Godot à l’infini

Critique de Fin de Partie, de Samuel Beckett, vue le 2 février au Théâtre de l’Atelier
Avec Denis Lavant, Frédéric Leidgens, Claudine Delvaux et Peter Bonke, mis en scène par Jacques Osinski

J’avais évidemment entendu parler de cette Fin de partie lors du Festival d’Avignon OFF 2022, mais je me doutais bien qu’elle allait venir à Paris. Et même alors, il m’a fallu beaucoup beaucoup d’échos positifs pour me décider enfin à y aller. C’est difficile de passer après un spectacle qui vous a marqué. Fin de partie, c’est le premier Beckett que j’ai vu sur scène, c’est aussi ma première rencontre avec Alain Françon, et enfin c’est la première critique dont mon grand-père m’a dit qu’elle était particulièrement fine et poussée. Bref, il fallait vraiment un grand spectacle pour pouvoir passer au-dessus de ce souvenir. Bingo.

« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. » Cette phrase qui ouvre la pièce est peut-être son meilleur résumé. J’aurais du mal à en dire beaucoup plus. On découvre Hamm et Clov dans un intérieur sombre et légèrement inquiétant, qui apparemment donne sur la mer. On n’en saura pas vraiment davantage. Hamm est aveugle et paraplégique, Clov est son serviteur. Les deux personnages semblent complètement interdépendants. Et ils jouent ce nouveau jour de leur vie devant nous.

C’est là que je me rends compte comme la langue de Beckett m’avait manqué. Et comme la mise en scène de Jacques Osinski lui fait honneur. C’est un texte qui semble appeler ce genre de mise en scène qui joue le texte sans jamais en augmenter la moindre virgule. Qui joue la situation autant que l’absence de situation. Qui joue les mots autant que les silences. Et même les sons. La première scène en est une démonstration magistrale. Rien n’est dit, et pourtant les variations de sons produites semblent poser une ambiance à elles seules. Les didascalies de Beckett, si importantes dans Fin de Partie, sont là. On les entend, on les voit, on les sent jusque dans nos orteils. Et nous voilà partis pour un voyage hors du commun.

Et c’est là que, malgré tout, je me rends compte que j’étais peut-être un peu jeune lorsque j’ai rencontré cette pièce pour la première fois. Je n’avais pas perçu, comme ici, la présence aussi intense de la fin du monde. On a parfois l’impression d’être dans Black Mirror. Jacques Osinski n’arrête rien, ne propose pas davantage. Il avance le long d’un couloir et ouvre des portes sans jamais les franchir. Ce pourrait être la dernière conversation entre Clov et Hamm, ou ce pourrait être un même scénario qui se répète. On pourrait être dans un bateau à la dérive ou dans une maison après une attaque nucléaire. Ce pourrait être l’antichambre de la mort, ou le premier jour du reste de leur vie. Ce qui semble l’intéresser particulièrement, c’est le lien qui existe entre ses personnages. S’ils sont encore là, c’est parce qu’ils existent par les autres avec qui ils interagissent.

Et quels autres ! On pourrait enchaîner les poncifs, dire d’eux qu’ils sont complémentaires (c’est vrai), infiniment précis (c’est vrai), complètement fascinants (c’est toujours vrai). On pourrait en écrire des choses sur la composition gestuelle de Denis Lavant, on pourrait probablement disserter rien que sur sa manière inénarrable de monter à l’échelle. C’est un plaisir de spectateur sans pareil. Mais ce qui marque particulièrement, cette chose indicible qui semble transcender le plateau, c’est à quel point chacun de leur geste ou de leur parole vient réhausser leur humanité, comme si l’arrêt du mouvement, ou celui du son, entraînerait l’effacement de ce qu’ils sont pour toujours. C’est extrêmement mal dit, mais il y a quelque chose de cette ordre-là. Une condition humaine à laquelle on s’accroche.

Jeu, set, et match, Jacques Osinski et ses formidables comédiens remportent tout. Bravo. ♥ ♥ ♥

Einstein et Chaplin atomisés

Critique de Albert et Charlie, d’Olivier Dutaillis, vu le 20 janvier 2023 au Théâtre Montparnasse
Avec Daniel Russo, Jean-Pierre Lorit, et Elisa Benizio, mis en scène par Christophe Lidon

Je le sais. Je le sais, qu’il ne faut pas que j’aille voir ce genre de spectacle, parce que après quelques années en tant que spectatrice, je pense arriver à cerner à peu près une pièce grâce à son affiche et son résumé, et, même si parfois il m’arrive de me tromper, je vise dans le mille quand même 90% du temps. Mais voilà, j’aime beaucoup Daniel Russo, j’aime beaucoup le Théâtre Montparnasse, alors je continue d’y croire. Mais je me soigne, je me soigne…

Albert et Charlie, comme son nom l’indique presque, c’est Albert Einstein et Charlie Chaplin. Vous connaissez peut-être la célèbre photo de leur rencontre lors de la première des Lumières de la ville en 1931, et la citation qui va avec (dont l’origine reste douteuse) : « Ce que j’admire le plus dans votre art, dit Albert Einstein c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant… le monde entier vous comprend. – C’est vrai, réplique Chaplin. Mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend. » On a du mal à croire qu’ils ont véritablement eu cet échange. Mais encore, je pourrais y croire. En revanche, l’échange inventé par Olivier Dutaillis, vraiment, c’est non.

