Le duo Frot-Fau accouche d’un bel enfant

Critique de Lorsque l’enfant paraît, d’André Roussin, vu le 30 septembre 2022 au Théâtre de la Michodière
Avec Catherine Frot, Michel Fau, Agathe Bonitzer, Quentin Dolmaire, Hélène Babu, Sandra Codreanu et Maxime Lombard, mis en scène par Michel Fau

Il y a quelques années, j’adorais le travail de Michel Fau. Chacun de ses spectacles était un choc esthétique et émotionnel dont je ressortais complètement saisie. Un amour qui ne finit pas, d’André Roussin, fut de ceux-là. J’ai été beaucoup déçue depuis par les mises en scène de Michel Fau, mais j’ai envie de croire qu’avec Lorsque l’enfant paraît, le miracle André Roussin renaîtra.

Il s’en passe des choses chez les Jacquet ! Olympe Jacquet vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Dit comme ça, ce ne serait pas dramatique, à ceci près qu’Olympe Jacquet a dépassé l’âge où on attend généralement un heureux événement… et que son époux n’est autre que le sénateur Charles Jacquet, fervent opposant à la légalisation de l’avortement. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, les époux Jacquet vont apprendre dans la foulée que leur fils attend un enfant avec la propre secrétaire de Charles – alors qu’ils ne sont évidemment pas mariés. Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises…

Que c’est bon de retrouver le Fau d’avant ! Le Fau anticonformiste, le Fau baroque, intelligent, et fin. Le Fau qui se déguste d’un bout à l’autre du spectacle, parce que Fau est un tout. Fau ne convient pas à tous les styles, Fau a besoin d’un texte, Fau a besoin d’une atmosphère pour pouvoir se déployer et ici Fau l’a. Fau retrouve André Roussin qui lui va si bien. Fau met en scène un texte original et culotté, et c’est comme ça que j’aime Fau.

© Marcel Hartmann

C’est bon de retrouver Fau, mais… Car il y a un mais, un petit mais, mais autant en parler tout de suite. J’ai quand même quelques réserves sur le spectacle, qui viennent principalement du texte. C’est un texte qui a des faiblesses de construction, avec deux beaux personnages qui effacent tous les autres, devenant essentiellement des faire-valoir de l’histoire, c’est un texte un peu lourd, avec une mise en place de l’histoire trop longue pour le temps réellement apprécié du spectacle en terme de répliques cinglantes et autres belle punchlines. Pour être vraiment éclatant, peut-être aurait-il fallu couper – mais comment couper quand tout est préparation de la scène suivante ?

D’autant que c’est une pièce vraiment intéressante historiquement parlant, qui aborde des sujets rares au théâtre, et complètement tabous à l’époque d’André Roussin. Certes, elle a pris quelques rides, certes, son audace s’est un peu émoussée, et pourtant, elle fonctionne. La satire de la bourgeoisie est là et elle fait toujours rire la salle. On en accepte alors peut-être plus facilement les quelques longueurs.

Et on peut se laisser aller à savourer le spectacle. Ces somptueux décors flashys dans lesquels les costumes se fondent à merveille. Ce rythme légèrement traînant avec lequel Michel Fau balance ses meilleures répliques. Cette bourgeoisie délicieusement incarnée par Catherine Frot qui se bat avec ses contradictions en mêlant avec beaucoup de doigté émotion et ridicule. Elle est assurément la reine de ce spectacle. On a d’ailleurs parfois l’impression que tout est fait pour la mettre en valeur, telle une Sarah Bernhardt des temps modernes. Même Fau semble s’effacer pour lui laisser davantage de lumière. Ce n’était pas la peine, elle la prend à merveille. Chacune de ses répliques est une leçon de théâtre. A déguster sans modération.

Et lorsque Frot paraît j’applaudis à grands cris… ♥ ♥

© Marcel Hartmann

Zem pas !

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Critique de Trahisons de Pinter, vues le 13 février 2020 au Théâtre de la Madeleine
Avec Roschdy Zem, Michel Fau, Claude Perron et Fabrice Cals, dans une mise en scène de Michel Fau

Ha, Michel Fau ! Si vous suivez un peu ce blog, vous connaissez ma relation tumultueuse avec cet artiste : le coup de foudre initial porté par des merveilles telles que Demain il fera jour ou Un amour qui ne finit pas s’est soldé par un divorce brutal lorsque j’ai vu Fleur de Cactus. J’ai bien essayé de renouer avec ce créateur que j’avais tant aimé mais mes diverses tentatives se sont toutes soldées en échecs. Mais je continue d’y croire, sans doute portée par le souvenir d’une esthétique et d’une théâtralité avec lesquelles j’étais en harmonie complète – et que je ne retrouve toujours pas dans ces Trahisons.

