Souriez, ils sont filmés !

Critique de Video Club, de Sebastien Thiery, vue le 21 septembre 2023 au Théâtre Antoine
Avec Yvan Attal, Noémie Lvovsky et Paolo Mattei, mis en scène par Jean-Louis Benoît

J’avais du mal avec Sebastien Thiery car ses fins me frustraient toujours énormément, mais je dois reconnaître que Demain la revanche m’a un peu réconciliée avec l’auteur. J’aime bien les pièces qui traitent du couple même si je commence à me lasser un peu de ne voir que deux comédiens sur d’aussi grands plateaux. Yvan Attal et Noémis Lvovsky sont des têtes d’affiches intéressantes, connues du grand public sans non plus être des stars. Bref, l’envie est là mais j’attends de voir !

Justine et Jean-Marc sont mariés depuis vingt-cinq ans. La pièce s’ouvre sur une engueulade qu’on appellera « de routine » : Jean-Marc reproche à Justine un mot qu’elle assure n’avoir pas dit. La dispute finit par s’arrêter, jusqu’à ce que Justine reçoive un mail étrange : la captation vidéo de ce qu’il vient de se passer à l’instant dans la cuisine. Les mots peuvent être réécoutés. Mais, surtout, le couple se rend compte qu’il est filmé, à son insu, depuis une durée inconnue….

J’aime bien ce début. La situation de départ est toujours absurde, on est quand même chez Sébastien Thiery, mais pas non plus invraisemblable. Aujourd’hui, on a tellement l’impression d’être écoutés et suivis à la trace partout numériquement que finalement, on accepte cette intrigue presque facilement. Elle est surtout suffisamment bien amenée pour qu’on s’intéresse davantage aux conséquences qu’à l’origine de cette situation. Il faut dire que l’équilibre de la pièce fonctionne à merveille. La mécanique est simple : on alterne entre les projections vidéos, qui évoquent presque des sketchs à la Un gars, une fille, de ces petites mesquineries de couple qui font bien rire ceux qui les regardent, et les règlements de compte qu’elles entraînent. Si c’est d’abord le rire et la comédie légère qui l’emportent, on tombe petit à petit, sans vraiment s’en apercevoir, dans une analyse psychologique plus sombre du couple qui secoue un peu.

On reconnaîtra bien volontiers à Sébastien Thiery un véritable art de la remise en jeu de la balle après le visionnage des vidéos, avec des services extrêmement puissants, mais on aurait aimé que les échanges restent à ce niveau tout du long. Le rythme reste encore parfois à trouver pour faire exploser toutes les répliques, mais on est venu dans les premières représentations et on fait confiance au duo Yvan Attal / Noémie Lvovsky, qui fonctionnait déjà très bien, pour trouver rapidement cet équilibre.

Bon, des pièces sur le couple, on commence à en avoir vu un paquet, et Video Club ne révolutionne pas le genre : cette dissection de l’intime dans ce qu’elle peut avoir de plus mesquin, on l’a déjà vu. Mais ça marche, alors on ne va pas bouder notre plaisir. Parce qu’il faut bien le dire, c’est quand même très plaisant. Plonger dans ce qu’on se cache, les petits mensonges, les petites bassesses, aller remuer ce tas que tout le monde évite soigneusement, ça a un petit côté voyeuriste tout à fait agréable pour le spectateur. Agréable, et finalement plus intéressant que franchement drôle. Car c’est suffisamment bien fait pour faire son petit bout de chemin dans le cerveau, et aller gratter pile au bon endroit, là où peut-être que nous aussi, on a un petit tas de poussière.

Video Club – Théâtre Antoine
14 Bd de Strasbourg – 75010 Paris
A partir de 21€
Réservez sur BAM Ticket !

