Nuremberg, la fin de Goering, Vingtième Théâtre

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Critique de Nuremberg, la fin de Goering, d’Arnaud Denis, vu 2 fois, au Vingtième Théâtre
Avec Götz Burger, Jean-Pierre Leroux, Jonathan Max-Bernard, Arnaud Denis/David Zeboulon, et Raphaëlle Cambray, mis en scène par Arnaud Denis

Arnaud Denis semble se lancer des défis de difficultés croissantes chaque année … Ainsi, après avoir monté Ionesco, Molière, Voltaire, Besset, il enchaîne tout simplement en nous présentant une pièce … qu’il a écrite. Quoi de plus normal, quand tout semble lui réussir ?

Mais à vrai dire, « sembler » n’est pas le verbe qu’il convient : et une fois de plus, il nous prouve son talent. Car quoi de plus difficile que de tenir un public en haleine pendant plus de 2 heures, sur un sujet des plus glauques ? Il a en effet choisi, pour sa première pièce, de faire du théâtre documentaire, c’est-à-dire que tout ce qu’il nous présente est réel. Cela s’est produit, et on a trop souvent tendance à l’oublier. Le spectateur est là, et, tout comme dans Autour de la Folie, il est obligé d’assister à ce procès, à ces injustices, à ces abominations, à la défense de ces menteurs assassins.

Entre un excellent choix des comédiens, et une maîtrise parfaite de la mise en scène, on commence à se poser des questions quant aux éventuelles faiblesses d’Arnaud Denis. Car, si on connaissait déjà son talent au théâtre en tant que metteur en scène et comédien, rien n’indiquait qu’il excellerait également dans l’écriture théâtrale. Et pourtant … Le texte tient parfaitement la route, le texte coule tout seul, et on sent pas le travail, les nombreuses recherches, les choix, bien qu’on les suppose nombreux. Il y a une ligne directrice, un très bon début, et une excellente fin, les deux sont inventifs et surprenants.  Pour faire simple, malgré certains passages un peu longs, je n’ai rien à redire, si ce n’est qu’il joue avec le feu en présentant une telle pièce : c’est très spécial, le théâtre documentaire. Différent de tout ce que j’avais vu auparavant. Il y a bien une histoire, mais on sent le côté réel des choses, et avec l’accent allemand de l’acteur jouant Goering, qui rend le procès encore plus authentique, on a vraiment l’impression de se retrouver au coeur du jugement.

Vous l’aurez compris, avec un nom pareil, c’est bien sûr du Procès de Nuremberg que traite la pièce d’Arnaud Denis. Un procès des vainqueurs sur les vaincus, les accusant de crime contre l’humanité. La pièce est entièrement portée sur le déroulement du procès de Goering, de son arrestation jusqu’à sa mort. Les scènes de jugement sont interrompues par des scènes se déroulant dans la cellule du principal accusé.

Que dire des acteurs, si ce n’est qu’ils ont tous trouvé le ton exact de leur personnage … Jean-Pierre Leroux est excellent comme à son habitude : il a toujours cette voix si belle et puissante, cette magnifique voix de théâtre qui le rend si reconnaissable. Mais si on omet ce caractère spécifique, il s’est transformé depuis le Besset de l’an passé : dans son costume de procureur, il impose le respect et le silence. Pour moi, il est un personnage très intéressant de par son évolution au cours de la pièce, mais je n’en dis pas plus … Arnaud Denis et Jonathan Max-Bernard sont deux excellents seconds rôles : le premier, psychiatre américain chargé d’observé les accusés et plus particulièrement Goering, mettra en lumière le caractère caché de celui-ci. Quant au second, je ne peux pas en dire trop de peur de gâcher la surprise : c’est un lieutenant américain. Tout deux sont d’une extrême justesse tant dans leur ton que dans leurs gestes ou leurs mimiques, exprimant haine, parfois dégoût, ou même la gène. Raphaëlle Cambray, actrice que je découvre, est formidable : elle brille particulièrement lors de sa description des camps de concentration en tant qu’ex-déportée, qu’elle raconte avec une dignité impressionnante. Avec son articulation impeccable et son incroyable présence, elle contribue également à ce sentiment de mal aise chez le spectateur, qui ne se représente que trop bien ce qu’elle décrit. Et enfin Götz Burger, acteur allemand incarnant le rôle éponyme : l’idée d’engager un acteur étranger à l’accent marqué est excellente. Cela met vraiment en situation ! Et malgré quelques fautes de français et des trous à peine perceptibles, sans doute dus à un grand stress (c’était la première), c’est un très bon acteur, et on perçoit l’évolution du personnage sans aucun problème !

Quant au décor… et bien il n’y en a pas, enfin pas à proprement parler, car ce sont plutôt des éléments qui le constituent et qui bougent : quelques tables et des chaises lorsqu’a lieu le procès, et un plateau rectangulaire représentant la cellule de Goering. On comprend très bien les changements, aucun problème de ce côté-là non plus.

