Autour de la Folie, Lucernaire

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Critique d’Autour de la Folie créé par Arnaud Denis, vu 3 fois, au théâtre du Lucernaire
Arnaud Denis seul en scène, mise en scène d’Arnaud Denis et Jonathan Max-Bernard 

Qu’est-ce que la folie ? La question pourrait nous entrainer très loin … Arnaud Denis, partant des définitions de Oliver Wendell Holmes « On appelle fous ceux qui ne sont pas fous de la folie commune », et « La folie est souvent la logique d’un esprit juste que l’on opprime », nous présente différents textes, écrits par différents auteurs, plus ou moins connus, dont le thème est, bien évidemment, la folie. Mais les textes se suivent et ne se ressemblent pas ; et voilà comment Arnaud Denis excelle : il passe de la folie dangereuse, comme l’est celle de « Mémoire d’un fou » de Flaubert, à une folie plus douce, telle celle de Karl Valentin, avec, semble-t-il, une plus grande facilité que le spectateur, qui lui est cloué à son siège, étonné, effrayé, impuissant. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ; les passages d’un texte à l’autre ne sont pas non plus brutaux : l’enchaînement se fait à l’aide d’un noir, qui crée une sensation de vide autour de soi, qui entraîne le spectateur dans la peur, dans le trouble, dans la folie. De plus, la mise en scène (Arnaud Denis est assisté de Jonathan Max-Bernard) participe aussi à la dégradation des sens du spectateur ; ce dernier perd, par exemple, sa notion de l’espace, grâce à la taille des chaises, décor principal, qui diminue au fil du spectacle. C’est là un élément de scénographie simple, mais efficace. A plusieurs reprises, un autre objet vient compléter les chaises ; il prononce Flaubert enchaîné, en homme non-libre … et un Lautréamont crucifié, immobile. 
Peut-être reconnaissez-vous l’affiche … ou du moins, l’inspiration, de l’affiche. Cela vient – me semble-t-il – de l’autoportrait de Gustave Courbet ; « désespéré » … peinture assez mystérieuse d’ailleurs.
Je sors à peine du spectacle, à l’heure où j’écris cette critique. Je suis encore sous le choc. C’est saisissant. Le public est tendu. Les noirs paniquent et étouffent. La sensation de la folie, en face de nous, se fait de plus en plus réelle. Le talent du comédien y est évidemment pour beaucoup : il devient fou, sous nos yeux. Ses gestes – des tremblements, des tocs, ses  bruits – parfois étranges, entre le cri et le rire, son visage – exprimant tantôt la crainte, tantôt la rage, tantôt l’incompréhension qui l’amènent bien vite à la folie … tout est fait pour que le spectateur s’inquiète, se sente mal à l’aise, car inhabitué à la présence d’un fou, si proche … C’est également un spectacle où il crie beaucoup. Mais pas des cris inutiles, pas des cris « jesaispasquoifaired’autrealorsjecris », ce sont de vrais cris, authentiques, paniqués … Sa voix n’est d’ailleurs pas cassée … c’est un grand travail que d’arriver à crier sans se blesser sa voix … mais, comme aucun obstacle ne semble lui résister, il y arrive, car cela fait plus de 2 semaines qu’il joue et rien ne laisse à penser qu’il crie tant, tous les soirs …

Ce qui m’a fait le plus d’effet, ce sont les textes durs, violents, plus que ceux, par exemple, de Karl Valentin (bien que j’aie été heureuse de les découvrir !). J’ai oublié de citer les différents auteurs des textes : Maupassant, Flaubert, Shakespeare, Michaux, Karl Valentin, Lautréamont, et Francis Blanche. Car oui, Arnaud Denis clôt son spectacle  sur une chanson, « Ça tourne pas rond ». Chanson qui peut apparaître effrayante à cause de sa gestuelle … Mais il manque un texte, même lorsque je cite tous ces auteurs. Il s’agit de celui qui nous lance dans la folie, le premier que l’on entend … un témoignage d’un schizophrène, en anglais – moi qui suis très loin d’être bilingue, j’ai tout compris, rassurez-vous. J’ai beaucoup aimé celui-ci, effrayant également, par le texte et les expressions de l’acteur … C’est son entrée en scène, peut-être donc l’un des passages les plus importants, et il ne la rate pas : on en vient à se demander si c’est réellement Arnaud Denis devant nous, on a du mal à le reconnaître, dans sa tenue blanche, ses cheveux très courts, et ses étranges réactions.
On n’en sort donc pas indemne, et certains textes laissent beaucoup à réfléchir (et tout particulièrement le texte de Maupassant « Lettre d’un fou » , que j’ai trouvé extrêmement riche et intelligent … peut-être le texte qui m’a le plus troublée …). Vous pouvez trouver un extrait de la pièce ici, ainsi que plusieurs interviews sur les sites de france inter (émission « Fol été ») et france culture (émission « Déjeuner sur l’herbe »). Je vous incite fortement à aller la voir (billetreduc offre des tarifs intéressants) … elle redonne confiance en les « seul en scène autour d’un thème (très) compliqué et (très)     riche », qui n’est pas un genre facile, mais stupéfiant lorsque bien joué, avec des textes bien choisis et une mise en scène intelligente.
Et [je ne peux m’en empêcher] …  vous passerez une soirée de folie. Réelle.

A voir impérativement.

Arnaud Denis Autour de la folie Laurencine Lot 1-thumb-500x

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