Il faut se figurer trois personnages. Les deux premiers sont donc l’incarnation de nos génies… sans le génie. Et oui, c’est un simple mortel qui écrit l’échange, et ça se sent : les sujets sont amenés avec de grosses ficelles (« J’ai une idée de film en rapport avec l’actualité » – ou encore, au sujet de la bombe atomique : « Ça ne vous pose pas de problème, Albert ? »), les débats sont très binaires et très thématiques (Hitler, la bombe, le maccarthysme), parfois creux (on parle des chaussettes d’Einstein, si, si). Et pour égayer un peu tout ça, on ajoute un personnage féminin – dont l’existence, je dois le dire, m’a complètement déprimée : la gouvernante de Einstein, personnage au fort accent germanique, pendant supposé comique du spectacle (comprendre : lourd) qui le materne au possible et semble surtout dessiné pour interrompre des dialogues qui sinon risqueraient de s’enliser dans le rien.

Alors se pose la question : pourquoi monter cet échange ? C’est un mystère pour moi. On ne touche pas du bout de l’ongle la moindre once de génie de l’un ou de l’autre, mais même si on avait appelé ça « Conversation entre un scientifique et un artiste », au-delà de la virtuosité présumée de l’un ou de l’autre personnage, ça ne tient pas vraiment debout – et surtout ça manque cruellement d’intérêt. On est quelque part au milieu du néant. Et même les deux comédiens de talent qui incarnent nos personnages ne peuvent s’en sortir. D’ailleurs, le soir où on y était, on avait presque l’impression qu’eux non plus n’y croyaient pas.

Ça commence à être un running gag avec les créations du Théâtre Montparnasse. Espérons que la prochaine sera la bonne !

© Fabienne Rappeneau 

Un bon « Mois »

Critique d’Un mois à la campagne, de Tourgueniev, traduction de Michel Vinaver, vu au Théâtre de l’Athénée le 11 janvier 2023
Avec Louis Berthélémy, Clémence Boué, Jean-Noël Brouté, Stéphane Facco, Isabelle Gardien, Juliette Léger, Guillaume Ravoire, Mireille Roussel, Daniel San Pedro, et en alternance Nathan Goldsztejn / Lucas Ponton / Martin Verhoeven, mise en scène de Clément Hervieu-Léger

Par complice de MDT

Je n’avais au départ pas l’intention de voir cette production, Alain Françon ayant monté naguère cette pièce de façon inoubliable, avec Anouk Grinberg en Natalia. Ce qui a déclenché l’envie, c’est le nom d’Isabelle Gardien dans la distribution. Sociétaire de la Comédie-Française, elle avait été remerciée la même année que Catherine Hiegel, sans qu’on en parle. J’aimais beaucoup cette actrice du Français, en outre excellente chanteuse ; j’avais essayé de la retrouver sur scène mais apparemment elle ne jouait plus. Je suis reconnaissante à Clément Hervieu-Léger de lui donner l’occasion de remonter sur scène, et à moi de la revoir. Donc, en route pour l’Athénée.

Un mois à la campagne est écrit par Tourgueniev en 1850. Natalia (Clémence Boué) est la femme d’un riche propriétaire terrien, elle a un fils, Kolia, une pupille, Véra (Juliette Léger), et un chevalier servant, Rakitine (Stéphane Facco) qui lui fait souvent la lecture, et qu’elle malmène. Durant l’été, un nouveau précepteur, jeune homme venu de Moscou s’occupe de son fils. Natalia, qui s’ennuie, s’intéresse à ce jeune Alexeï (Louis Berthélémy), provoque les confidences de Véra qui est amoureuse de lui, et s’aperçoit qu’elle est jalouse. Rakitine se rend compte de tout cela, et va éviter un drame familial en s’effaçant et en poussant Alexeï à en faire autant. Véra aura grandi en un été, perdu toute confiance en Natalia, et épousera un vieux propriétaire terrien, poussée par le cynique médecin de la famille (Daniel San Pedro), qui y a intérêt. Le mari de Natalia (Guillaume Ravoire, un peu en dessous des autres au niveau du jeu) et sa belle-mère (Isabelle Gardien, dont on sent la joie de remonter sur un plateau) n’y auront vu que du feu.

Bref, en fin de compte, presque rien ne se passe, sinon le sacrifice volontaire de Rakitine, le départ d’Alexeï, et le triste mariage de raison de Véra. Mais on sera passé tout près d’une explosion de la famille, à cause des nerfs à vif de Natalia, qui prend soudainement conscience qu’elle n’a jamais aimé, et qu’elle n’est plus jeune, en s’attachant à un jeune homme qui, lui, n’a pas conscience de son pouvoir de séduction, surtout auprès d’une « grande dame ». C’est une très belle pièce, infiniment triste pour ce qu’elle dit de l’incompréhension entre les êtres, et même des êtres par eux-mêmes, et de vies manquées ou sacrifiées, et souvent très comique avec le contrepoint de personnages réalistes et terre à terre (le médecin, le mari), ou légèrement caricaturaux (la belle-mère, le vieux prétendant).

© Juliette Parisot

Les mises en scène de Clément Hervieu-Léger à la Comédie-Française ne m’avaient jamais convaincue, mais il signe ici un spectacle classique et très convaincant par sa direction d’acteurs. Tous les personnages sont bien dessinés, les dialogues font mouche et expriment bien la nature de leurs relations. Stéphane Facco est un remarquable Rakitine : d’une désinvolture de façade, il sait faire entendre l’affection profonde qu’il a pour Natalia, et la douleur de l’éloignement. Clémence Boué ne fait évidemment pas oublier Anouk Grinberg, Natalia nerveuse jusqu’au bout des ongles, fascinante et presque dangereuse, mais dans les scènes les plus dramatiques (avec Véra et Alexeï), elle laisse voir le désarroi d’un personnage qui perd pied. Daniel San Pedro est un excellent médecin – le rôle est en or. Après un démarrage un peu languissant, la pièce nous accroche car son fil dramatique est bien mis en relief, sans pour autant altérer les nuances des sentiments.

