Critique d’Une Histoire de la Comédie-Française de Christophe Barbier, vu le 16 juin 2012 au Théâtre Éphémère.
Avec Bruno Raffaelli, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Pierre Niney, et Elliot Jenicot, dans une mise en scène de Muriel Mayette
Dis comme ça, c’est sûr que ça ne fait pas forcément envie … Cela peut paraître trop « scolaire », on n’a pas souvent envie de se rendre au théâtre pour y apprendre l’histoire de la Comédie-Française, me direz-vous … Et puis, les mises en scène de Muriel Mayette, on les connaît (Andromaque, Bérénice …). Mais non, point du tout. On en apprend, certes, mais ce n’est pas du bourrage de crâne, c’est fait tout en légèreté et en humour !
On trouve tout d’abord Bruno Raffaelli, représentant le XVIIe siècle, qui, pour le coup, est peut-être le plus proche du genre « apprentissage ». Bien sûr, c’est Molière qui domine cette partie. Mais je n’ai pas tout compris : qui parle ? à qui ? et les choix de mise en scène sont peut-être discutables. De plus, Bruno Raffaelli, pourtant excellent acteur, ne semble pas enthousiaste pour ce rôle. Il ne donne pas tout, cela se sent. Un manque de rythme, peut-être. Enfin il est clair que le spectacle ne s’annonçait pas génialissime … Et pourtant.
C’est ensuite Loïc Corbery qui entre en scène. Le XVIIIe siècle est très riche en grands hommes. Il les enchaîne tous les uns après les autres, créant différents personnages, différentes voix, différentes manies. Malheureusement, il semble tirer la couverture à lui : d’accord, il est seul en scène, mais il n’empêche qu’il en fait trop, par moments. Il saute beaucoup, il bouge beaucoup. Mais il fait ainsi de sa partie quelque chose de très intéressant, qui se laisse très bien écouter … Et qui m’en a appris beaucoup ! Sur Voltaire, sur Diderot, sur leurs relations … Il se démarque en tous les cas de son prédecesseur, et met le public dans une meilleure position d’écoute !
C’est ensuite une femme qui entre sur scène. Elsa Lepoivre nous présente le XIXe siècle. Que d’immenses actrices ont marqué le siècle de Victor Hugo ! Elle excelle en parvenant aisément à différencier Rachel, Mademoiselle Mars, Sarah Bernhardt, et Mademoiselle Georges : par exemple, elle nous présente 4 versions de Phèdre qui se démarquent les unes de autres, malgré le fait que ce soit toujours le même passage présenté : j’ai su en apprécier l’une d’entre elles (j’avoue avoir oublié laquelle), mais les autres me paraissaient en faire « trop », et je ne doute pas de l’exactitude de ses imitations : ces actrices ont peut-être eu tendance à en faire trop … Même si leur talent était indiscutable.
Nous nous rapprochons peu à peu de notre époque. Nous voici au XXe siècle. Il paraît que la Comédie-Française a tout raté à cette époque là. Celui qui ne rate rien, en revanche, c’est le jeune acteur qui nous présente ce siècle là. Pierre Niney, un nom à retenir. Lui ne semble pas, à l’opposé de Corbery, se mettre en valeur, mais il brille simplement. Il excelle notamment dans sa gestuelle, et tout particulièrement lors d’une scène se passant à Avignon, et où il est victime du mistral … C’est à mourir de rire ! Il passe aussi par la 2nde Guerre Mondiale : La Comédie-Française sous l’occupation, ça avait vraiment l’air sympa … Il continue ses critiques de la Comédie-Française, en mentionnant le fait qu’elle a manqué Ionesco, Beckett, Vauthier, Audiberti … Et que tous les autres théâtres ont compris, avant elle, qu’ils n’étaient pas seulement des noms …
C’est assez délicat de créer un siècle qui n’a pas encore eu lieu … Pourtant, Christophe Barbier l’a fait … En s’appuyant sur quelques clichés, c’est vrai. La Comédie-Française serait rachetée par TF1 … Un peu trop gros peut-être. Mais bon. C’est Elliot Jenicot qui nous présente la dernière partie de ce spectacle … et merveilleusement bien ! Il a une formation de clown, et ça se sent (enfin, ça se voit) : sa gestuelle, ses mimiques, ses bruits de bouche, extrêmement précis et travaillés, sont hilarants ! Il occupe aisément toute la scène, se déplace beaucoup, et ne semble pas montrer signe de faiblesse. Il clot en beauté cet excellent spectacle !
C’est donc une très belle histoire que nous dévoile la Comédie-Française. Le lieu change, mais on trouve des éléments du passé, et cela est très bien rendu dans le spectacle : en effet, chaque personnage a avec lui son chat : à la base, l’animal est un clin d’oeil au « petit chat est mort » de l’École des Femmes, puis on comprend qu’il est en fait le symbole de la continuité de la Comédie-Française, de manière à montrer qu’elle est toujours aussi brillante et inventive qu’à son premier jour, et que parallèlement, un certain bagage est transféré des anciens au plus jeunes. Voilà pourquoi chaque personnage a son chat, et joue, différemment, avec la peluche.
Si il est repris pour quelques dates l’an prochain, n’hésitez-pas, c’est génial ! ♥ ♥ ♥