© Laura Gilli

Défaite de famille

Critique de Demain la revanche, de Sébastien Thiery, vu le 10 novembre au Théâtre Antoine
Avec Brigitte Catillon, Jean-Luc Moreau, et Gaspard Proust, mis en scène par Ladislas Chollat

Après plusieurs faux départs, Demain la revanche a finalement joué sa première le 5 novembre dernier. Avec pas moins de deux changements de comédiens pour le rôle du père, la pièce semblait maudite. Je ne vais pas vous mentir, je n’étais franchement pas très confiante. Je ne suis ni une grande fan de Sébastien Thiery, ni une grande fan de ces têtes d’affiche qui font leurs premiers pas sur scène et qu’on met en avant. Je dirais même que j’ai tendance à les attendre au tournant… pourquoi je me retrouve à voir ce spectacle, me direz-vous ? Parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, et que je suis la première à souhaiter me tromper. J’adore me tromper. Et bingo, ce soir, je m’étais trompée.

La pièce s’ouvre, comme souvent chez Sébastien Thiery, avec une situation absurde : Matthieu, 39 ans, débarque chez ses parents en pleine nuit persuadé qu’il est encore en terminale. Ses parents accusent le coup face à cette amnésie soudaine mais finissent par lui avouer la vérité sur son âge. Que se passe-t-il en nous lorsqu’on encaisse 20 ans un peu trop soudainement ? Que fait-on de nos rêves ? Comment juge-t-on la personne qu’on est devenu ? Et surtout : à qui incombent nos succès et nos échecs ?

Pendant la scène d’exposition, je suis encore un peu partagée. On n’est plus vraiment surpris par cette étrangeté qui est devenue la marque de fabrique de Sébastien Thiery. Elle deviendrait presque contre-productive quand on sait que le mystère initial ne sera pas forcément résolu en bonne et due forme. On rigole un peu, la situation apporte quelques belles répliques, mais cela reste encore un peu répétitif. On tourne en rond autour du mystère, il est temps d’avancer.

© Fabienne Rappeneau

Et peu à peu le propos s’installe et Sébastien Thiery transforme l’essai. On n’est plus en simple absurdie, on est dans une vraie comédie dramatique familiale grinçante… et avec un vrai fond, qu’on ne divulgachera pas. Et ça fonctionne bien, on rit franc, on rit jaune, on se reconnaît et on prend assez vite parti, on soutient son poulain et on s’insurge avec lui des répliques des autres. Bref, ça marche.

Et ça marche aussi parce que les comédiens tiennent parfaitement leurs rôles. Brigitte Catillon est souveraine. Elle porte les échanges avec une classe et une autorité naturelle incontestables. A ses côtés, Jean-Luc Moreau est un père désemparé touchant, qui encaisse les coups avec une belle endurance. Gaspard Proust, enfin, est plutôt une belle surprise. Il est évidemment plus mécanique que ses partenaires, sa palette est moins développée, mais il faut bien le dire : il joue. Sa composition légèrement brutale et vindicative fonctionne bien et équilibre parfaitement le trio.

Ceci étant on pourrait avoir le même propos, avec les mêmes échanges, les mêmes idées, les mêmes critiques, sans cette étrange situation initiale. C’est presque une fausse piste : elle ne mène en réalité nulle part. On a un début, un milieu, et une fin, qui sont comme collés l’un à l’autre, sans continuité véritable. L’ensemble ne forme pas un tout. Pourtant, léger changement par rapport à d’habitude, le spectacle parvient à se terminer. Et entraîne même une légère interrogation sur l’intention véritable de la scène initiale. C’est intrigant et malin, mais ça laisse un léger goût d’insatisfaction. Un léger goût d’insatisfaction, un léger goût de surprise, un léger goût de profondeur. Décidément, Sébastien Thiery ne fait rien comme tout le monde.

La revanche de Sebastien Thiery porte bien son nom. De quoi donner envie de revenir à son théâtre. ♥ ♥

© Fabienne Rappeneau

Baer-ci Édouard

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Critique des Élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce, d’Edouard Baer, vu le 28 mai 2019 au Théâtre Antoine
Avec Edouard Baer et Christophe ou Riton Liebman

Pourquoi ce spectacle m’attirait-il ? Sans doute à cause de la tête d’affiche, et sûrement pas grâce à son titre – les titres à rallonge, j’ai tendance à me méfier. Je suis un peu un mouton. Je ne savais pas vraiment ce que j’allais voir, sinon que c’était interprété par un comédien en qui j’avais parfaitement confiance. Voilà un papier qui s’avère plutôt difficile à écrire, car ce qu’il nous présente n’est pas franchement descriptible : c’est un peu tout et rien à la fois.