J’aurai des réserves sur la scénographie. Le décor est essentiellement une estrade à double niveau, dont je n’ai pas vu l’intérêt (son plancher craque et couvre parfois les voix). Si le dialogue est très bien dit et porté, les déplacements des personnages, sont contraints par ce dispositif : ils montent et descendent, ou tournent autour de cette estrade. Le fond de scène est noir tout au long de la pièce. Est-ce par manque de moyens ou pour figurer le néant, la mort qui attend tous ces êtres qui s’agitent ? En tout cas c’est un peu frustrant, et surtout cela ne permet pas d’évoquer « la campagne » du titre, lieu de travail pour certains, d’exaltation ou d’ennui pour d’autres, et facteur important de la pièce. D’ailleurs, comme souvent chez Clément Hervieu-Léger, il n’y a pas de création d’atmosphère, il n’y a que les personnages et le texte, et rien qui les enveloppe et les porte pour les transcender, pas non plus d’idées de mise en scène qui permettrait de donner une portée symbolique à ce drame. Sauf peut-être l’image finale…

Mais pour qui veut découvrir cette pièce magnifique et cruelle, cette production repose sur une lecture vraiment attentive du texte, et sur une bonne troupe. ♥ ♥

© Juliette Parisot

Que voir à Paris en 2023 ?

C’est à présent la tradition (et je la sais demandée et attendue), voici ma pré-sélection des spectacles à voir cette saison ! J’adore ce moment où tout ce que j’ai sélectionné me fait envie, où tous les spectacles sont encore plein de potentiel, et où mon enthousiasme ne présente encore aucune tache ! Je ne sais pas si j’arriverai à tout voir, l’agenda étant déjà bien chargé, mais cela donne des idées en tout genre : public, privé, classique, contemporain, il devrait en avoir pour tous les goûts ! Et je reste preneuse de vos retours, en commentaires ou sur les réseaux sociaux, des pièce que vous avez vues et que vous me conseillez !

THÉÂTRE DE LA HUCHETTE

J’ai vu quelques spectacles d’Emmanuel Besnault maintenant, et même si j’avais été un peu déçue par son Fantasio l’année dernière, j’attends cette nouvelle création avec beaucoup d’impatience, d’autant que j’ai découvert très récemment que Marion Préïté, une comédienne que j’ai découverte à l’Artistic Théâtre il y a quelques semaines à peine, serait de la partie. La Tempête en musique et avec seulement trois comédiens, sacré challenge !

La Tempête – A partir du 27 janvier

THÉÂTRE MONFORT

Chloé Oliveres, je la suis depuis un petit moment maintenant, et c’est d’ailleurs grâce à elle que j’ai découvert Les Filles de Simone, que je me suis mise à suivre également, parce que c’est très chouette ce qu’elles font. J’ai manqué leur création à L’Azimut à l’automne dernier, mais cette fois-ci la date est sanctuarisée pour arriver à les voir.

Derrière le hublot se cache parfois le linge – Du 10 au 21 janvier

THÉÂTRE MONTPARNASSE

Plusieurs émotions contradictoires en découvrant la prochaine création du Théâtre Montparnasse : la joie à l’idée de retrouver Daniel Russo sur scène, et quand même un petit sentiment de déjà vu avec encore un spectacle qui met en scène des personnages célèbres. Charlot, on l’a quand même vu il n’y a pas si longtemps sur la scène du Montparnasse…

Albert et Charlie – A partir du 18 janvier

Bon, là, il y a eu ce qu’on appelle un ascenseur émotionnel : j’adore Marc Citti, mais j’ai beaucoup de mal avec l’écriture d’Isabelle Le Nouvel. Et l’affiche est très moche. Je n’ai pas encore réussi à résoudre le conflit intérieur en moi. A suivre.

Une étoile – A partir du 9 février

THÉÂTRE DE LA SCALA

Olalala, mais qu’est-ce que je l’attends celle-là. Si vous suivez ce blog, vous savez peut-être que Alain Françon, pour moi, c’est le GOAT, c’est le plus grand, c’est tout ce que j’aime au théâtre, et le voir retrouver Beckett quand s’agite encore en moi l’immense souvenir de Fin de Partie il y a 11 ans déjà, c’est beaucoup beaucoup d’émotions. D’autant que je ne connais pas cette pièce, je ne l’ai ni lue ni vue, donc la découvrir dans la version du Maître s’annonce juste l’extase. Oui, oui, tout simplement.

En attendant Godot – Du 3 février au 8 avril

La jolie découverte de la semaine dernière, c’est que j’avais manqué ce joli cadeau dans la programmation de la Scala Paris. Dominique Valadié mise en scène par Alain Françon, c’est évidemment un must see. C’est rigolo comme se font les choses : je n’avais jamais entendu parler de ce monologue de Beckett jusqu’à il y a peu de temps, puis j’en ai vu deux versions très différentes de manière rapprochée ; et comme on dit, jamais deux sans trois…

Premier Amour – Du 22 mars au 19 avril

THÉÂTRE DE POCHE-MONTPARNASSE

J’essaie toujours de faire un tour au Poche Montparnasse à la reprise de saison, d’autant plus qu’ils reprennent souvent avant tout le monde ce qui permet d’éviter l’habituel casse-tête infini du planning. J’aime beaucoup Samuel Labarthe, et ça me suffit pour avoir envie de découvrir L’Usage du monde.

L’Usage du monde – A partir du 5 janvier

COMÉDIE-FRANÇAISE

J’ai découvert l’écriture de Büchner l’année dernière avec le Léonce et Léna mis en scène par Loïc Mobihan et même si c’était sans doute un peu trop romantique pour moi, l’envie de découvrir un nouveau texte est plus forte malgré tout. Et puis, voir une mise en scène de Simon Déletang hors Bussang, ça aussi, je dois dire que ça m’intrigue.