Qu’elle est belle cette pièce de Pinter qui revient dans le temps pour recomposer les détails et les discussions qui ont mené à la situation actuelle d’une séparation entre deux époux, Emma et Robert. On revient plusieurs années en arrière dans la vie des deux époux, et on comprend petit à petit comment leur mariage a tourné ainsi, quelle relation elle a entretenu avec Jerry, le meilleur ami de Robert devenu son amant, et comment ils se sont tous un peu trahis les uns les autres…

Il y a sans doute une grosse erreur qui plombe le spectacle et sans qui, peut-être, j’aurais pu passer un moment plus que correct. C’est une erreur de casting, et elle porte le nom de Roschdy Zem. J’étais pourtant super emballée devant cette proposition, parce que Roubaix une lumière, parce que Persona non grata, parce que découverte de cet comédien au théâtre, parce que ça pouvait marcher. Mais allez savoir pourquoi, ça ne fonctionne pas. Roschdy Zem est une coquille vide. Ses répliques se suivent et se ressemblent sans la moindre incarnation. Pire, il semble absent dès qu’il finit de parler, comme s’il se concentrait pour ne pas oublier sa phrase suivante.

Difficile pour sa partenaire Claude Perron de s’accrocher à une telle prestation. Est-ce pour cela que Michel Fau la dirige de manière aussi froide ? Son personnage, qui devrait quand même faire preuve d’un minimum de désir et de chaleur pour son amant, est glacial. Son jeu, trop stylisé, aurait pu être intéressant s’il n’était pas que stylisé. Résultat : les scènes entre les deux amants passent trop lentement et l’ennui s’installe. Pour essayer de pallier ce problème, le metteur en scène a tenté de monter certaines scènes avec des accents de boulevard, perdant tout le mystère, l’ambiguïté et la perversité propres à ces trahisons qui deviennent alors bien plates. Dommage car Michel Fau, lui, avait su adopter le bon ton.

Différemment entouré, cela aurait donné un tout autre spectacle ; j’aurais même pu me laisser convaincre par la mise en scène de Fau. Certes, j’ai trouvé les lumières trop agressives – on les connaît ces lumières radicales qui lui sont chères, et je dois même dire que je les ai beaucoup aimées avant mais là, peut-être était-ce dû à la mayonnaise qui ne prenait pas, mais je les ai trouvées justes radicales et comme déconnectées du spectacle dans son ensemble. Mais je dois dire que j’ai trouvé le décor très malin, cette reconstitution du puzzle comme des représentations des souvenirs des amants et des époux qui s’entremêlent au fil des révélations, c’est à la fois visuellement très réussi et très parlant. Une très chouette idée !

C’est Pinter qu’on trahit ! pouce-en-bas

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Pathétik-Hôtel

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Critique du Névrotik-Hôtel de Christian Siméon, vu le 12 mai 2018 au Théâtre des Bouffes du Nord
Avec Michel Fau et Antoine Kahan, dans une mise en scène de Michel Fau

C’était le spectacle de la dernière chance. Ceux qui lisent régulièrement mes chroniques connaissent mon admiration pour Michel Fau et cette lente déchéance depuis quelques spectacles – depuis ce Fleur de Cactus si décevant la saison dernière. Depuis, je vais de déception en déception. Je misais beaucoup sur ce Névrotik-Hôtel qui semblait déjà plus fidèle au Fau que j’aimais, plus éloigné de ses dernières lubies, et j’y suis allée pleine d’espoir. J’en ressors le coeur gros, avec l’impression qu’une étoile s’est éteinte à tout jamais. Cette année, son Tartuffe à la Porte Saint-Martin s’était entièrement déroulé sans moi. Il en sera de même pour Fric Frac la saison prochaine au Théâtre de Paris. C’est la fin d’une époque. La fin du Fau.

Excitée, donc, je l’étais, en me rendant au Théâtre des Bouffes du Nord ce soir-là. Ce Névrotik-Hôtel semblait surfer sur la vague de son merveilleux Récital Emphatique : il aura malheureusement du mal à supporter la comparaison. Je suis quand même rassurée en constatant que le texte n’est pas de Fau : cela signifie qu’une fois encore, c’est bien son appréciation du texte qui est en cause, et non pas son talent. Quelque part, cela m’apaise. On se retrouve dans cet Hôtel où une diva – Michel Fau, qui d’autre ? – utilisera son talent monétaire en achetant le boy Antoine pour qu’il satisfasse ses plus étranges désirs. Ce que ce spectacle semble oublier, c’est que, quelque part, même l’extravagance a ses règles.

