Critique de Nos plus belles chansons de Philippe Meyer, vu 2 fois, au Théâtre Éphémère
Avec Michel Favory, Cécile Brune, Sylvia Bergé, Laurent Natrella, Julie Sicard, Loïc Corbery, Léonie Simaga, et Clément Hervieu-Léger, dans une mise en scène de Philippe Meyer
Faire chanter les comédiens du Français, en voilà une merveilleuse idée ! Surtout que beaucoup sont dotés d’une voix plus qu’agréable ! C’est Philippe Meyer, journaliste que l’on peut entendre à la radio les samedis dans son émission « La prochaine fois je vous le chanterai » qui est à l’origine de cette idée.
Le plateau est presque vide. Des chaises pour les excellents musiciens, un micro central, une guirlande façon cabaret et une lumière travaillée, tout est en place pour attendre nos acteurs. Les comédiens ont préparé 37 chansons, et varient ce qu’ils présentent suivant les jours, en choisissant dans cette liste. Pour faire simple, et même si j’ai utilisé cette même technique pour mon précédent article, je vais critiquer chaque comédien séparément.
Le premier à entrer en scène, lors de la première, a été Michel Favory. Un Favory peu assuré comme on le connaissant dans Le Malade Imaginaire. Un Favory victime de trous de mémoire dans cette touchante chanson qu’est le Moucheur de Chandelles. Un Favory qui, semble-t-il, n’a pas assez travaillé son texte, et ne comptait que sur sa (magnifique, il est vrai) voix. Malheureusement, ça ne suffit pas, et lorsqu’il revient pour sa deuxième chanson, Totor t’as tort, il bafouille, il tremble beaucoup, il se reprend, il laisse des blancs, tout en nous faisant de grands sourires. De temps à autres, il jette des coups d’oeil à droite : oui, c’est bien son texte qu’il tient dans la main. Pour sa troisième apparition, dans La Branche, c’est le premier vers qu’il modifie, ce qui le destabilise sûrement pour le reste de la chanson. Il la reprendra plus tard, lors d’un rappel du public, et la chantera bien mieux, encouragé de ses camarades. Malgré tout, cela reste vraiment dommage, car sa voix profonde et grave peut faire des merveilles, lorsqu’il est sûr de lui … Après avoir revu la pièce, c’est un Michel Favory plus assuré qui monte en scène … Peut-être simplement le trac d’une première ; malheureusement nous n’en connaîtrons jamais les véritables causes : cela fait partie des mystères du théâtre !
C’est avec une immense joie que j’ai écouté Cécile Brune, ce soir. Cette actrice, à la voix si caractéristique, vit sa chanson, transmet aisément ses émotions, et a un talent comique évident. C’est lors de ses deux premières chansons, Les progrès d’une garce et L’enterrement de belle-maman, que c’est le plus visible. Alors, la salle rit aux éclats, tout en écoutant cette voix, rauque et puissante mais pourtant douce comme une caresse. Elle excelle également dans les chansons plus tragiques, aux paroles peut-être plus profondes, à la mélodie plus noire. Quand elle chante Les cimetières militaires, la salle écoute sans oser remuer un sourcil. Cette voix seule remplit toute la salle d’émotion. Et peut-être de larmes. Une actrice complète, puisqu’elle réussit dans tous les genres.
Comment ne pas mentionner la voix si particulière de Clément Hervieu-Léger ? Il possède un timbre extrêmement aigu pour un homme, ce qui fait sa singularité. De plus, il n’est pas inutile de le mentionner, il chante extrêmement bien, et lors de son interprétation de Merde à Vauban, m’a tiré les larmes. Pourtant, je la connais bien cette chanson, puisqu’elle est dans le premier CD de l’émission. Elle me touche habituellement, mais pas jusqu’à en pleurer. Mais à croire que le direct augmente les sensations, j’étais réellement émue. Et ce à chacune de ses apparitions. Même lors de chansons plus joyeuses et drôles, telle que Le tango stupéfiant, il est absolument remarquable ! J’aime énormément sa voix et ses intonations, ses appuis marqués sur certaines voyelles, cette voix « ouverte » est ensorcelante. Merveilleuse.
