Des boîtes un peu rouillées aux mets agréables

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Critique du Prix des boîtes, de Frédéric Pommier, vu le 3 avril 2013 au théâtre de l’Athénée
Avec Francine Bergé, Catherine Hiegel, Raoul Fernandez, Francis Leplay, Sophie Neveu, Liliane Rovère, dans une mise en scène de Jorge Lavelli

C’est pour Catherine Hiegel que je suis allée voir cette pièce. J’admire cette actrice de grand talent, mais sur ce coup, j’ai du mal à comprendre son choix de pièce. A croire qu’en ce moment, le thème de la maladie d’Alzheimer et à la mode : car c’est en effet ce que raconte l’histoire. Une histoire de famille tout d’abord, puisque les deux personnages principaux sont deux soeurs : la Grande (Bergé) et la Petite (Hiegel). Elles s’aiment, se détestent, se disputent, puis s’embrassent, n’ont plus de famille, n’ont que des chats. Les deux personnages se rendent régulièrement visite, leurs habits se font reflet, leurs deux caractères se confrontent : soit. Le début est plutôt bien ficelé, c’est vrai. Mais assez vite, ça se gâte, et particulièrement lorsque les autres personnages prennent plus – trop ? – d’ampleur.

A travers la maladie d’Alzheimer, c’est également une critique de la prise en charge des malades qui nous est présentée. Un médecin s’adressant à ses malades par « Elle », une femme ne cherchant qu’à faire profit de la situation des deux soeurs en revendant tout ce qui est possible, un homme ne cherchant que l’argent de la malade, des infirmiers fous et malveillants. Mais si le médecin tient la route, les autres personnages sont bien trop caricaturaux, et lourds sur les bords, particulièrement la jeune femme hystérique. La pièce s’étire lorsque leurs scène sont « importantes ». Ils jouent toujours sur le même plan, ils parlent souvent pour ne rien dire, leur texte est vide, et ils ne parviennent pas à dépasser cela. Ils restent dans leur monotonie.

Mais les deux soeurs, Francine Bergé et Catherine Hiegel, vont plus loin que cela. C’est vrai, leur rôle est moins monocorde – quoique la Grande ne fait plus que crier à partir d’un certain moment dans la pièce. Mais elles parviennent à transmettre quelque chose, elles parviennent à maintenir l’attention sur leur personnage, elles parviennent à faire vivre un minimum ce texte qui manque de consistance. Les émotions qu’elles présentent semblent réelles : leur complicité devient une complicité de jeu, leurs disputes sont bien crédibles. Et puis leur jeu est nettement au-dessus des autres acteurs : lorsque Francine Bergé entre en scène, on croit voir le chat qu’elle appelle, on croit voir ce qu’elle veut nous montrer. Ce petit geste, simple, suffit pourtant à ce que quelques rires se fassent entendre. Simple, mais efficace.

Pourtant, il y a des idées, c’est évident. Il y a des répliques intéressantes, des répliques comiques, d’autres grinçantes, sinistres, ironiques. Le décor est intéressant aussi, ne se transformant pas et pourtant représentant à la fois l’hopital et la salle du médecin, par sa blancheur, ou les maisons des deux soeurs, par ses fenêtres et ses portes « amovibles ». Les costumes des deux soeurs aussi, deux robes blanches, se transformant aisément en camisole de force lorsque la situation le demande. Et puis, ce n’est pas trop long, on doit bien reconnaître ça à l’auteur (néanmoins, cela semble durer plus longtemps que 1h20).

Mise à part pour les deux actrices, je ne vois pas grande raison de le conseiller.

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Le Fils, Théâtre de la Madeleine

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Critique du Fils, de Jon Fosse, vu le 17 avril 2012 au théâtre de la Madeleine
Avec Catherine Hiegel, Michel Aumont, Stanislas Roquette et Jean-Marc Stehlé, dans une mise en scène de Jacques Lassalle

« Spécial … » 

Telle a été ma première réaction au sortir de la pièce. Jon Fosse, c’est spécial. Une sorte de mélange entre Beckett et de Tchekhov. Le premier, car l’histoire part de pas grand chose et n’arrive nulle part. Le second, car les personnages déclarent devant nous que leur vie est monotone et qu’il ne s’y passera pas grand chose. Caricatural, mais pas si faux quand on y réfléchit.