Edouard Baer entre par la porte de la salle : il est un comédien qui s’est échappé de son théâtre, juste à côté – après tout, ce n’est pas ça qui manque sur le boulevard – car il devait jouer Les Élucubrations d’un homme frappé par la grâce mais la grâce était absente, ce soir. Il ne la sentait pas. Il devait incarner André Malraux mais il nous pose la question : peut-on réellement arriver comme ça et devenir André Malraux ? La réponse est sur toutes les lèvres. Le sourire aussi. Il commence à parler, parler, parler, et plus rien ne l’arrête.

On retrouve le Edouard Baer que l’on peut connaître grâce à Radio Nova : celui qu’on imagine presque un peu camé tant il est hors du temps, hors des mots, presqu’hors du monde. Il est rêveur, il raconte tout et n’importe quoi, il enchaîne des situations sans vraiment de lien mais ce pour notre plus grand bonheur. Il est probablement l’un des seuls à pouvoir faire ça – l’autre nom auquel je pense, évidemment, c’est Fabrice Luchini. Ce spectacle ressemble un peu à ce qu’il a pu présenter, sur son amour de la littérature, sur les grands textes qui l’ont accompagné dans sa carrière.

Mais c’est tout de même exprimé différemment. D’abord dans la forme, c’est beaucoup plus modeste, rien que par son entrée en scène. Mais dans le ton également : il est franchement dans le partage là où Luchini peut davantage être dans la recherche de l’absolu. Pour Baer, c’est un moment avec le public. C’est parce qu’il a une passion pour ce qu’il dit et qu’il voudrait presque nous la transmettre qu’on est pendus à ses lèvres. Il y a également quelque chose de profondément humain dans la manière dont il s’approprie ces textes et tente de se cacher derrière : il met en valeur ce qu’il dit, jamais sa personne. Et puis il faut bien reconnaître qu’il a une réelle présence et un charme fou : même dans les tirades les plus étranges, les moins poétiques, on est sur un petit nuage théâtral.

Le spectacle est, malgré tout, un peu bancal : si le comédien convainc sans problème, son texte a quelques petits défauts. L’ensemble est prenant, sans doute, mais certaines liaisons apparaissent un peu fabriquées : ainsi, lorsqu’il sort certains livres pour en lire des passages, cela manque d’authenticité et jure avec un ensemble qui pourrait presque donner l’illusion d’une longue improvisation. C’est là-dedans qu’il est le meilleur. On aimerait d’ailleurs que certains moments durent encore et encore : comme lorsque, grand amateur de théâtre de boulevard et de Jacqueline Maillan, il reproduit les entrées en scène classiques que l’on peut retrouver dans ce type de pièce. Il tente peut-être trois ou quatre entrées ainsi qui sont un régal absolu et l’on aimerait que ses tentatives ne finissent jamais. Ce sont, ainsi, de petits instants de grâce.

Finalement, le spectacle portait bien son nom.  ♥

Fleur de cacactus

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Critique de Fleur de Cactus, de Barillet et Gredy, vue le 20 mai 2017 au Théâtre Antoine
Avec Catherine Frot, Michel Fau, Patrick Ligardes, Mathilde Bisson, Wallerand Denormandie, Marie-Hélène Lentini, Frédéric Imberty, et Audrey Langle, dans une mise en scène de Michel Fau

Gênant. C’est le premier mot qui me vient en tête. Gênant de retrouver de si grands comédiens dans un spectacle pareil. Gênant de constater que la salle entière rit devant cette bouse sans la moindre forme d’intérêt. Gênant d’imaginer ce spectacle comme premières partie des Molières, lundi prochain. Gênant de constater que le nivellement par le bas qu’on retrouve dans tant de domaines s’attaque également au théâtre. Après ce premier sentiment, c’est l’indignation qui prend la parole : ma place a coûté 55€, et je ne suis même pas en carré or. Devant les décors – somptueux, il faut bien l’admettre – je n’ose imaginer le coût du spectacle. Et je ne parle pas des têtes d’affiche. Je suis outrée. Je suis dégoûtée. Je suis révoltée.