En voilà une actrice qui commençait à me manquer : Léonie Simaga. Cela faisait un bon moment que je n’avais pas eu cette comédienne à l’immense talent devant mes yeux. Je l’avais entendue à la radio, dans l’émission, chanter Les p’tits enfants d’verre, et j’avais alors reconnu qu’en plus de l’art de jouer, elle possédait l’art de chanter. Ce n’était rien à côté de l’entendre et la voir chanter devant soi. Elle semble possédée par la chanson, très émue parfois, mais à aucun moment sa voix ne tremble. Le public, lorsqu’elle entonne cette même chanson, reste sans voix (évidemment, me direz-vous) mais surtout suspendu à ses lèvres. Passionné. Envouté. Sa voix, grâcieuse, légère, mais toujours surprenante, nous emmène loin, très loin. Lorsqu’elle revient pour Tant pis pour la rime, chanson moins émouvante, elle semble prendre un réel plaisir et s’amuser sur scène : elle joue avec ses mots et avec le public, qui rit avec elle. Merci pour ce moment inoubliable.
Tout comme lors de mon précédent article, j’ai encore du mal avec Loïc Corbery. Lorsqu’il est entré sur scène ce soir-là, il était déjà trop cabotin. Il se met en valeur dès qu’il le peut … D’accord, ça lui réussit. Mais c’est génant. Il pourrait se faire un peu plus petit … M’enfin. Puisqu’ici c’est sa voix qui compte, commentons la ! De tous les acteurs présents sur scène, il est sans doute celui qui a le moins de voix. Qu’importe, il compense en jouant sans cesse lors de ses chansons ! Par exemple, lorsqu’il entamme Tout est au duc, il faut avouer qu’il la joue extrêmement bien, qu’il est plein d’entrain, et que cela plaît beaucoup au public … Et ose se reprendre lorsque le trou arrive : il demande au pianiste de revenir au début de la chanson, sans gène. Bravo ! Il a d’ailleurs fait un duo avec Julie Sicard : On s’ra jamais vieux. Moment émouvant, duo réussi, belles voix : que dire de plus ?
Julie Sicard m’étonne toujours … Ce petit bout de femme a donc une telle voix ? Une voix si puissante et si riche en émotions ? Oui. Quand elle chante Si tu me payes un verre, elle ne se ressemble plus. Elle n’est plus cette petite femme pimpante et enthousiaste, elle a changé et semble réellement en attente de ce fameux verre. Mais lorsqu’elle revient pour entonner La gérontophile, je la reconnais mieux. Rieuse, jouant de tout, chantant avec un rythme parfait, mimant dès qu’elle le peut … Le public n’en attendait pas moins, et, pour moi qui ne connaissait pas la chanson, je riais aux larmes (oui, j’ai beaucoup pleuré ce soir là !).
Ah ! Laurent Natrella et sa voix (et ses cheveux) magnifiques ! On l’entendait déjà beaucoup dans les CDs de Philippe Meyer ! Ici, en quelques apparitions, il séduit le public. Il alterne des chansons comiques, comme Ne me dis pas, dans laquelle il semble réellement s’énerver, puis déclame à merveille le « coup de théâtre » de cette chanson, et des chansons parlant d’amour, au ton plus doux, et sa voix suit très bien cette tonalité … J’ai beaucoup aimé son interprétation de L’Amour en 19 ponts, par exemple. Et je regrette de ne pas le voir plus souvent sur la scène du Français, c’est un excellent acteur !
Il ne reste plus qu’une actrice … Une actrice au grand talent, la fille d’un grand monsieur Arsène Lupin … Oui, Sylvia Bergé, c’est elle. Cette grande blonde que je ne connais que très peu brille également dans ce spectacle. Voix douce, comme une berceuse. Voix tendre et chaleureuse. Elle interprète avec beaucoup d’émotion, et tout particulièrement lors de Bilou. Émotion qui gagne bien vite le public … et même si je l’avais déjà entendue à la radio, ça m’a fait encore plus d’effet de la voir chanter, devant moi. Une voix splendide également, bravo.
Soirée magnifique. Les comédiens chantent également ensemble à plusieurs reprises, et cela donne très bien : j’ai particulièrement apprécié Méli Mélo, où chaque comédien semble vouloir se démarquer, avec beaucoup d’humour, c’est excellent ! Courez-y ! ♥ ♥ ♥