L’histoire, donc, se passe en Norvège. Une Norvège sombre, froide, inquiétante, dans laquelle un vieux couple vit, presque seul, loin de tout. Nous peinons à comprendre ce qu’ils attendent, ce qu’ils espèrent et ce qu’il craignent. La mort est-elle souhaitable ou plutôt rejetée ? Difficile à percevoir : ils ne parlent que peu, souvent pour ne pas dire grand chose, et se répètent beaucoup. Toutefois, un élément de leur vie semble plus clair que le reste : ils ont un fils. Un fils en prison d’après le voisin, un fils dont ils n’ont plus de nouvelles depuis 6 mois, un fils passionné de musique, un fils qui leur est peut-être devenu inconnu après tant d’absence … Et voilà que ce fils revient. Sans prévenir, du jour au lendemain, il retourne chez ses parents, loin de tout.

L’intrigue donc, en elle-même, n’est pas très gaie … Dès le début de la pièce, l’ambiance est froide, et menaçante. Les lumières aident à créer cette atmosphère inquiétante, puisque la scène est presque plongée dans l’obscurité. Michel Aumont et Catherine Hiegel ouvrent la pièce. Lui lit le journal, elle défait un ourlet à l’aide de ses ciseaux. Si ils parlent, ce n’est que pour dire des choses succintes. Leur conversation n’est pas très animée. Et pourtant, malgré ces « il fait de plus en plus sombre » – « oui » – « ce n’était pas comme ça avant » – « oui », dialogue pouvait paraître pauvre et ennuyeux, ces deux acteurs parviennent à transmettre quelque chose … Le spectateur, s’il n’est pas passionné par ce qu’il voit, garde tout de même ses yeux scotchés sur ces deux personnages … Sûrement grâce au talent de ces deux Grands : elle, nous dévoilant une belle palette de sentiments, que l’on avait presque oublié après Moi j’crois pas !, et lui qui, en répétant toujours la même phrase, parvient à toujours la prononcer d’une manière nouvelle, comme s’il redécouvrait chaque fois l’obscurité de son lieu d’habitation …

Mais ils ne sont pas seuls, et les deux autres acteurs ne tardent pas à faire leur entrée … Tout d’abord, parlons du voisin, un vieil homme constamment saoul, incarné par Jean-Marc Stehlé. Il faut savoir que cet homme est décorateur de métier, et acteur à l’occasion, si j’ai bien compris. Eh bien je n’ai qu’une chose à dire : bravo ! Son personnage est absolument parfait dans sa gestuelle, sa manière de parler, ses déplacements, ses mimiques ; tout soutient parfaitement l’ivrognerie du personnage, tout est là sans en faire trop non plus. De plus, comme, finalement, c’est lui qui apporte un peu de lumière et de sourire chez le spectateur, par son décalage avec le reste de la pièce beaucoup plus sombre, on se laisse plus facilement entraîner dans son jeu. Et bien sûr, le dernier acteur, Stanislas Roquette, incarne LE fils : démarche de jeune – nonchalante – , visage ne laissant rien transparaître, parlant rarement et ne disant finalement pas grand chose, la composition de son personnage est excellente. Entouré de tous ces grands du théâtre, ce jeune acteur ne se laisse pas enfoncer, et parvient à tirer son personnage assez haut : tout comme les autres, on le regarde faire, on le suit des yeux sans savoir vraiment pourquoi, on attend. Mais on ne se déscotche pas. 

Finalement, ce spectacle ne s’éclaircit pas au fil de la pièce, bien au contraire. On s’y pose de nombreuses questions auxquelles aucune réponse n’est apportée : quelles sont les relations entre le fils et ses parents ? Pourquoi est-il réellement revenu ? Était-il en prison ? Ses parents souhaitaient-ils son retour ? Le visage des acteurs ne laisse rien transparaître des intentions des personnages. Tout est fait pour être inquiétant, tout comme cette musique de fond, qui ne gène en rien, mais accentue cette atmosphère de tension. Le décor, derrière ce qu’on peut imaginer être la maison des personnages, est magnifique. Mais malgré la beauté du paysage, le tableau que l’auteur nous fait de la Norvège ne nous donne pas envie de s’y ballader. 