Du peu que je connaissais de Barillet et Grédy, j’aurais pu prévoir le massacre. Mais j’ai fait confiance. J’ai fait confiance aux critiques dithyrambiques sur le spectacle, j’ai fait confiance aux têtes d’affiche, j’ai fait confiance à un Michel Fau que je suis depuis un bout de temps maintenant. Mais dès le début, l’histoire sent le vieillot : cet homme qui s’est inventé une vie de famille et qui se retrouve à devoir trouver un subterfuge pour présenter sa femme et ses enfants à son amante qu’il souhaite épouser… Avec la plume d’un bon auteur, ça aurait peut-être pu donner quelque chose. Mais ici, c’est ridicule et poussif. Les situations mettent des heures à s’installer, les répliques ne reflètent aucun esprit, les acteurs n’ont rien à jouer. Il manque un ingrédient essentiel au boulevard : un grain de folie. J’ai du mal à concevoir que Barillet et Grédy aient vraiment été en vogue dans les années 50. Et je vous passe les tirades sur la libération de la femme qui s’en va conquérir le monde en conduisant sa deux chevaux.

C’est assez inconcevable, et même très triste, qu’un texte pareil connaisse un tel succès dans un grand théâtre parisien. J’écris ces quelques mots pendant le spectacle tant je m’ennuie, et l’idée qu’il me reste encore près de 2 heures à tenir m’est assez effrayante. A dire vrai, j’ai du mal à imaginer comment les acteurs vont réussir à meubler autour de ce néant pendant encore aussi longtemps. Non seulement la pièce est sans aucun intérêt mais en plus elle est mal écrite et s’étire en longueur : on tient un combo. A côté de Barillet et Gredy, Florian Zeller est le Feydeau du 21e siècle.

Pour une fois, fait étrange, les applaudissements qui ponctuent les entrées et sorties des acteurs ne sont pas ce qui m’irrite le plus. Non, après tout ça fait bien partie de la soirée : vous comprenez, c’est hilarant de voir Catherine Frot répondre au téléphone pour convenir d’un rendez-vous médical. Ceci dit, si personne ne rit à ce moment là, les acteurs risquent de passer un long moment de solitude au regard de la qualité du reste du texte.

Non, ce qui me mine le plus dans cette histoire, c’est l’idée qu’un homme tel que Michel Fau, pour qui j’ai une admiration sans borne, qui m’a fait découvrir André Roussin, et que je suis assez aveuglément, puisse monter un texte pareil. J’ai toujours fait confiance à son intelligence – mieux encore, à son esprit et à son goût, duo rare et appréciable en ces temps d’abrutissement des masses. Mais aujourd’hui je me sens trompée, trahie. La chute est d’autant plus douloureuse que j’avais placé Michel Fau depuis longtemps sur un piédestal. Les questions se bousculent dans mon esprit au fur et à mesure que ce spectacle avance : pourquoi cette pièce ? Par quel étrange hasard a-t-il pu penser qu’elle présentait un quelconque intérêt ? Pourquoi ressortir des placards les écrits de Barillet et Grédy qu’on avait si justement oubliés ? Comment a-t-il convaincu Catherine Frot de se ridiculiser ainsi ? Lui comme elle, qu’on connaît grands acteurs tout en subtilités, sont bien tristes ce soir, sur cette scène. Ce ne sont que de pâles figures d’eux-même, jouant pauvrement tels des pantins sans âme. A leurs côtés, le reste de la distribution est tout aussi caricaturale. Seule Mathilde Bisson tire son épingle du jeu avec une incarnation fine et intelligente. Surprenante et bienvenue, au vu de la tournure que prend cette soirée.