Arnaud Denis réussit avec aisance ce nouveau défi qu’est l’écriture, et à tous les vrais amateurs de théâtre, amoureux d’histoire, ou juste curieux, ce spectacle est plus que conseillé !  

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Arnaud Denis et Les Compagnons de La Chimère

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Voilà un article sur le « fameux » Arnaud Denis.

C’est un jeune acteur et metteur en scène que j’ai découvert totalement par hasard : en effet, j’allais voir Les Fourberies de Scapin, ce qui est normal étant donné que c’est une pièce que j’adore, avec ma mère, et c’est là que nous avons eu la révélation (si je puis dire !) : après le spectacle, nous avons décidé que nous le suivrions dans toutes ses pièces … Et c’est ce que nous avons fait : j’ai vu 2 fois L’Ingénu, 2 fois Les Femmes Savantes (avec Jean-Laurent Cochet, dont il a été l’élève), 6 fois Ce qui arrive et ce qu’on attend (vous pouvez vous procurer le DVD ici), et 2 fois Autour de la Folie… J’ai également vu voir quelques-unes pièces qu’il a jouées avant les Fourberies : La Mouette (mise en scène Nicole Gros), Les Revenants (mise en scène Arnaud Denis). J’aurais adoré voir La Cantatrice Chauve (Ionesco), mais, malheureusement, le spectacle n’a pas été capté …

Arnaud Denis est né en mai 1983, à Paris. Il devient bilingue après avoir vécu 2 ans en Amérique (Pittsburgh, aux États-Unis), et poursuit ses études à l’École Active Bilingue Jeannine Manuelle (EABJM), où il rencontre Julie Saget, professeur de théâtre, grâce à qui il fait ses premiers pas sur scène dans Les Précieuses Ridicules (Molière. Il jouait Mascarille). Il passe ensuite par les cours Cochet (enfin, Jean-Laurent Cochet ! Ce grand maître … professeur de Lucchini, Dussollier, Depardieu, et tous ces Grands …), puis par le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Lorsqu’on lui demande ce qu’est le métier d’acteur, il dit qu »on ne s’ennuie pas, mais que c’est plus difficile que d’être violoniste » (source). 

En clair, c’est un excellent acteur, et un metteur en scène extraordinaire : il a un don pour choisir ses acteurs, et ses mises en scène sont toujours parfaites. De plus, elles ont la particularité d’évoluer au cours de la saison ; voilà pourquoi il est très intéressant de voir ses pièces plusieurs fois … cela nous permet d’observer les détails qui ont changé : des mouvements en plus, certains passages coupés ou, au contraire, rajoutés. Enfin, il monte des pièces de genre divers, et ne s’adonne pas qu’aux classiques (il passe des Femmes Savantes de Molière à Ce qui arrive et ce qu’on attend de Jean-Marie Besset, puis enchaîne sur Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute).

Mais ce jeune comédien a plus cordes à son arc, et apparaît plusieurs fois à la télé, ou dans des films (comme Vivre !, de Yvon Marciano). Et n’oubliez pas que jouer au théâtre et au cinéma est très différent. Alors, jugez de vous-mêmes ; est-il aussi bon à la télé qu’au théâtre ? [ Oui, mais je préfère le théâtre, et donc je le préfère au théâtre, personnellement ] :

Animation Flash
Et voici une vidéo sur Les Femmes Savantes où on ne le voit qu’une fois, mais où l’on peut entendre les rires de la salle, rires produits grâce à son excellente mise en scène ; il est d’ailleurs interviewé à 2 moments :
Animation Flash

 

Et, pour lui avoir parlé une fois, il n’a pas l’air d’avoir la grosse tête, comme certains …

Enfin … c’est déjà un Grand, alors dans 20 ans, ce sera un Géant !

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1. Les Compagnons de la Chimère jouent Les Femmes Savantes

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2. Les Compagnons de la Chimère jouent Les Fourberies de Scapin

Les Compagnons de la Chimère est la troupe créée par Arnaud Denis en 2003 (Jean-Pierre Leroux assure la charge d’administrateur de la troupe). Les acteurs changent, en général, selon les pièces, mais certains sont plutôt stables, comme Jean-Pierre Leroux (1 : à gauche, debout, la tête penchée, 2 : premier plan) ou Jonathan Bizet (1 : en rouge, debout, totalement à gauche ; 2 : à droite de JP Leroux, il le regarde, il est « au dessus » de Stephane Peyran) . C’est une troupe complète, comprenant des membres de 25 à 70 ans environ, ce qui permet au metteur en scène d’avoir le choix entre un grand nombre de pièces différentes.