Décor rose acidulé qui pique les yeux, jusque-là rien de choquant. Michel Fau a toujours eu un goût particulier pour les couleurs flashys, c’est aussi pour ça qu’on l’aime. Les choses commencent à se gâter à son entrée en scène : il est seul, et il a beau être lui, le texte est si vide que je sens un poids grossir dans ma gorge. Peut-être que, fort de ses précédents succès, il a fini par croire qu’il pouvait tout monter avec brio. Il faut dire qu’une partie du public sera avec lui ce soir-là ; une partie qui commence à rire à peu près à l’instant où il met un pied sur la scène. La deuxième partie, dont je suis, semble déjà plus boudeuse ; menton dans la main, yeux fermés, petit coup d’oeil sur la montre… Quant à la troisième partie, elle est tout simplement absente : on est samedi soir et pourtant je n’ai jamais vu les Bouffes du Nord aussi peu remplies…

Qu’importe le texte, je me rassure en me disant que je pourrai me raccrocher aux chansons. Sur la bible, il est indiqué que ce sont des chansons inédites : on comprend rapidement pourquoi. J’exagère un peu : certaines sont agréables à l’oreille et même plutôt entraînantes. Mais la plupart du temps, ce sont surtout des paroles désespérément creuses, si bien que seuls les arrangements de Jean-Pierre Stora prennent un véritable intérêt. Et dire que Michel Fau parle d’hommage décalé et poignant à la grande chanson française

Alors bon, tout n’est pas si noir, mais tout n’est pas aussi rose que le voudrait le décor. Par instant, le Michel Fau d’avant revient. Dans une réplique, dans une grimace, dans un geste, je retrouve ce que j’étais venue chercher, cette grandiloquence assumée, cette originalité sans complexe, cette faulie unique. Alors je prends, comme une dernière offrande, les restes d’un être qui peu à peu s’efface, perdu dans la folie des théâtres privés qui lui ouvrent leurs portes.

Le truc, c’est que le personnage de diva de Michel Fau ne chante pas divinement bien – et son acolyte Antoine Kahan non plus. C’est un peu comme Miss Knife pour Olivier Py : on ne vient pas la voir parce qu’elle va ravir nos oreilles mais parce que c’est un personnage formidable de composition et, dans le cas de ce dernier, avec des paroles qui valent vraiment le détour. Si on enlève et les paroles et la composition, il est clair que le personnage perd beaucoup de son intérêt… Et c’est exactement ce qui se passe ici. Les chansons étant ce qu’elles sont, l’intrigue étant ce qu’elle est, les voix des deux comédiens étant ce qu’elles sont… qu’est-ce qui reste ?

Plus que des souvenirs. 

Nouveau Fau pas

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Critique de Douce-amère de Jean Poiret, vu le 21 février 2018 aux Bouffes Parisiens
Avec Mélanie Doutey, Michel Fau, David Kammenos, Christophe Paou, et Rémy Laquittant, dans une mise en scène de Michel Fau

Ha ! Michel Fau. J’ai tant encensé cet artiste, tant admiré ce comédien, tant applaudi ce metteur en scène que la chute n’en est aujourd’hui que plus rude. Depuis quelques spectacles, Michel Fau ne se ressemble plus. Il m’a perdue. Je ne retrouve plus ce qui m’a d’abord attirée chez lui – sa folie, son intelligence, son anticonformisme. Malgré ce qu’il peut dire, il rentre de plus en plus dans un moule qui lui convient si peu : grosses productions, grosses têtes d’affiches, grosses vannes sans finesse. Comme je continue d’espérer retrouver cet homme que je considérais proche du génie, je vais encore découvrir ses créations. Et une déception de plus, une !

Elisabeth et Philippe sont ensemble depuis 8 ans. Le temps a terni leur amour et aujourd’hui Elisabeth semble vouloir s’affirmer en tant que femme seule, libre et indépendante. Philippe, s’il semble concevoir le départ prochain de sa femme, n’en reste pas moins très intrusif quant aux hommes qu’elle peut fréquenter et tente même de deviner de lui-même les nouvelles relations de sa femme. Cependant, l’attachement est tel que même lorsqu’il disparaît physiquement de sa vie, laissant à Elisabeth l’espace nécessaire à sa reconstruction, sa présence semble immuable, ancrée dans l’appartement plein de souvenirs, dans les habitudes prises au fil des années. Même absent, Philippe est partout.

On l’a compris depuis longtemps, les thèmes de l’amour, du couple, de la longévité de la passion, sont chers à Michel Fau. Sur ce sujet, il nous avait présenté il y a quelques années Un amour qui ne finit pas d’André Roussin. Étonnée tout d’abord par son choix de ressortir une pièce jamais jouée, j’étais sortie complètement convaincue de sa nécessité. J’aurais aimé retrouver cette surprise ici, d’autant que les thèmes abordés sont très proches. Mais les derniers choix de texte de Michel Fau ne s’avèrent malheureusement pas à la hauteur de ce à quoi il avait pu nous habituer, et cette pièce se montre finalement à la fois bavarde et fade.