Je regarde avec désespoir la course d’obstacle qu’il me faudrait affronter pour atteindre la sortie. Je suis bloquée, et condamnée à perdre 2h10 de ma vie. J’ai du mal à concevoir l’idée que Laurent Ruquier, pourtant grand amateur de théâtre, ait pu cautionner pareil spectacle à l’affiche de son théâtre, lui qui présente l’année prochaine la reprise d’Art de Yasmina Reza. Un autre monde.

« M’avoir joué une telle comédie, le dégoût me submerge ». Finalement chers Barillet et Grédy, nous nous accordons sur ce point. pouce-en-bas

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Je suis juif

l'être ou pasCritique de L’être ou pas, de Jean-Claude Grumberg, vu le 24 février 2015 au Théâtre Antoine
Avec Pierre Arditi et Daniel Russo, dans une mise en scène de Charles Tordjman

Les temps sont durs. Après les récents événements tragiques qui ont meurtri non seulement la France, mais une grande partie du monde, il est nécessaire de comprendre pourquoi, et comment on a pu en arriver là. Face à de telles questions, un moyen – je dirai : évident – s’impose : l’Art. Quelle meilleure méthode qu’une approche frontale pour toucher le coeur du problème ? Confrontés à la situation, les questions trouvent des réponses, ou tout du moins s’imposent comme essentielles dans notre esprit. C’est probablement le défi que s’est lancé Jean-Claude Grumberg en écrivant L’être ou pas, pièce portant sur la question juiveA travers de simples dialogues entre un juif et un non-juif, il tente de soulever des questions de bases qu’on peut avoir tendance à oublier ; ces mêmes questions qui ont fait dire à Raymond Barre ces propos choquants et probablement involontaires, au sujet de l’attentat de Copernic : « Cet attentat odieux voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». La question du soir est donc : qu’est-ce qu’être juif ?

Nos deux personnages sont deux voisins : l’un est juif, c’est Pierre Arditi, tandis que l’autre, incarné par Daniel Russo, ne l’est pas. Par une recherche internet, il apprend que son voisin est juif, et incapable de répondre à sa femme lorsqu’elle lui demande ce que cela signifie réellement, il se décide de poser directement la question au concerné. Les recherches de sa femme vont continuer, et permettre d’aborder des points fondamentaux telles que le conflit israélo-palestinien, l’antisémitisme, la pratique de la religion, la croyance ou non en Dieu.

Le procédé fonctionne plutôt bien : le personnage de Daniel Russo ne connaît pas grand-chose à la question juive et pose donc des questions de base, sans être avide de trop de connaissance de manière à ne pas perdre un spectateur qui s’y connaîtrait peu. Daniel Russo, sans incarner un benêt, traduit cependant bien la part d’ignorance de son personnage, désireux d’en savoir plus sur ce problème mais essayant également de placer ses quelques connaissances sur le sujet : il permet ainsi aux nombreux clichés de prendre place sur scène, et tend la perche à son partenaire qui peut donc y répondre. Je pourrais dire que Pierre Arditi « fait du Arditi » car c’est le cas ; certes, il est le personnage que je connais, pour n’avoir vu presque que lui dans plusieurs pièces de théâtre. Mais cela signifie aussi qu’il est un personnage attachant, drôle, et réussi. Certes, on les connaît, ses répétitions interrogatives sur des phrases choquantes, qui commencent pas un « mais… mais… » bafouillant ; mais elles nous font toujours rire. Mention spéciale à la jolie prouesse du duo qui, ce soir-là, alors qu’un spectateur mécontent sort de la salle en disant bien trop fort qu’il n’entend rien, et que les deux acteurs ne jouent que pour eux (ce qui est, je vous rassure, totalement faux), dérangeant toute la salle et surtout le plateau, parvient à reprendre la scène non sans une tournure comique improvisée.