La Mort de Danton – Du 13 janvier au 4 juin

Au moment où j’écris ces lignes, je ne me souvenais plus pourquoi j’avais réservé La Dame de la mer. On prend les places en juin, et puis on oublie. En retournant sur la fiche du spectacle, je m’en suis souvenue : c’est une pièce d’Ibsen, j’adore Ibsen, et je ne sais pourquoi il est quand même rarement joué par chez nous. En plus, il y a Laurent Stocker. Que demander de plus ?

La Dame de la mer – Du 25 janvier au 12 mars

Je réserve systématiquement pour les Cabarets du Français. La chanson au théâtre, c’est mon péché mignon, et quand c’est fait par les Comédiens-Français en plus, c’est généralement très réussi. Et puis aussi, j’adore Souchon.

La ballade de Souchon – Du 26 janvier au 5 mars

THEATRE LIBRE

Alors j’avoue que je suis un peu circonspecte à l’idée de théâtraliser ces entretiens avec François Hollande… tellement circonspecte que lors de mes premières recherches sur la deuxième partie de saison, le spectacle avait échappé à mon radar ! Mais j’aime trop Thibaut de Montalembert pour laisser mes doutes prendre le dessus. Et c’est donc la curiosité qui l’emporte !

Un président ne devrait pas dire ça – A partir du 10 février

BOUFFES DU NORD

Podalydès à la mise en scène, accompagné d’une très belle distribution (Cécile Brune, Philippe Duclos, Mélodie Richard, Nada Strancar, entre autres), je n’ai pas cherché beaucoup plus loin pour ajouter ce spectacle à mon abonnement.

L’orage – Du 12 au 29 janvier

Samuel Achache, ça fait un petit moment que j’en entends parler, et son Sans tambour a fait beaucoup de bruit – en bien – lors du Festival d’Avignon cet été. Heureuse d’ajouter encore un spectacle musical à cette liste !

Sans tambour – Du 22 février au 5 mars

Alors la raison pour laquelle j’ai réservé pour Vertiges s’appelle Suzanne de Baecque. Découverte dans La Seconde Surprise de l’amour de Alain Françon la saison dernière, la comédienne m’a tapé dans l’oeil (sans aucune originalité : je pense qu’elle a tapé dans l’oeil d’à peu près tous les spectateurs). Bref, j’ai hâte de la retrouver sur scène.

Vertiges (2001 – 2021) – Du 23 mars au 8 avril

THEATRE DE L’ATELIER

Elle est vraiment très jolie, la programmation du Théâtre de l’Atelier pour cette deuxième partie de saison. Fin de Partie, c’est un peu sacré pour moi car c’est mon premier grand souvenir d’une mise en scène d’Alain Françon, mais je pense qu’on peut faire suffisamment confiance à Jacques Osinski pour créer un nouveau beau et grand souvenir rattaché à cette pièce.

Fin de Partie – A partir du 19 janvier

THEATRE DU ROND-POINT

J’ai beaucoup entendu parler de Thomas Poitevin, qui a explosé sur les réseaux sociaux pendant le confinement, et pourtant je n’ai toujours pas vraiment vu ce qu’il y produisait. J’aime beaucoup l’idée de voir transposé sur scène quelque chose qui a commencé sur les Instagram. Mais je reconnais que je n’ai pas grande idée de ce que je vais voir.

Thomas joue ses perruques – Du 2 au 18 février

THEATRE MARIGNY

J’ai dû voir Joyeuses Pâques à la télévision avec mes parents étant plus jeune, et j’en ai vaguement le souvenir d’un moment drôle. Je suis sûre que la version Briançon va me laisser un souvenir qui restera longtemps. Et je suis infiniment heureuse de voir un spectacle avec huit comédiens et comédiennes sur scène, sans tête d’affiche, dans un théâtre tel que le Marigny. Rien que pour ça, déjà, bravo !

Joyeuses Pâques ! – A partir du 9 février

THEATRE DE LODÉON

Je trouve toujours les mises en scène de Galin Stoev intéressantes. Même quand je n’aime pas, même quand on ne partage pas du tout la même vision de la pièce, c’est toujours fait avec intelligence et ça interroge des aspects de la pièce souvent peu mis en lumière. Alors j’ai hâte de voir où on se retrouve et où on ne se retrouve pas pour cet Oncle Vania.

Oncle Vania – Du 2 au 26 février

Je n’aime pas tout ce que fait Jean-François Sivadier, et je n’ai notamment pas la même passion que lui pour Nicolas Bouchaud (qui peut être un très bon Iago, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) mais j’adore Adama Diop (qui peut d’ailleurs être un très bon Othello). Et je rêve de voir un grand Othello. Je croise les doigts : peut-être que ce sera celui-là !

Othello – Du 18 mars au 22 avril

THÉÂTRE DU PETIT SAINT-MARTIN

J’ai une petite revanche à prendre sur ce spectacle, qui n’avait pas enregistré ma place lors de ma venue à Avignon et que j’ai donc raté puisqu’il affichait complet ! Plutôt de bon augure donc, même si j’avoue que le thème ne m’emballe pas particulièrement, j’ai une totale confiance en ces deux comédiens.

Oublie-moi – Du 27 janvier au 1er avril

THEATRE DES BÉLIERS

Vous avez sans doute déjà entendu parler des spectacles de Melodie Mourey, qui ont triomphé aux Béliers Parisiens. J’ai vu Les Crapauds fous il y a quelques années, et je dois dire que le sujet de Big Mother, en plus de m’attirer tout particulièrement, me semble correspondre à merveille à l’énergie de la metteuse en scène !

