Un Prix Martin au sommet du Podium !

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Critique du Prix Martin, d’Eugène Labiche, vu le 20 avril 2013 à l’Odéon – Théâtre de l’Europe
Avec Jean-Damien Barbin, Rosa Bursztein, Julien Campani, Pedro Casablanc, Christine Citti, Manon Combes, Dimitri Radochevitch, Laurent Stocker, et Jacques Weber, dans une mise en scène de Peter Stein

J’avoue que j’ai failli écrire Perfection et m’arrêter là. Car lorsqu’elle est atteinte, n’est-ce pas inutile d’essayer de la décrire ? Mais c’est mon modeste devoir, et c’est pourquoi j’essaierai, humblement, de mettre des mots sur ce que j’ai pu voir ce soir.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu de Labiche. J’avais presque oublié quel auteur de génie il était. Une plume sans défaut : il faut dire que le Prix Martin fait partie de ses dernières pièces. Il s’écarte un peu du vaudeville, tendant vers quelque chose de plus sérieux, de plus proche de la réalité : il nous donne à voir une certaine image de la vie. Il met en scène Agénor Montgommier et Ferdinand Martin, deux amis de longue date, habitués à jouer au bésigue, qui voient leur quotidien chamboulé lorsque Ferdinand apprend que sa femme le trompe avec Agénor. S’ensuivent de nombreuses péripéties, qui pourraient sembler burlesques et qui, pourtant, sont d’une crédibilité étonnante.

Il y a tout d’abord Peter Stein. Ce metteur en scène, pour qui le respect de la pièce et de l’auteur est primordial, porte la pièce à son paroxysme. Je pense que son secret réside dans la simplicité : la pièce parle d’elle-même, rien n’est ajouté, rien n’est en trop, rien ne « cherche à faire tel effet ». Tout est justifié. Le rythme est parfait : ni trop rapide, ni trop lent, tout est dosé à merveille. Le décor choisi ? Un canapé, une table, des chaises : un intérieur bourge simple. En fond, quelques lieux connus de Paris, puis un paysage de Suisse, simple. Tout ce qui aurait pu être exagéré : l’accent du cousin d’Amérique, les caractères des deux amis, l’enthousiasme des femmes, … tout cela reste sobre, et cette sobriété est une perfection. Peter Stein a également vu juste en choisissant, pour jouer les vieux amis, deux acteurs qu’une bonne vingtaine de centimètres sépare : sans chercher le rire par des gestes ou des mimiques, rien que de les voir côte à côte, cela suffit.

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Et puis, on se retrouve avec de Grands acteurs devant nous. Laurent Stocker, par exemple, qui lorsqu’il entre pour la première fois, semble être un autre : le maquillage qui le vieillit y est pour quelque chose, bien sûr, mais quelque chose a réellement changé sur son visage : il s’est littéralement transformé, tirant sa bouche, les yeux fatigués, le déplacement bien plus lent et contrastant avec sa vigueur habituelle. Et lorsqu’il doit jouer un malade … je ne saurais décrire la précision et la perfection de son jeu, et je me contenterai de dire qu’il est sans faute. Et il forme avec Jacques Weber un duo remarquable : je ne pense pas, sincèrement, qu’il puisse y avoir meilleur duo pour jouer cette pièce. Weber, malgré sa puissance évidente, est plus qu’à l’aise dans tous les registres, jouant la tristesse sans tomber dans le pathos, rendant tous les éléments de la pièce évidents : l’habitude, le sexe, l’amitié, le sens de l’honneur, mais pas la jalousie, la tristesse, la culpabilité … Autour de ce duo brillant, les autres acteurs ne font pas pâle figure, bien au contraire ! Jean-Damien Barbin, frère de lait de Ferdinand, à la voix si puissante, si claire, et si précise, contrastant avec le duo précédent, génial dans son habit trop grand pour lui, contribue à la perfection de la pièce. Le couple de jeunes mariés, Julien Campani et Rosa Bursztein, liés par une complicité évidente, ont totalement saisi et incarnent à merveille leurs personnages. Manon Combes, en Suissesse venue compléter les couples, défend avec ardeur les clichés sur les Suisses. Pedro Casablanc, cousin venu droit des Amériques, donne à voir une performance rare : dans ce genre de rôle où tout est souvent accentué, il ne fait pourtant rien de trop : sans accent, juste grâce à une voix forte et un poncho, il semble le meilleur « étranger » que j’ai jamais vu. La sobriété fait parfois des merveilles !

Mais, oh ! Je suis indignée de ces spectateurs si … insupportables. Derrière moi comme à ma gauche, deux personnes comme devant leur télé. Derrière moi, un homme qui se croyait capable de finir les phrases de Labiche : mais non, monsieur, tout comme dans Doit-on le dire ? où certains avaient été pris au piège de : « et je voudrais vous dire adieu, dans une rencontre suprême … ou nous pleurerions … «  en complétant par « tous les deux » et non « tant et mieux », là, vous vous rendez compte de la subtilité de Labiche, que vous ne possédez absolument pas : en effet, compléter « Il m’a fait … » par « cocu » et non « une raie dans le dos ! » montre que vous n’avez rien compris. Quant à ma chère voisine de droite, qui se croyait devant sa télé avec ses « Oh lalaa ! » et ses « Tu as vu ??? » … Enfin. Il faut de tout pour faire un monde.

Avec une mise en scène digne d'(Ein)Stein, des acteurs plus qu’excellents, une troupe jouant réellement ensemble, et une pièce sans faille, c’est une soirée parfaite assurée ! ♥ ♥ ♥

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