Les deux acteurs endossent donc leurs rôles avec talent. La question est abordée sous plusieurs angles et chacun en prend pour son grade, croyants comme non croyants. Les clichés lancés par l’un sont un bon tremplin pour permettre à l’autre d’y mettre un terme, de s’en moquer, en tout cas de les décliner. Cependant, j’aurais aimé que le problème soit plus poussé. En effet, sur 1 heure de spectacle, on doit bien perdre 20 minutes en conversations qui n’ont rien à voir : politesses de voisin, préparation d’un apéro qui ne verra jamais le jour… qui finalement se révèlent plutôt inutiles. Je n’aurais pas dis non à des dialogues plus longs, plus creusés : on reste sur sa faim, car même si on comprend pourquoi le personnage qu’incarne Arditi, juif par sa naissance, ne croit pas (ou plus) en Dieu, l’explication ne fait l’objet que d’une phrase, d’un seul argument, là où les détails des recherches internet de Madame durent plus de cinq minutes… Les questions abordées sont intéressantes, alors pourquoi ne pas les poursuivre plus ? Peut-être par peur d’ennuyer les spectateurs, qui pourtant ne demandent qu’un propos plus long, plus pensé, plus pensant.

Peut-on rire de tout ? Ce soir là, ça semble le cas. Si ce n’est pas la pièce la plus philosophique que j’ai pu voir, elle permet tout de même de soulever quelques sujets sensibles, toujours avec le sourire, grâce à deux acteurs maîtres de leur art. ♥ ♥ 

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La Vie Parisienne, Théâtre Antoine

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Critique de La Vie Parisienne de Offenbach, vu Mardi 12 Avril 2011 au Théâtre Antoine
Avec David Alexis, Adrien Biry, Emmanuelle Bougerol, Fabian Ballarin, Thomas Dalle, Noémie Delavennat, Hervé Delvoder, Isabelle Fleur, Anna Lafont-Jouan, Agnès Pat’, Marion Lepine, Clément Pouillot, et Vanessa Moubarak, mis en scène Alain Sachs

Je sais qu’on pourrait me reprocher d’apporter une mauvaise critique pour ce spectacle car après tout, tous les acteurs savaient chanter (oui, et bah pour une operette, c’est la moindre des choses, il me semble !), tous les acteurs savaient jouer (et puis c’est pas comme si on allait payer 40€ pour voir des gens qui ne sont pas fichus d’aligner 3 mots sans bafouiller), et enfin, que certains avaient un talent comique (oui, bon, ça, c’est vrai que c’est pas donné à tout le monde, et que c’est plutôt un atout).
Mais le problème, (et c’est tout de même un gros problème), réside essentiellement dans la mise en scène : c’est trop facile… ça devient trop facile, ce genre de mise en scène ; regardez la photo, c’est le début de la pièce. Les acteurs, sans costumes, sortent d’on ne sait où, entrent, découvrent une partition, et se mettent tous à chanter en choeur « nous sommes employés de la ligne de l’ouest », sans bouger, sans accompagnement, juste en lisant une partition. Puis, chacun ayant le texte en main, ils jouent, comme s’ils déchiffraient. Ils inventent des moues, butent même sur quelques mots. 
Pour moi, cela, c’est vraiment lorsqu’on n’a pas d’idée de mise en scène ; je me répète, mais c’est vraiment la mise en scène « de base », la mise en scène « facile ». Le genre de mise en scène qu’on a déjà vu plusieurs fois ; qui est bien la première fois, mais au bout de 3 fois, on commence à s’en lasser …
Heureusement, ils ne gardent pas le texte durant toute la pièce (cela aurait vraiment eu don de m’énerver, je pense). Ils changent de « costumes » (ce sont plutôt leurs vêtements de tous les jours) à plusieurs reprises, chantent, dansent même, parfois. Je dois le reconnaître, ils sont vraiment à fond, ils sont polyvalents, jouent d’au moins un instrument, et savent jouer, chanter, et danser pour certains ; mais cela ne suffit pas, et ce n’est pas du tout ce que l’on attend d’une Vie Parisienne. On est là pour de la gaieté, un grand orchestre, de l’enthousiasme, un choeur consistant, quelque chose de plus … grandiose, en quelque sorte.
Donc, en conclusion, je ne comprends pas trop pourquoi, et surtout comment ce spectacle « survit » depuis plus d’un an, a attiré les foules, et les bonnes critiques. Ceci dit, aujourd’hui, dans la salle, il n’y a pas grand monde.

Placement : Premiers rangs ; la scène n’est vraiment pas haute !