A voir, ne serait-ce que pour le jeu des acteurs, et pour dire « j’ai vu du Jon Fosse ».  ♥ ♥

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Moi je crois pas !, Théâtre du Rond-Point

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Critique de Moi je crois pas ! de Jean-Claude Grumberg, vu le 21 février 2012 au théâtre du Rond-Point
Avec Pierre Arditi et Catherine Hiegel, dans une mise en scène de Charles Tordjman

Je n’étais jamais allée au Rond-Point. Quelle belle salle ! Splendide ! Et vaste … Nous étions plutôt bien placées, 4e rang, un peu trop sur le coté peut-être. Mais les acteurs sont talentueux, devraient avoir une certaine présence sur scène, leurs voix portent sûrement, le spectacle peut donner quelque chose de bien.

Le rideau s’ouvre. La scène est à la hauteur de la salle : longue et imposante. Le décor est blanc, assez simple : des murs, un canapé au centre. De belles lumières entourent Catherine Hiegel et Pierre Arditi. Les deux acteurs sont assis sur le canapé. Elle lit le journal Télé. Il semble réfléchir. Et le spectacle commence : « Moi j’crois pas que les fayots font péter ». Le public rit. Je m’insurge intérieurement mais ne dis rien. Le dialogue continue. Les répétitions sont au rendez-vous. « Moi j’crois. – Tu crois quoi ? – Je crois que les fayots font péter. – Tu crois que les fayots font péter ? – Oui. » On pourrait espérer une amélioration. Mais non. Les erreurs de dialogue sont énormes. C’est inintéressant, bas, lourd, redondant … vulgaire. En effet, quel besoin de ponctuer les phrases d’un « t’es conne » ou d’un « t’en as rien à branler » ? Franchement aucun. Même quand on sent une idée, un brin d’inspiration derrière leurs paroles, ce manque de vocabulaire fait tout retomber.

Le principe est simple : un vieux couple est assis sur le canapé, et va s’affronter sur 11 idées, formant 11 sketchs, l’un « croyant » et l’autre « ne croyant pas ». Chaque sketch commence par l’habituel « Moi j’crois pas … » du mari, sa femme répond, ils dialoguent, finissent par se questionner sur le repas et le programme télé, puis allument cette dernière, et le sketch se finit. Déjà, rien que l’idée de base, j’ai du mal… c’est en effet assez étrange de commencer toujours par cette phrase, qui en général est plutôt l’aboutissement d’une pensée, que nous, spectateurs, ne connaissons pas … On se prend donc un sujet en pleine face, plus ou moins intéressant (vous savez, moi, les fayots …), mais qui sera traité de manière telle qu’il deviendra, de toute façon, ennuyeux, répétitif, lent : en un mot, ce n’est pas du tout ce qu’on attendait d’un tel spectacle.

Car les acteurs en scène sont des Noms du théâtre : qui n’a jamais entendu parler de Pierre Arditi ou de Catherine Hiegel ? Il suffit que le menton de l’un apparaisse sur l’affiche de La Vérité la saison dernière pour attirer les foules, quand l’autre met magnifiquement en scène Le Bourgeois Gentilhomme à la Porte Saint-Martin. Leur talent est incontestable… ou du moins, l’était …

Ce n’est effectivement pas la première fois que Pierre Arditi me déçoit. Déjà dans la pièce de Florian Zeller, j’avais trouvé cela étrange qu’il choisisse un tel texte … Mais à côté du texte de Grumberg, celui de Zeller s’approchait d’un Feydeau. Ici, Arditi « fait du Arditi », tout comme dans le Zeller. Si il arrive à redresser un peu le texte à l’aide de sa partenaire, son jeu reste un peu « fade » et on en attendait plus de sa part. Quant à Catherine Hiegel, que je voyais jouer pour la seconde fois (quelle désastreux souvenir que celui des Oiseaux à la Comédie-Française …), elle est dans le ton, évidemment, mais ça paraît si facile … Elle n’a qu’à approuver ou contrer son mari, il n’y a pas de véritable performance d’acteur, quelle déception …

Rien que de me dire que je n’ai pas ri une fois … C’est à peine si j’ai esquissé un sourire. Le seul moment qui m’a fait tirer la bouche en un vague sourire, c’est lors de leur apparent fou rire : peut-être se rendaient-ils compte du niveau de la pièce qu’ils nous présentaient ?
Décevant et déconseillé.  
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Le Bourgeois Gentilhomme, Théâtre de la Porte St-Martin

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 Critique du Bourgeois Gentilhomme, de Molière, vu au Théâtre de la Porte Saint-Martin le 27 janvier 2012

Je pense qu’on peut mesurer la qualité d’une comédie de Molière au nombre de rires dans la salle .. et tout particulièrement le rire des enfants. Ça devait faire plusieurs années que je n’ai pas entendu ces rires-là … Mais dans la salle, ils étaient nombreux : quel souvenir agréable ! quelle beauté, des rires francs, enthousiastes, clairs, qui accentuent l’ambiance joyeuse et presque enfantine du spectacle !