Le spectacle se découpe en deux parties distinctes. La première amène le sujet – sujet important et traité de manière à la fois intelligente et rythmée. Moi qui avais entendu beaucoup de commentaires négatifs sur le spectacle, je me suis même surprise à me dire « Roooh quand même, ils exagèrent. Si ce n’est pas du grand Michel Fau, ce n’est pas non plus un spectacle déshonorant ». Je serrais les dents au début mais j’ai vite laisser le rire et l’intérêt gagner du terrain. Michel Fau, qui incarne Philippe, joue habilement de sa double casquette comédien/metteur en scène pour faire du mari le nouvel instigateur des actions de sa femme. Par ailleurs, le duo Doutey-Fau fonctionne très bien, les deux comédiens se renvoyant des balles de couleurs toujours différentes et qui tombent chaque fois à des endroits différents. C’est globalement un bon moment.

Seulement, toute bonne chose a une fin. Lorsque Michel Fau sort de scène au début de la seconde partie, il ne faut pas longtemps pour qu’on se mette à regarder l’heure. Mince, 22h. Il reste donc encore une heure, et si on a un peu appréhendé la forme de la pièce, on comprend rapidement que Michel Fau ne reviendra pas avant la dernière scène. Aucun des trois jeunes comédiens incarnant les amants de Elisabeth n’a l’aura ni la présence de Michel Fau, et soudain le texte s’alourdit considérablement. Même Mélanie Doutey, dont le jeu révèle pourtant une femme complexe et pétillante, ne parvient pas à maintenir notre intérêt. Ne reste plus qu’à subir un texte plat et des scènes sans consistance jusqu’au retour du comédien-metteur en scène. C’est long.

Ce n’est pas la catastrophe Fleur de Cactus, mais j’attends quand même de retrouver le Fau que j’avais mis sur un piédestal, le Fau du Récital Emphatique, le Fau qui m’a fait découvrir Roussin, le Fau qui osait tout, et qui ne s’enfermait pas dans un spectacle convenu. 

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Fleur de cacactus

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Critique de Fleur de Cactus, de Barillet et Gredy, vue le 20 mai 2017 au Théâtre Antoine
Avec Catherine Frot, Michel Fau, Patrick Ligardes, Mathilde Bisson, Wallerand Denormandie, Marie-Hélène Lentini, Frédéric Imberty, et Audrey Langle, dans une mise en scène de Michel Fau

Gênant. C’est le premier mot qui me vient en tête. Gênant de retrouver de si grands comédiens dans un spectacle pareil. Gênant de constater que la salle entière rit devant cette bouse sans la moindre forme d’intérêt. Gênant d’imaginer ce spectacle comme premières partie des Molières, lundi prochain. Gênant de constater que le nivellement par le bas qu’on retrouve dans tant de domaines s’attaque également au théâtre. Après ce premier sentiment, c’est l’indignation qui prend la parole : ma place a coûté 55€, et je ne suis même pas en carré or. Devant les décors – somptueux, il faut bien l’admettre – je n’ose imaginer le coût du spectacle. Et je ne parle pas des têtes d’affiche. Je suis outrée. Je suis dégoûtée. Je suis révoltée.

Du peu que je connaissais de Barillet et Grédy, j’aurais pu prévoir le massacre. Mais j’ai fait confiance. J’ai fait confiance aux critiques dithyrambiques sur le spectacle, j’ai fait confiance aux têtes d’affiche, j’ai fait confiance à un Michel Fau que je suis depuis un bout de temps maintenant. Mais dès le début, l’histoire sent le vieillot : cet homme qui s’est inventé une vie de famille et qui se retrouve à devoir trouver un subterfuge pour présenter sa femme et ses enfants à son amante qu’il souhaite épouser… Avec la plume d’un bon auteur, ça aurait peut-être pu donner quelque chose. Mais ici, c’est ridicule et poussif. Les situations mettent des heures à s’installer, les répliques ne reflètent aucun esprit, les acteurs n’ont rien à jouer. Il manque un ingrédient essentiel au boulevard : un grain de folie. J’ai du mal à concevoir que Barillet et Grédy aient vraiment été en vogue dans les années 50. Et je vous passe les tirades sur la libération de la femme qui s’en va conquérir le monde en conduisant sa deux chevaux.

