déceler une folie et une originalité telles qu’on en trouve peu sur les scènes parisiennes – le genre de synopsis qui vous rappelle Le Gros, la Vache et le Mainate de Pierre Guillois, à vous faire saliver d’avance… Mais tous n’ont pas son talent, et le texte d’Hervé Blutsch m’a totalement laissée de marbre.

Tout commence par une poubelle qui trône sur la scène de la salle Renaud-Barrault. Des personnages anglais trouveront ça normal, avant de se rendre compte que cette poubelle n’est pas celle qu’ils recherchent : ce sont des comédiens qui se sont trompés de théâtre. Un bon vieux théâtre dans le théâtre pour se mettre en appétit. Puis survient Ervart, ce jeune homme persuadé d’être cocu et qui mettra la ville à feu et à sang. Un caprice devenant presque une quête, qui s’impose alors comme fil directeur du spectacle – si on peut dire.

Ce que je fais aujourd’hui est contraire à mes principes. En effet, j’ai pour habitude de ne pas écrire lorsque je n’assiste pas à l’intégralité d’un spectacle. Alors autant être honnête avec vous : je n’ai pas tenu les 2h10 que dure cet Ervart. Rapidement, j’ai senti le texte s’enliser et mon esprit avec, mais je n’ai eu les courage d’affronter mes voisins qu’au bout d’1h30. Pourquoi est-ce que je fais une entorse à mes principes aujourd’hui ? Pas tant pour descendre un spectacle qui ne m’a pas plu que pour exprimer ma déception face à un artiste que je suis, comme probablement un grand nombre de ceux qui auront pris leurs places pour Ervart – j’ai nommé Monsieur Vincent Dedienne.

J’étais déjà dans l’incompréhension de ses choix artistiques après Callisto et Arcas en septembre dernier. Et voilà que mes questionnements reprennent. Pire, une inquiétude. Le comédien, dont le talent n’est plus à prouver, cautionne-t-il le rendu final des créations dans lesquelles il joue ? Dans Ervart, Dedienne fait du Dedienne, à mon plus grand désespoir. La voix presque cassée, il m’a semblé ne plus s’amuser autant que sur la scène des Bouffes du Nord en début d’année. Ou peut-être ai-je transposé ma propre vision du spectacle sur son jeu d’acteur ? Quoi qu’il en soit, moi qui voyais en lui l’assurance de soirées réussies, je ne sais plus que croire.

Cette pièce est un foutoir, mais pas du genre « joyeux bordel ». Plutôt un dépotoir – d’ailleurs, la poubelle revient fréquemment sur le centre de la scène – où l’on a entassé plusieurs idées sans vrai lien qu’on aurait essayé de mettre bout à bout en forçant un peu. En vrac, on y retrouver du théâtre dans le théâtre, un zoophile, une putain, de l’alcool, un homme qui ne parle qu’en citations, un jeu de chaises musicales, des portes qui claquent, des blagues grivoises, des gens qui crient – beaucoup trop de gens qui crient. Au moment où je quittais enfin la salle, l’un des personnages criait « Regardez maintenant Nietzsche va faire des claquettes ! ». Je ne me suis pas retournée.

Une déception. pouce-en-bas

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Amour amour, je t’aime tant

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Critique d’Un amour exemplaire, d’après la bande dessinée de Florence Cestac et Daniel Pennac, vu le 26 octobre 2018 au Théâtre du Rond-Point
Avec Florence Cestac, Marie-Elisabeth Cornet, Pako Ioffredo, Laurent Natrella, et Daniel Pennac, dans une mise en scène de Clara Bauer

J’étais plutôt enthousiaste lorsque le spectacle a été présenté en juin, sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Adapter sur scène une bande-dessinée, c’est un pari qu’avait déjà mené avec brio Maïa Sandoz en montant Zaï Zaï Zaï Zaï avec Paul Moulin, mais l’adaptation était alors purement théâtrale. Ici, on garde un pied dans le dessin, puisque le dispositif inclue la dessinatrice sur scène : en effet, Florence Cestac accompagne l’histoire en dessinant sur des planches projetées en fond de scène. Je n’avais encore jamais vu ça, et ça me plaisait bien.

Un amour exemplaire, c’est l’histoire de Jean et Germaine, un couple que Daniel Pennac a réellement connu et, semble-t-il, un peu accompagné entre ses 8 et ses 23 ans. Un couple comme il en existe peu, vivant presque hors du monde, se fichant des conventions sociales, vivant d’amour, d’eau fraîche et de littérature dans une petite maison reculée. Un couple fascinant, pour le petit Daniel d’alors mais également pour le spectateur, qui aurait sans doute beaucoup à apprendre d’eux.

Les premières minutes m’emballent : le dessin accompagne bien la narration initiale de Daniel Pennac. Mais je ne m’attendais pas à ce que cela dure autant. Si cela fonctionne en guise d’introduction, le dispositif atteint vite ses limites : les dessins de Florence Cestac ralentissent le spectacle. Il faut trouver à meubler. Alors la musique comble ces longs moments. Et puis on « triche » : les planches sont déjà préparées, le dessin n’est plus en live. Évidemment, j’en viens à me poser la question : dans ce cas, la présence de Florence Cestac sur scène est-elle essentielle ? Et le dispositif en lui-même, qu’apporte-t-il, si ce n’est de rappeler que l’oeuvre est adaptée d’une bande-dessinée ?

D’autres interrogations accompagnent ces premiers éclats : pourquoi Daniel Pennac ne lit-il pas son histoire, tout simplement ? Autour de lui, les deux comédiens sont des pantins qui n’ont pas grand chose à jouer – c’est dommage, quand on a demandé à Laurent Natrella de participer ! – et qui sont réduits à utiliser le théâtre dans le théâtre pour augmenter leur partition. C’est dommage. L’histoire peine à avancer, je m’ennuie un peu. Je regarde ma montre ; je sais que le spectacle n’est pas très long, ça me rassure.

Et puis, je ne sais pas, quelque chose prend. Le côté charmant de la chose reprend le dessus. C’est un spectacle qui, à l’image de son histoire, prend son temps. Et ce serait mentir de dire qu’on ne prend pas plaisir à écouter les histoires de Daniel Pennac. Il a l’art de conter, et les personnages qui peu à peu prennent vie sur scène dégagent un bonheur communicatif. Ils ont l’air de planner, moi aussi. L’annonce de leur mort n’a rien de triste. Le temps du spectacle, j’essaie de partager leur vision altruiste de la vie et de l’amour. Je ne sais pas ce qu’il m’en restera, mais tant que je suis ici, avec eux, j’essaie de me débarrasser de mes questions et de profiter de leur compagnie. Finalement, on est bien, ici.

Simple et beau. Parfois un peu lent. Un peu comme la vie.  ♥

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© Giovanni Cittadini Cesi