Big Mother – A partir du 7 février

THEATRE DES GEMEAUX

Je n’ai encore vu le travail de Thomas Ostermeier qu’à la Comédie-Française, où il ne m’a pas vraiment convaincue, mais j’ai tellement entendu parler de ce Richard III avec Lars Eidinger que j’ai sauté sur cette reprise dès qu’elle a été annoncée ! J’ai hâte.

Richard III – Du 12 au 22 janvier

THEATRE DES VARIÉTÉS

J’ai entendu parler du spectacle grâce aux réseaux de Grégori Baquet… car son fils joue dedans ! Grande fan du père, et peut-être un peu trop curieuse, j’ai très envie de découvrir ce que peut proposer le jeune Théophile Baquet… Et puis ça me permettra de retrouver le travail de Jean-Philippe Daguerre, que je sais de qualité, et que je n’ai pas vu depuis un petit moment !

La chambre des merveilles – A partir du 13 janvier

MAC CRÉTEIL

Après la légère déconvenue de son Tartuffe où les comédiens étaient en réalité encore des élèves-comédiens, j’ai très envie de retrouver le travail de Guillaume Séverac-Schmitz. Et puis, comme je verrai un autre Richard III en peu de temps, ça me permettra de comparer !

Richard III – Du 8 au 10 février

THEATRE HEBERTOT

J’ai des vues sur ce spectacle depuis 2020. Je ne connais pas la pièce de Cocteau qu’on m’a énormément vendue, et je dois dire que la distribution m’attire tout particulièrement. J’adore L’Hébertot, qui est rattaché à plein de jolis souvenirs théâtraux, et j’ai hâte de m’en forger un nouveau.

Les parents terribles – A partir du 22 février

THEATRE DE LA VILLETTE

Bon là c’est simple, il n’y a qu’à écrire que c’est Pommerat et c’est une raison nécessaire et suffisante.

Amours (2) – Du 12 au 29 avril

THEATRE MONTANSIER

J’ai beaucoup entendu parler d’Omar Porras, mais jamais pu assister à l’une de ses mises en scène. J’adore Les Fourberies de Scapin, j’en ai un certain nombre à mon actif, mais je gage que celles-ci entreront dans mon petit panthéon personnel ! Avec Laurent Natrella en Scapin, en plus, je me pâme d’avance !

Les Fourberies de Scapin – Du 25 au 28 janvier

THEATRE DE LA TEMPETE

Ca fait un moment qu’on me parle de Simon Falguières en me disant que ça doit être ma came, et je n’ai toujours rien vu de lui. Les retours étaient mitigés sur son marathon théâtral cet été à Avignon, mais j’aimerais quand même découvrir son travail. Je ne sais pas pourquoi, je m’imagine un peu quelque chose dans le style de Pommerat, alors que si ça se trouve, pas du tout.

Les Étoiles – Du 6 janvier au 5 février

Tout n’est que fraîcheur et beauté

Critique de Songe à la douceur d’après le roman de Clémentine Beauvais, vu le 21 décembre 2022 au Théâtre Paris-Villette
Avec Manika Auxire ou Lucie Brunet, Rachel Arditi, Elisa Erka ou Charlotte Avias, Valérian Béhar-Bonnet, Manuel Peskine, Benjamin Siksou, mis en scène par Justine Heynemann

On m’avait parlé de Songe à la douceur et de sa metteuse en scène Justine Heynemann il y a quelque temps déjà, probablement lorsqu’elle était en résidence au Théâtre 13. Comme souvent, l’agenda étant incompressible, je n’avais pu m’y rendre, mais c’était un titre qui m’était resté, je ne sais trop pourquoi. Me voilà donc quelques années plus tard rattrapant ce rendez-vous manqué ; après tout, une comédie musicale romantique, ça ne peut qu’être pour moi.

Songe à la douceur, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre d’été. Tatiana a 14 ans, Eugène 17, ils se parlent, lui pour faire passer le temps, elle parce qu’il devient peu à peu le centre de son monde. Mais ça s’arrête là. Et puis, dix ans après, par hasard, et parce qu’après tout sinon il n’y a pas de spectacle, ils se retrouvent. Et on aimerait que ce soit simple, facile, évident et beau, mais la vie, ce n’est pas toujours comme ça.

J’écris cet article plus d’un mois après avoir vu le spectacle : les vacances sont passées dessus, le début d’année est bien rempli, mais je tiens absolument à laisser une trace de mon ressenti ici. Parce que j’ai passé un moment si léger et agréable, si doux, en vérité, que je m’en voudrais de l’oublier. L’exercice d’écrire après un petit moment est différent : ce qu’il m’en reste, c’est surtout une atmosphère, une ambiance, comme un souvenir evanescent qui me donne encore les poils. C’est un bien beau moment qui se rappelle à moi.

Qu’il est bien choisi, le titre de ce roman (car oui, c’est une adaptation). Je sais qu’il est emprunté à Baudelaire, mais quand même, il est simple, clair, et en totale adéquation avec ce qui nous est proposé à voir, à vivre, à ressentir, et c’est suffisamment rare pour être souligné.

Bien choisi donc, parce que j’ai eu la sensation d’être totalement imprégnée de cette douceur, ce soir-là. C’est un spectacle qui se prend comme un bon roman d’été, et c’est presque comme si on sentait les rayons de soleil sur notre peau. C’est légèrement kitsch, comme on aime, juste ce qu’il faut, un peu fantaisiste, mais très premier degré à la fois. C’est un mélange de l’adolescence qu’on a vécue et celle qu’on a rêvée, une reconstitution si juste de ce que peut représenter un amour de jeunesse. On l’a connu, ce changement de référentiel où tout tourne autour de l’être aimé, adoré même peut-être, et on a l’impression de le connaître à nouveau, ce soir-là.