C’est assez inconcevable, et même très triste, qu’un texte pareil connaisse un tel succès dans un grand théâtre parisien. J’écris ces quelques mots pendant le spectacle tant je m’ennuie, et l’idée qu’il me reste encore près de 2 heures à tenir m’est assez effrayante. A dire vrai, j’ai du mal à imaginer comment les acteurs vont réussir à meubler autour de ce néant pendant encore aussi longtemps. Non seulement la pièce est sans aucun intérêt mais en plus elle est mal écrite et s’étire en longueur : on tient un combo. A côté de Barillet et Gredy, Florian Zeller est le Feydeau du 21e siècle.

Pour une fois, fait étrange, les applaudissements qui ponctuent les entrées et sorties des acteurs ne sont pas ce qui m’irrite le plus. Non, après tout ça fait bien partie de la soirée : vous comprenez, c’est hilarant de voir Catherine Frot répondre au téléphone pour convenir d’un rendez-vous médical. Ceci dit, si personne ne rit à ce moment là, les acteurs risquent de passer un long moment de solitude au regard de la qualité du reste du texte.

Non, ce qui me mine le plus dans cette histoire, c’est l’idée qu’un homme tel que Michel Fau, pour qui j’ai une admiration sans borne, qui m’a fait découvrir André Roussin, et que je suis assez aveuglément, puisse monter un texte pareil. J’ai toujours fait confiance à son intelligence – mieux encore, à son esprit et à son goût, duo rare et appréciable en ces temps d’abrutissement des masses. Mais aujourd’hui je me sens trompée, trahie. La chute est d’autant plus douloureuse que j’avais placé Michel Fau depuis longtemps sur un piédestal. Les questions se bousculent dans mon esprit au fur et à mesure que ce spectacle avance : pourquoi cette pièce ? Par quel étrange hasard a-t-il pu penser qu’elle présentait un quelconque intérêt ? Pourquoi ressortir des placards les écrits de Barillet et Grédy qu’on avait si justement oubliés ? Comment a-t-il convaincu Catherine Frot de se ridiculiser ainsi ? Lui comme elle, qu’on connaît grands acteurs tout en subtilités, sont bien tristes ce soir, sur cette scène. Ce ne sont que de pâles figures d’eux-même, jouant pauvrement tels des pantins sans âme. A leurs côtés, le reste de la distribution est tout aussi caricaturale. Seule Mathilde Bisson tire son épingle du jeu avec une incarnation fine et intelligente. Surprenante et bienvenue, au vu de la tournure que prend cette soirée.

Je regarde avec désespoir la course d’obstacle qu’il me faudrait affronter pour atteindre la sortie. Je suis bloquée, et condamnée à perdre 2h10 de ma vie. J’ai du mal à concevoir l’idée que Laurent Ruquier, pourtant grand amateur de théâtre, ait pu cautionner pareil spectacle à l’affiche de son théâtre, lui qui présente l’année prochaine la reprise d’Art de Yasmina Reza. Un autre monde.

« M’avoir joué une telle comédie, le dégoût me submerge ». Finalement chers Barillet et Grédy, nous nous accordons sur ce point. pouce-en-bas

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L’amour Fau

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Critique d’Un amour qui ne finit pas, d’André Roussin, vu le 16 mai 2015 au Théâtre de l’Oeuvre
Avec Léa Drucker, Pascale Arbillot, Pierre Cassignard, Michel Fau, Audrey Langle et Philippe Etesse, dans une mise en scène de Michel Fau

Cela fait un petit moment maintenant que je suis Michel Fau ; qu’il prenne l’habit de metteur en scène ou d’acteur, ou les deux à la fois, c’est toujours un plaisir de retrouver ses spectacles. J’avoue que j’avais un peu peur avant d’aller voir celui-ci, car je craignais qu’il ne reproduise l’erreur que beaucoup d’autres acteurs commettent : essayer de dépoussiérer un texte justement oublié. Mais l’oeuvre d’André Roussin qu’il nous propose s’est avérée un véritable petit bijou, et ce spectacle, une réussite.

Un amour qui ne finit pas est, en quelque sorte, un Dom Juan nouvelle génération. Un Dom Juan qui aurait compris et intégré le fait que seule la séduction compte, et qui ne chercherait même plus à aller au bout de ses avances. C’est le souhait de Jean lorsque, au début de la pièce, il accoste Juliette pour lui expliquer son projet : lui vouer un amour infini, lui écrire et penser à elle tous les jours, mais sans jamais désirer de retour. Habitué aux maîtresses et à la lassitude qu’elles engendrent, il espère trouver dans ce procédé un amour qui ne finisse pas. Juliette, mariée, ne semble voir dans cette situation aucun fait dérangeant et qui pourrait engendrer un quelconque problème chez l’un ou l’autre couple ; elle accepte donc. Mais c’était sans compter la bombe à retardement que ce simple désir représente dans chaque couple : lequel éclatera le premier ?

