Critique de Peer Gynt, d’Ibsen, vu le 14 juin 2012 au Grand Palais
Avec Catherine Salviat, Catherine Samie, Claude Mathieu, Michel Favory, Éric Génovèse, Florence Viala, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Gilles David, Suliane Brahim, Nâzim Bouudjenah, Jérémy Lopez, Adeline d’Hermy, Romain Dutheil, Cécile Morelle, Émilie Prevosteau, Samuel Rogger, Julien Romelard, Floriane Bonnani, Hervé Legeay, Vincent Leterme, Françoise Rivalland, dans une mise en scène d’Éric Ruf
Les premières impressions sont bonnes … Les impressions au premier entracte sont excellentes … Les impressions au deuxième entracte sont magiques … Les applaudissements finaux se font debout, criant « BRAVO ! », acclamant Eric Ruf et toute la troupe réunie sur scène pour cette dernière, défilant sur cette scène si peu commune et saluant le public à la manière d’une troupe de cirque.
Éric Ruf, par ce spectacle, nous montre l’étendu des talents de la Comédie-Française. On assiste presque à du théâtre total. Tout est travaillé : les lumières déterminent les différentes ambiances, tantôt sombres et inquiétantes, tantôt plus lumineuses et presque magiques. Elles montrent le monde de rêve de cette histoire, un monde presque imaginaire parfois. Les décors sont merveilleusement bien pensés : la scène est en longueur telle une scène de défilé de mode, et les spectateurs sont disposés de chaque côté : cela permet, en quelque sorte, de représenter le chemin que parcourt Peer Gynt, notre héros : sa vie défile sous nos yeux. Les costumes (signés Christian Lacroix, assis juste derrière moi durant la représentation) sont absolument dingues, tant les trolls et leurs visages déformés, que la robe que porte Serge Bagdassarian lors d’une des dernières scènes. Tout est là pour nous éblouir, et c’est vraiment réussi.
Bien sûr, il faut en venir à la pièce, rapidement. Peut-on vraiment apprécier une pièce qu’on ne comprend pas entièrement ? Eh bien oui, avec une certaine ouverture d’esprit. Ici, il est clair que beaucoup de détails m’ont échappé. Peer Gynt, c’est tout d’abord un jeune homme, racontant de nombreux mensonges, et s’enfuyant dans la forêt après avoir déshonoré une jeune mariée. Il y rencontre alors le roi de Troll, après avoir séduit sa fille. Acceptant le rituel pour devenir Troll à son tour, il finit cependant par changer d’avis et retourne chez sa mère, en Norvège. Cette dernière est à la fin de sa vie, ce qui marque la fin de la première partie. On retrouve alors Peer Gynt, vingt ans plus tard, en Afrique : il est devenu marchand d’esclaves. Cette partie du spectacle est complètement folle et fantasque, puisque Peer se retrouve entouré de jeunes sortis de l’asile, tous plus étranges les uns que les autres. Enfin, pour la troisième partie, on retrouve un Peer bien plus vieux, marqué par les années, tentant de revenir à son pays natal par la mer. Pris dans une tempête, il rencontra un étrange personnage, ressemblant étrangement à la Mort.
Et encore, c’est résumé. Cela peut paraître étouffant, mais à voir, ça passe très bien ! Surtout lorsqu’on additionne les talents de metteur en scène d’Eric Ruf avec les talents des différents acteurs de la Comédie-Française … Dont un bon nombre était présent.
Tout d’abord, il faut saluer le merveilleux jeu d’Hervé Pierre. Présent sur la plateau pendant plus de 4 heures, il livre sous nos yeux une performance remarquable. Premièrement jeune homme, il se transforme dans la deuxième partie pour devenir un homme mur, et enfin se présente comme un vieil homme durant la troisième partie. Si la différence est peu perceptible entre la première et la seconde partie, on retrouve en revanche lors de la dernière un homme changé, comme un autre acteur. Il faut se concentrer pour y déceler les traits d’Hervé Pierre. Il est transformé, littéralement. Son timbre de voix a changé, son port de tête a changé, sa manière de marcher a changé : tout est différent, tout est travaillé, tout est parfait. De plus, tout au long du spectacle, il n’arrête pas. Il court, il saute, il crie, il porte d’autres acteurs, il se dandine, il chante … Sans marquer un seul signe de faiblesse. Rappelons quand même que cet acteur a presque 60 ans ! Et pourtant il continue de jouer comme s’il en avait 30 de moins ! C’est éblouissant. Il faut le voir pour le croire .. Et malheureusement, j’ai assisté à la dernière de cet exploit.
Mais Hervé Pierre n’est pas le seul à briller. Tous les citer serait trop long, alors je ne passerai que rapidement sur les acteurs qui m’ont le plus marquée. Serge Bagdassarian, bien sûr, qui a fait rire aux éclats Eric Ruf placé derrière moi. Il a un véritable talent comique, surtout lorsqu’il joue le roi des Trolls, personnage aux nombreux tics et aux manières assez spéciales, peut-être caricaturales, mais souvent à mourir de rire. Le passage où il chante (il a une voix magnifique) tout en mendiant est tout aussi excellent ! Suliane Brahim, avec qui j’ai toujours un peu de mal, fait ici aussi une grande performance. Touchante, sincère, et même si elle frole la tendance à « faire du Suliane Brahim », elle nous présente une Solvejg attachante, émotive, intelligente mais timide et craintive. On retient également la grande Catherine Samie, jouant la mère de Peer, qui nous livre durant la première partie l’étendue de son talent, tirant nos larmes lors de sa mort.
Je sais qu’on pourrait me dire « C’est un peu court, jeune fille ! » : c’est vrai qu’un petit article paraît bien faible pour résumer 4h d’un spectacle si abondant. Mais j’ai l’impression que l’essentiel est dit, il ne me reste qu’à ajouter un mot.
Formidable. ♥ ♥ ♥
[…] spécial. Je n’avais testé les spectacles à longue durée qu’une fois, avec Peer Gynt, et j’en gardais un excellent souvenir. Alors, avec une telle distribution et un metteur en […]
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