Justine Heynemann a su trouver l’équilibre parfait : c’est un spectacle léger et drôle, et malgré tout empreint de cette urgence de vivre des émotions fortes. C’est une caresse qui a de la poigne. On sent l’enthousiasme qui vient avec l’adolescence, l’hyperactivité neuronale propre à cet âge où tout est possible et son contraire aussi (et on se demande d’ailleurs si on a nous-même quitté tout à fait cette période…). C’est un spectacle plein de rêves, de conditionnel, d’espoir, infiniment touchant dans ce qu’il raconte de ce moment de la vie que l’on a tous vécu.

Un spectacle plein de charme et une metteuse en scène à suivre ! Bingo. ♥ ♥ ♥

Temps fort

Critique de Contre-temps, de Samuel Sené, vu le 16 décembre 2022 à l’Artistic Théâtre
Avec Marion Préïté, en alternance avec Cloé Horry, et Marion Rybaka accompagnées au piano par Raphaël Bancou

J’ai vu Comédiens ! il y a un mois, dans ce même théâtre, et j’avais passé une chouette soirée, si bien que quand on nous a proposé de réserver pour l’autre spectacle de la même équipe artistique – à moitié prix, puisqu’on en a déjà vu un ! – j’ai sauté sur l’occasion. Je ne savais pas grand chose sur le spectacle, si ce n’est qu’il racontait l’histoire d’un chef d’orchestre français : il s’agit donc de suivre le destin de François Courdot, petit prodige de l’opérette qui veut tenter sa chance à Broadway, et le tout en musique, s’il vous plaît !

J’aurais dû me douter, après avoir vu un premier spectacle de cette équipe, que le second allait tout autant m’entraîner là où je ne m’y attendais pas ! Quelle heureuse surprise ! Déjà, de base, je le reconnais, j’ai suis vraiment bon public pour ce genre de spectacles : moi, la musique, au théâtre, c’est vraiment mon point faible… quand c’est bien fait ! Et là, c’est vraiment bien fait. Je dirais même plus : c’est de mieux en mieux fait au fil du spectacle (promis, je ne divulgâcherai rien !) !

Au début, le destin du jeune homme prend une tournure qui semble donner le la au spectacle : on va parler d’opéra, d’opérette, et moi je dois dire que ça me va déjà très bien comme ça. J’avoue que l’inspiration Fauréenne des compositions du chef d’orchestre n’est pas ce qui m’enthousiasme le plus, mais on n’entend pas que sa musique donc je peux aussi y trouver mon compte. Mais en réalité, et de manière assez inattendue, notre personnage va en fait s’intéresser à des styles de musique très différents, et à l’opérette vont venir s’ajouter des morceaux de jazz ou encore de comédie musicale… pour mon plus grand bonheur !

Je n’ai pas vraiment senti le tournant du spectacle, le moment où on passe du petit récital (attendu, mais tout de même chouette) au véritable show. C’est théâtralement bien fichu et assez malin, et scéniquement, même si tout est très simple, les quelques idées de mise en scène fonctionnent vraiment bien ! On se fait complètement balader en tant que spectateurs et je crois qu’on adore ça. Il faut dire que sur scène, les deux comédiennes-chanteuses envoient vraiment : elles tiennent complètement l’ensemble des genres musicaux proposés, et elles ont un véritable swing ! On regretterait presque l’absence d’un piano acoustique et d’une sonorisation plus importante pour que le tout prenne encore une autre ampleur : ce spectacle est un vrai numéro à lui tout seul, ça mériterait d’être poussé encore davantage !

Un spectacle qui nous emporte ailleurs, et nous fait atterrir avec un grand sourire ! ♥ ♥ ♥

Un Escape Game dont on s’échappe trop facilement…

Critique de Inscape Game, de Eric Boucher, vu le 11 décembre au Studio Hébertot
Avec Yannick Blivet, Éric Boucher, Mathieu Hoarau et Michaël Msihid, mis en scène par Éric Boucher et Mathieu Hoarau

C’est d’abord le titre qui m’a donné envie de lire le résumé de ce spectacle. Mêler le monde des Escape Games à la scène me semblait être une bonne idée. Après tout, ce n’est qu’un huis clos 2.0, et j’ai toujours aimé les huis clos. Je partais donc avec un bon a priori. J’avoue que quand le spectacle a commencé avec 20 minutes de retard sans aucune annonce public, mes bonnes dispositions ont commencé doucement à s’étioler… pour finalement se désagréger totalement pendant le spectacle.

Quatre amis se retrouvent un soir dans un bar d’un tout nouveau genre, conseillé par l’un d’entre eux. Ils se retrouvent en réalité dans une salle d’Escape Game futuriste, multipliant les capteurs et autres intelligences artificielles capables d’analyser les individus devenus joueurs malgré eux. La salle va jouer avec eux, leur faisant revivre l’année de leur rencontre à travers un Escape Game dans une salle de classe, et faisant surgir leurs secrets cachés, leurs peurs enfouies, afin de se révéler un peu mieux à eux-mêmes et aux autres.

Je continue de penser que le concept pouvait être intéressant. Ce n’est ni plus ni moins qu’une excuse pour un spectacle à suspens, à enquête même, qui peut presque avoir un aspect interactif en impliquant le public qui connaît les mécanismes de l’Escape Game et peut mener son enquête de son côté. C’est à peu près ce que j’avais en tête, en tout cas. Mais je m’avoue déçue.

En fait, il y a bien cet aspect enquête présent dans le spectacle, et qui fonctionne d’ailleurs plutôt pas mal. On se surprend à essayer d’investiguer auprès des personnages, même si on comprend assez vite que les indices sont incompréhensibles pour qui n’a pas participé à l’écriture de la pièce. Mais ce n’est pas si grave en réalité, car ils parviennent à maintenir l’intérêt avec leur recherche fictive à eux – et puis, l’univers de l’école, ça parle à tout le monde et ça touche forcément un peu quelque part.