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Il y a quelque chose d’essentiel à dire, je crois : merci Michel Fau. Merci de m’avoir fait découvrir ce texte intelligent et fin, très bien ficelé, aux allures de boulevard et aux contours dramatiques. Un texte qui donne à réfléchir tout en laissant une atmosphère légère et même drôle ; un texte qui parle d’amour avec perspicacité et délicatesse. Loin d’étaler les lieux communs d’un boulevard commun, Roussin travaille autour de son idée initiale avec profondeur et subtilité. Vraiment, cela fait longtemps que je n’avais pas été aussi emballée par un auteur que je ne connaissais pas.

Mais remercions également Michel Fau pour la qualité du spectacle qu’il nous livre : le retrouver en tant que metteur en scène est un réel plaisir. Il nous plonge littéralement dans les années 60 grâce à sa maîtrise du détail : du décor aux costumes, en passant par la musique et les accessoires, tout est d’époque et rien n’est laissé au hasard. Pour preuve son décor complémentaire de part et d’autre de la scène, mêlant ingénieusement noir et blanc et laissant apparaître au fil de la pièce des détails jusqu’alors invisibles pour nos yeux.

Enfin, remercions Michel Fau pour ses talents d’acteur et de directeur d’acteurs. L’équipe qu’il a réunie porte ce spectacle à son sommet en donnant vie à cette situation étonnante avec brio : Léa Drucker en tête : elle compose une femme patiente et habituée aux rêveries de son époux, dont les traits tirent parfois sur la folie ou la simple bizarrerie. Ses intonations aigües et sa coiffure bourgeoise ne peuvent que parfaire sa composition qui en ressort désopilante. Michel Fau, qui incarne son mari, transmet sa rêverie, son imagination, et son amour inconditionnel Juliette avec simplicité et vraisemblance. L’autre couple, peut-être plus modéré que le premier, est celui qui amène une légère tension dans la pièce ; les deux personnages se transforment totalement au cours du spectacle : Pascale Arbillot sombre dans une certaine forme de folie, celle de la passion, tandis que Pierre Cassignard dégage une fureur toujours croissante, agité de mouvements compulsifs et parfois complètement hors de lui-même.

Certaines pièces sont à voir pour leur mise en scène. D’autres pour leurs acteurs. Enfin, certains textes sont à découvrir. Lorsqu’un spectacle mêle ces trois éléments, on ne peut que s’incliner. Voici un spectacle que je reverrai avec plaisir. ♥ ♥ 

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Ah ! Quelles belles miches-elle a, cette cantatrice !

Critique du Récital emphatique de Michel Fau, vu le 4 juillet 2014 au Théâtre de l’Oeuvre
Avec Michel Fau, dans une mise en scène de Michel Fau

Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’acteurs en France capables d’executer une telle performance : prendre le corps d’une femme, chanteuse de surcroît, le temps d’un spectacle, ce n’est pas un talent donné à tous. J’ai bien sûr pensé à Olivier Py et sa si géniale Miss Knife : mais là, si l’art se ressemble, la manière est différente : c’est quelque chose de bien plus grotesque que nous présente Michel Fau. Grotesque, mais jamais vulgaire, jamais honteux : juste ce qu’il faut pour soulever la salle d’un rire commun et long d’1h30.

Lorsqu’il entre, il est transformé. Une robe flashy, une perruque adéquate, un port et un maintien de diva, et la métamorphose complétée par une gestuelle et une voix transformées par l’acteur. C’est d’abord une longue danse qui commence, dans laquelle Michel Fau, déjà complètement dans le personnage, se donne corps et âme dans une chorégraphie farfelue et annonçant le ton du spectacle : du second degré total ; Michel Fau assumera totalement son travestissement et jouera de sa féminité sans honte. La précision des gestes, du rythme – toujours en accord avec le piano -, des expressions de son visage – jamais les mêmes -, sont impressionnantes. Après cette danse effrenée et déjà de beaux moments de rigolade, Fau entame Samson et Dalila : qui d’autre interpréter que Dalila elle-même ? Avec ce même talent qu’il dévoilait lors des danses, il soulève des rires dans la salle lors de ses différentes parties chantées.

Et l’artiste a plus d’une corde à son arc : après cette entrée en matière plus que réjouissante, il enchaîne avec Phèdre. « Mon mal vient de plus loin » est certes une tirade bien connue, mais livrée par Fau, elle n’est plus la même. Successivement déclamée à la Sarah Bernhardt, puis comme dans un mauvais boulevard, ensuite à la manière dont on parlait au XVIIe siècle, et enfin style mauvaise actrice, jeune et débutante (hilarante). La salle est conquise : personnellement, j’avais déjà un sourire vissé sur mon visage depuis une bonne dizaine de minutes : sourire qui ne disparaîtra pas avant la fin du spectacle.