Le Site des Compagnons de La Chimère

Ce qui arrive et ce qu’on attend, Vingtième Théâtre

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Critique de Ce Qui Arrive Et Ce Qu’on Attend, de Jean-Marie Besset (mise en scène Arnaud Denis), vu 6 fois
Avec Arnaud Denis, Jean-Pierre Leroux, Adrien Melin, Virginie Pradal, Jonathan Max-Bernard, Blanche Leleu, et Niels Adjiman//François Mougenot.

Voilà une pièce … que j’ai vue 1 2 3 4 5 6 fois.

J’avoue que ce n’est pas le genre de pièce que je serais allée voir, si je ne « connaissais » pas Arnaud Denis (voir article). L’histoire ? Un concours décidera de l’architecte qui construira le premier monument sur la Lune … parmi les candidats, un jeune homme, marié, et qui retrouve un « ami » d’enfance dans le jury … et un autre homme, plus âge, prêt à tout pour faire aboutir son projet …  Ce qui arrive et ce qu’on attend. Quel titre, n’est-ce pas ? On comprend d’ores et déjà que la pièce parle de l’attente. Mais pas seulement. Plusieurs autres thèmes y sont abordés, tels que l’homosexualité, les retrouvailles, l’administration… Mais je ne vais pas trop en dire, et vous laisse découvrir la pièce, soit en la lisant, soit en achetant le DVD lorsque celui paraît  (le lien apparaîtra alors ici).

Je vais donc donner mon avis.

Les acteurs sont excellents, très bien choisis : ils sont au nombre de 7 mais ne sont jamais présents tous en même temps ; Arnaud Denis, qui signe aussi la mise en scène, interprète Nils, un jeune homme issu d’un milieu aisé et qui profite un peu de tout le monde – il est le seul qui n’attend rien de spécial, et d’ailleurs il le dit à un moment (il me semble) « j’ai tout mon temps ». Arnaud Denis, habitué aux rôles de manipulateur (Scapin, Monsieur Trissotin – à quand Tartuffe ?), excelle ici ; il utilise à bon escient son corps : en effet, il est très grand et permet ainsi de mettre son interlocuteur mal à l’aise. C’est quelque chose de très impressionnant et qui marche très bien – il s’en était déjà servi dans Les Femmes Savantes, et j’avais déjà beaucoup aimé, mais il faut le voir pour comprendre (je ne trouve malheureusement pas de photo pour souligner ce que je dis). Le jeune couple formé d’Adrien Melin et de Blanche Leleu « sonne très juste » ; ils sont naïfs, paraissent instables et semblent réellement destabilisés par l’arrivée de Jason (Jonathan Max-Bernard) ; gay, malade du SIDA, cela fait 20 ans qu’il attend son premier amour … alors le retrouver derrière une porte, lui en jury et l’autre attendant d’être jugé … il tentera tout de même sa chance et essaiera de récupérer celui qu’il aime encore … J. Max-Bernard nous touche grâce à sa qualité de jeu, sincère et efficace. Jean-Pierre Leroux et Virginie Pradal forment également un duo parfait (je n’enjolive pas les choses – tout était excellent, je ne fais que dire la vérité) : l’une directrice de l’Architecture et du Patrimoine, autoritaire, dans la force de l’âge mais agissant comme une furie, et l’autre, prêt à tout pour arriver à ses fins (Lebret, personnage interprêté par JP Leroux, participe également à ce concours). Enfin, un huissier (Niels Adjiman puis François Mougenot – ma préférence va largement au premier !) aide au bon déroulement des choses … Il fait entrer les uns, sortir les autres, annonce certains personnages …

La mise en scène est parfaite et je n’ai rien à redire. Les costumes sont simples mais élégants. Le décor … personnellement, je l’adore ! Je me souviens d’une fois où, au commencement de la pièce, une dame derrière moi a dit quelque chose qui ressemblait à « Il est trop simple ce décor ». C’était peut-être la même personne qui a parlé tout le long du spectacle. Mais passons. Le décor ne change pas. Certains accessoires bougent, mais on comprend très bien pourquoi. Je dois dire aussi que la musique est très bien choisie (le groupe Applause).

La pièce dégage une atmosphère de tension, comme une bombe prête à éclater. On sent qu’il y a quelque chose de grave, de très grave, malgré les petites scènes « comiques » entre ces moments dramatiques. Car c’est aussi cela qui fait le Grand de cette pièce. Elle comporte tout ! On rit et on pleure. On est heureux puis anxieux. Et quand on ressort, on n’a plus envie que d’une chose ; la revoir !

 » Ce qui est arrivé était encore mieux que ce à quoi je m’attendais … »

Voici une vidéo sur la pièce : lien. Elle passe au Vingtième Théâtre. Elle passe à présent au théâtre du petit montparnasse (jusqu’au 9 janvier)…  Allez-y, vraiment, allez-y !!!

Placement : les premiers rangs ; comme d’habitude !

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