Mais le problème, c’est que l’enquête en question, qui devrait durer une heure si on était dans un véritable escape game, c’est peut-être un quart ou un tiers de la pièce… pas plus ! Le reste, c’est une sorte de règlement de compte entre amis – après tout, c’est aussi un peu pour ça qu’ils sont là. Le problème, c’est que ces échanges tournent rapidement en rond : les personnages crient beaucoup sans faire véritablement avancer l’action, les réactions de chacun sont assez caricaturales et se devinent à l’avance… et finalement, c’est tout le déroulé du spectacle et les différentes étapes par lesquelles chaque personnage va passer qui deviennent complètement prévisible, ôtant une grande partie de plaisir au spectateur.

L’Escape Game annoncé devient une excuse pour un spectacle autour de l’amitié et de l’identité qui manque d’originalité. Dommage

© Mathias Kellermann

L’odyssée de l’espèce

Critique de La Part Animale, de Christophe Botti, vue le 7 décembre 2022 au Théâtre Clavel
Avec Anne Clerc-Sarraf, Marion Gélain, Stéphane Henriot, Franck Isoart, Patrick Rubat du Mérac, Sacha Uzan, mis en scène par Stéphane Henriot

Le problème quand on est parisien, c’est qu’on a tellement de spectacles à se mettre sous la dent que les plus petites propositions peuvent souvent passer inaperçues. Je me suis moi-même rendu compte que j’allais souvent voir les créations des mêmes théâtres, en général des productions importantes ou en tout cas des artistes ayant déjà une petite notoriété. Je me suis dit qu’il pouvait être bien d’élargir un peu le spectre de mes sorties et de voir le travail de compagnies plus jeunes, comme je peux le faire lorsque je suis à Avignon par exemple. Alors c’est parti pour ajouter un nouveau théâtre et une nouvelle compagnie à mon escarcelle : direction le Théâtre Clavel pour La Part Animale.

On atterrit dans un laboratoire digne du Visiteur du Futur, et on comprend bien vite qu’on se trouve dans la cachette d’un groupe d’activistes écologistes extrémistes, genre Extinction Rébellion du futur. On comprend que leur refuge sert à cacher une plante qui pourrait bien sauver l’humanité, mais on comprend aussi que tous n’ont pas la même idée sur la bonne manière d’agir pour la protéger. La tension cristallise les relations et révèlera le véritable visage de chacun…

J’ai choisi ce spectacle pour son affiche. Je la trouve esthétique, claire, presque engagée. On sait de quoi on va parler, ou en tout cas on s’en doute. Pas de tromperie sur la marchandise : c’est bien la menace climatique qui est au coeur de cette histoire post apocalyptique.

C’est un projet ambitieux qui tient certaines de ses promesses, la première étant celle d’une histoire bien ficelée et prenante construite comme une série d’anticipation. Visuellement, tous les codes sont là : décors et costumes nous plongent immédiatement dans l’univers proposé qui fonctionne bien. On prend du plaisir à suivre notre équipe d’activistes et les différents rebondissements que connaît l’action tombent au bon moment pour ranimer l’intérêt. Le groupe en lui-même est d’ailleurs bien pensé, chaque personnage trouvant sa place et apportant une couleur particulière à l’ensemble. Cela permet aussi de compenser une certaine hétérogénéité chez les comédiens, et évite de perdre le spectateur (en tout cas, de me perdre moi).

Les dialogues sont bien construits et font avancer l’action, mais pêchent un peu dès qu’il s’agit de toucher au « message » qu’on cherche à faire passer. Ils sont encore trop en relief, manquent de naturel et s’entendent un peu trop dans le reste des conversations, d’autant qu’ils seront soulevés de toute façon par l’histoire en elle-même, sans que les personnages aient à les formaliser oralement. Il faut faire confiance au spectateur : le miroir tendu par les sujets brûlants que pose cette histoire devrait être suffisant pour qu’il se pose les bonnes questions. Peut-être s’agirait-il d’aller encore plus loin la prochaine fois : au-delà de l’action, encore un peu superficielle, il faudra aller titiller davantage le spectateur pour parvenir à vraiment provoquer une émotion. Et à toucher au coeur, après s’être adressé au cerveau.

L’impression d’avoir assisté à une vraie histoire, qui reste quand même encore un peu en surface. ♥

Les habits trop neufs de Gretel et Hansel

Critique de Gretel Hansel et les autres, de Igor Mendjisky, librement inspiré du conte des frères Grimm, vu le vendredi 2 décembre 2022 au Théâtre de la Colline
Avec Sylvain Debry, Igor Mendjisky, Esther Van Den Driessche, mis en scène par Igor Mendjisky

Ça fait maintenant plus de dix ans que je suis le travail de Igor Mendjisky. Son Hamlet est l’un des premiers spectacles que j’ai critiqués sur ce blog, et j’avais choisi Masques et Nez pour emmener un garçon qui me plaisait bien à l’époque et qui est toujours mon compagnon aujourd’hui. Bref, c’est un metteur en scène que j’ai vu grandir et que je suis heureuse de retrouver aujourd’hui dans un théâtre national. J’avais pris ma place pour Les Couleurs de l’air en 2021, finalement annulées cause Covid et non reportées suite à des retours d’amis qui avaient été déçus. J’ai entendu beaucoup de bien de Gretel Hansel et les autres qui s’est joué cet été à Avignon, et je n’ai d’ailleurs pas hésité longtemps : j’adore les adaptations de contes pour enfants. Enfin, c’est ce que je pensais voir. Une adaptation de conte pour enfants.