Fort de son succès, après plusieurs fous rires généraux dans la salle, après une parodie de Duras intitulée Mékon B4, et un air bien reconnaissable du Carmen de Bizet, voilà que Michel Fau se met à la « variétoche ». Tout d’abord, il nous offre ce numéro que certains connaissaient déjà après un passage chez Ruquier : cette chanson de Zaz, extrêmement engagée politiquement, qui nous parle de la fracture sociale. Hilarant. Et comme les rappels ne cessent pas, il repart de plus belle : de Starsky et Hutch à Comme un ouragan, Michel Fau semble prendre autant de plaisir à s’approprier les chansons que le spectateur à l’écouter.

Un spectacle déjanté et délirant : Michel Fau a su emporter toute la salle avec lui. Bravo. ♥ ♥ ♥

Vous êtes, monsieur Fau, un grand extravagant

Critique du Misanthrope, de Molière, vu le 18 février 2014 au théâtre de l’Oeuvre
Avec Julie Depardieu, Michel Fau, Édith Scob, Jean-Pierre Lorit, Jean-Paul Muel, Laure-Lucile Simon, Roland Menou, Frédéric le Sacripan, et Fabrice Cals.

Le Misanthrope tel qu’on le joue aujourd’hui est un homme qui certes, ne peut pas vivre en société en raison de son aversion de ses congénères, mais que l’on a quand même fini par comprendre, et on va jusqu’à le considérer comme réfléchi car conscient des hommes mauvais qui l’entourent. Ce Misanthrope-là n’est probablement pas celui qu’a créé Molière, qui était bien plus un homme fou et délirant constamment, qui ne méritait pas notre considération mais bien plus provoquait notre rire. Voilà donc le parti pris de Michel Fau en montant ce Misanthrope : le faire à l’idée de celui de Molière. Une réussite !

Rappelons brièvement l’intrigue, pour celles ou ceux qui auraient un brusque trou de mémoire. Alceste ne peut pas vivre dans cette société qui l’entoure et qu’il hait, composée d’hypocrites et misant tout sur l’apparence. Dès le début de la pièce, son caractère si particulier se fait sentir, et il se détache du reste des personnages. Cependant, c’est un homme qui se contredit sans cesse, et le paradoxe le plus important qu’il renferme est son amour pour la plus coquette et la plus mondaine des femmes, Célimène, qu’il tentera d’ailleurs de convaincre de s’exiler avec lui, loin des hommes.

Michel Fau est Le Misanthrope. Il compose un Misanthrope grotesque et ridicule, et pourtant touchant, car touché, blessé profondément par la nature humaine. On entend Molière comme rarement, et les mots qui sortent de sa bouche sont empreints d’amertume et de sincérité. Jamais je n’avais remarqué à quel point sa folie était poussée, et lorsqu’il déclame que Plus on aime quelqu’un, moins il faut qu’on le flatte, ça n’apparaît plus seulement comme des paroles intelligentes, comme une vérité finalement naturelle, mais bien comme de la pure démence, comme s’il se plaisait à ne pas trouver ce qu’il y a de bon en chacun.

Et Michel Fau a su s’entourer des meilleurs comédiens, à commencer par celui qui interprète Philinte, son ami le plus proche : Jean-Pierre Lorit incarne… juste le meilleur Philinte qu’on puisse imaginer, au bas mot. Ce personnage est ingrat car il fait toujours face au fort caractère d’Alceste, et peut donc paraître bien simple à côté. Mais ici, quelle sagesse, quelle raison dans son discours, et quelle émotion il transmet. On l’écoute avec un plaisir qui ne s’estompe à aucun moment. Jamais ce vers : Ah ! cet honneur madame, est toute mon envie, et j’y sacrifirais et mon sang et ma vie ne m’a autant touché. Un Philinte d’exception. On pense également à Jean-Paul Muel, qui sait si bien faire la folle comme il nous l’a déjà prouvé, et à qui le rôle de l’hystérique Oronte va comme un gant.

Du côté des femmes, on est un peu moins convaincu. Mais comment réussir à soutenir la comparaison en Arsinoé, lorsque je voyais Catherine Griffoni briller dans le rôle il y a quelques mois ? Edith Scob semble trop âgée pour le rôle et la scène entre les deux femmes, qui devrait faire l’effet d’une bombe à retardement, peine à éclater. Là est le seul point négatif du spectacle. Julie Depardieu, en revanche, semble une Célimène-née : son côté légèrement excité, electrisé, qu’on lui connaît sied parfaitement au personnage et à sa mondanité, à ce désir qu’elle a de vivre et de plaire. Elle ne semble pas comprendre le mal que ressent Alceste et se plaît à lui tenir tête. Le duo fonctionne à merveille.