Hansel et Gretel des Frères Grimm, tout le monde connaît. La version de Igor Mendjisky reprend certaines bases, mais se détache d’autres : ici, on se retrouve dans un village dont les habitants ont tous perdu le goût des aliments et se nourrissent uniquement avec des gélules, les enfants ne sont pas abandonnés par leurs parents, trop occupés par leur travail ou leurs impératifs personnels, mais fuguent de leur plein gré pour découvrir ce que peut bien cacher la forêt (dans laquelle il va leur arriver bien des bricoles), entraînant une enquête policière dans leur hameau natal. Bref, un Hansel et Gretel 2.0 en quelque sorte.

Quand j’entre dans le Petit Théâtre de la Colline, je suis simplement émerveillée. La scène représente une chambre d’enfants rêvée, avec des jouets en tout genre, des lits superposés, des couleurs un peu partout. Visuellement, il n’y a rien à dire : c’est une véritable réussite. Et je ne suis pas au bout de mes surprises, car lorsque le spectacle commencera, ce qui m’apparaissait d’abord comme un ensemble bien défini se divisera en sous-parties dans lesquelles se dérouleront les différentes étapes de l’histoire, avec toujours un grand souci d’harmonie visuelle : on y retrouvera des marionnettes, des ombres chinoises, de la vidéo en direct, une splendide animation projetée en fond, tout étant toujours très marqué dans le thème de l’enfance. Bref, mes yeux sont conquis.

Mais ce sont bien les seuls. Je regarde ces tableaux qui s’enchaînent et je me rends vite compte que ce qui se passe sous mes yeux, aussi beau que ce soit, ne m’intéresse pas vraiment. Quelque chose ne prend pas. Il ne suffit pas de belles images pour bien raconter une histoire. Je dirais même plus, cela peut représenter une contrainte sous certains aspects, puisqu’elle bride tout imaginaire. En enlevant ce plaisir-là, il faut s’assurer que tout le reste fonctionne parfaitement – la trame dramatique, les dialogues, les personnages. Et c’est loin d’être le cas ici.

Pour moi, le problème du spectacle réside dans un manque : il n’y a pas d’esprit d’enfance. Tout est beau, les transitions sont ultra fluides, la scénographie est conçue pour se renouveler constamment afin de ne perdre personne en route, les compositions des comédiens sont excellentes, mais le tout sonne creux. Le texte multiplie les messages, les dialogues sont trop lourds, les enfants pensent comme des adultes, et finalement on se perd un peu dans cet excès. L’enquête policière n’apporte pas grand chose à l’histoire, on aimerait suivre davantage Gretel et Hansel mais même leurs aventures manquent d’intérêt. Ça manque de légèreté, de poésie, de fun. Ça manque de vie.

Un spectacle qui a peut-être voulu en faire trop.

© Christophe Raynaud de Lage

Viens voir les comédiens !

Critique de Comédiens ! de Samuel Sené, vu le 18 novembre 2022 à l’Artistic Théâtre
Avec Marion Préïté, Fabian Richard, et Cyril romoli, mis en scène par Samuel Sené

Alors il faut le dire, je ne suis pas particulièrement en avance en découvrant Comédiens ! en 2022. Le spectacle a été joué il y a pas moins de quatre ans à la Huchette, et c’est donc une reprise qui s’installe à l’Artistic Théâtre. L’Artistic, c’est un petit théâtre que j’aime beaucoup, Fabian Richard est un comédien que j’aime beaucoup, et le spectacle musical est un genre que j’aime beaucoup. Si le spectacle est repris, c’est bien qu’il doit être bon, non ? Il ne m’en faut pas beaucoup plus pour réserver avec l’espoir de passer une bonne soirée.

On atterrit dans les répétitions d’une comédie musicale qui ne se passent pas comme prévu : l’un des comédiens a dû être remplacé au pied levé, les décors n’ont pas pu être livrés à temps, il s’agit donc de tout réaccorder en vitesse avant la première qui doit avoir lieu le soir-même. Sur le plateau, on joue donc des extraits du fameux spectacle en préparation, mais on assiste aussi aux échanges entre les comédiens, on découvre ce qui les unit, ce qui les fait rêver et ce qui les angoisse profondément.

Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais, mais probablement pas à ça. C’est un spectacle qui ne s’apprécie pleinement qu’une fois la fin dévoilée. Pour ceux qui ne souhaitent pas en savoir trop, je vous conseille de vous arrêter là. Je vais forcément divulgacher un peu pour expliquer mon ressenti.

En fait, pendant tout le spectacle, j’étais un peu circonspecte. Ayant entendu beaucoup de bien de ce spectacle, j’avais quelques attentes, et finalement je me retrouve face à ce que je qualifierais d’un bon petit spectacle, mais voilà, « un petit spectacle », même « bon », c’est pas la folie non plus. C’est très bien fait, les comédiens maîtrisent complètement leur art, le texte se tient théâtralement parlant, les gags fonctionnent, mais je ne suis pas suffisamment happée pour ne pas me demander ce qui a bien pu causer la réputation de ce spectacle. Je ne m’ennuie pas, je n’ai pas la sensation de longueurs, mais quelque chose manque.

Ce qui manque, c’est la fin. Là est la clé du spectacle. C’est comme si tout prend sens. C’est étrangement fait, car il n’y a pas de montée progressive en puissance, on ne la sent pas vraiment venir. C’est un signal créneau, comme on dirait en physique : l’instant d’avant on est au niveau 0, l’instant d’après au niveau 1, et la courbe entre les deux est une pente infinie. Complètement brutal. Et ce n’est pas négatif, car le choc semble doubler l’émotion. J’essaie de ne pas trop en dire, mais souhaite quand même saluer ce morceau de bravoure. Le comédien y est déchirant et troublant de vérité. Cette scène me marquera longtemps.

Il y a peut-être un peu trop de préparation pour arriver à cette fin. Mais cette fin. Waouw. ♥ ♥