Par ce Misanthrope, Michel Fau nous montre non seulement son talent de comédien, mais également celui de metteur en scène. Quelle différence il y a entre un spectacle où l’on sent la main de fer du metteur en scène, et celui où les acteurs sont surtout guidés à l’instinct ! Là, on assiste à un l’accomplissement d’un travail réfléchi et intelligent : un tableau des Enfers fait office de décor durant certaines scènes, et place ainsi directement la pièce sous une dimension tragique, féroce, telle que peut l’entendre Michel Fau, qui avouait que dans le monde du théâtre, [il] se sent très seul, très à part, et que les hypocrisies, les malentendus, les malhonnêtetés [le] choquent. Cet aspect de vérité et de modernité du texte est brillamment retransmis, et c’est également grâce à l’insistance sur la folie et l’extravagance du Misanthrope qu’il parvient à faire rire. Le jeu de contraste des couleurs et de la luminosité fait également son effet : lumière comme costumes sont de couleurs qui jurent parfois, et le doré de la robe d’Arsinoé appuie son ridicule et sa fausse pureté, de même qu’Alceste, qui tente toujours de se démarquer, et grotesque dans ce costume vert, aux côté de Philinte et d’Éliante, bien plus sobres, et finalement seuls personnages qui tentent de construire véritablement quelque chose.

Michel Fau a dit : « Je redoute de devenir comme Alceste ». Pari perdu monsieur Fau, car tous les soirs, le temps d’un spectacle, vous en prenez le corps. ♥ ♥ ♥

L’Oeuvre au coeur des ténèbres

demain-large.jpgCritique de Demain il fera jour, de Henry de Montherlant, vu le 9 mai 2013 au théâtre de l’Oeuvre
Avec Léa Drucker, Michel Fau, Loïc Mobihan, et Roman Girelli, dans une mise en scène de Michel Fau

Sombre soirée que celle passée à l’Oeuvre hier soir. Nous sommes en juin 1944, en France, le débarquement de Normandie vient d’avoir lieu et la fin de la guerre se fait ressentir. Nous nous retrouvons alors dans la vie de cette famille à trois personnages : le père, avocat (Michel Fau), la mère (Léa Drucker), dont la seule passion semble être son fils (Loïc Mobihan), malgré le fait qu’il veuille s’engager dans la résistance. La pièce est courte, mais riche et intéressante.
Elle se découpe en plusieurs tableaux, et elle est très « carrée » : les personnages semblent occuper chacun une portion de l’espace, ce qui donne un aspect d’éloignement réciproque assez marqué. Le décor est sobre, un intérieur bourgeois, rien n’est en trop mais rien ne manque. Le tout est très statique, ce qui en temps normal m’aurait beaucoup déplu, mais qui ici ajoutait une certaine tension, renforçait le côté dramatique et sombre de la pièce. Car l’argument n’est pas joyeux : le père du jeune Gilles, qui refusait tout d’abord de donner la permission à son fils d’entrer dans la résistance, semble y être plus enclin après avoir reçu un certain papier, mystérieux et intriguant : désirant probablement se protéger en vue de la Libération, il enverra son fils se faire tuer. Sa mère refuse catégoriquement, craignant de perdre le bijou de sa vie. Le jeune homme, quant à lui, essaie de forcer la main à ses parents, avançant plusieurs arguments, boudant.
Les acteurs sont étonnants. Le jeu de Michel Fau n’est pas parvenu à me toucher, mais cet effet de distance entre le personnage et le spectateur semblait pensé. Sa vision de la vie, de la famille et de son fils sont trois choses qui l’éloignent de nous. Il est terriblement inquiétant, premièrement à cause de son physique qui, il faut le dire, est particulier et atypique, dégageant un mélange de puissance et de respect, mais aussi dans sa voix, semblant presque monocorde mais laissant passer de légères variations d’intonations, laissant transparaître sa méfiance, sa peur ou son autorité. A ses côtés, les deux autres comédiens sont excellents. Léa Drucker est effrayante dans cette mère à l’amour malsain pour son fils. Semblant au bord de la folie, délaissée par son mari et prête à perdre Gilles, elle délire sur scène et le flot d’émotion qui la submerge passe aussi bien dans ses cris que ses silences et ses regards. Le jeune Gilles enfin (qui passe actuellement le concours du Conservatoire), fait preuve d’une maturité étonnante pour un si jeune acteur. Diction, intonations, déplacement et gestuelle parfaites, il possède encore en lui l’imprudence de l’enfance, qui semble parfois se transformer en réel courage, comme s’il voulait se détacher de son père et de la lâcheté dont il a fait preuve il y a quelque temps, en défendant un Allemand lors d’un procès …

La soirée est noire, les acteurs impressionnants et le propos plutôt cruel. Mais ça vaut le coup. ♥ ♥

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