Et pourtant, Le Bourgeois Gentilhomme n’est pas une pièce que je porte spécialement dans mon coeur … On sent que Molière l’a écrite un peu à la va-vite, avec la contrainte de la musique, comme c’est une comédie-ballet, et cela ressemble plus à un assemblage de sketchs plutôt qu’une histoire continue. L’histoire, je pense que tout le monde la connaît, mais ça ne coûte rien de la répéter une fois encore : Monsieur Jourdain est un bourgeois, riche, qui cherche à tout pris à vivre comme un noble.

On peut envisager ce personnage de plusieurs façons. Ici, Catherine Hiegel choisit de nous montrer un bourgeois naïf et presque enfantin, qui attire à lui la sympathie de chaque spectateur, et qui finalement conquiert aisément toute la salle ! Il faut dire que l’acteur y est pour quelque chose : en effet, François Morel a vraiment un quelque chose qui empêche quiconque de le châtier … un air d’innocence dans le regard … des mimiques bien à lui, soulignant son inexpertise en la matière, sa découverte de tous les instants … rien n’est trop exagéré, tout est dosé de manière à attirer le rire du spectateur à tous moments … Par exemple, les scènes avec le maître de philosophie, excellent Alain Pralon, touchant, semblant être retombé en enfance, sont absolument hilarantes !

Mais ils sont tous excellents dans leur jeu, que ce soit celui de Nicole, lors de la célèbre scène du rire, qui parvient à rendre tout à fait euphoriques les specateurs, Cléonte et Covielle, le duo « maître-valet » dont le premier cherche à séduire la fille de Monsieur Jourdain, ou encore Mme Jourdain, représentée dans une attitude complètement hystérique. On regrette peut-être l’interprétation de Dorimène, femme que Mr Jourdain cherche à séduire par son célèbre « Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour », rendue ici totalement cruche, on ne sait trop pourquoi … mais son personnage étant secondaire, cela ne choque pas non plus.

Puisqu’on en est au aspects négatifs, je poursuivrais par un certain contraste entre la première partie du spectacle et celle qui se déroule après l’entracte. En effet, on a un peu de mal (mais je suis vraiment pointilleuse) à totalement « entrer dans » la pièce, et la scène entre le Maître à danser et le Maître de musique, une des premières scènes pouvant être hilarante grâce à leur comportement ridicule, n’est pas tordante … Peut-être à cause de trop d’exagération … En revanche, directement après l’entracte, on est pris dans cette histoire absurde de Turcs, de grand Mamamouchis, et on rit d’un bout à l’autre !  

Enfin, pour ce qui est du décor : personnellement je l’ai trouvé assez laid, mais il est plutôt représentatif de la mode de l’époque, dans les couleurs et les motifs. Il est également conçu de manière à mettre en valeur la richesse du Mr Jourdain, avec de part et d’autre de la scène des fausses fontaines … et quant aux musiques, et bien elles sont magnifiques ! Lully, c’est quelque chose ! Et la chanteuse a une voix absolument merveilleuse …

Un excellent Bourgeois, comme on en voit de plus en plus rarement … à ne pas rater !

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L’Avare, Comédie-Française

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Critique de L’Avare, de Molière, vu à la Comédie-Française le 1er octobre 2011
Avec Dominique Constanza, Christian Blanc, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Loïc Corbery/Benjamin Jungers, Serge Bagdassarian, Nicolas Lormeau/Christian Blanc, Stéphane Varupenne, Nâzim Boudjenah, et Julie-Marie Parmentier

C’est dingue de se dire que je n’avais ni lu ni vu L’Avare. Jamais. Je connaissais certains extraits, bien sûr, comme le monologue d’Harpagon, ou certaines répliques, comme « La peste soit de l’avarice et des avaricieux », mais même l’histoire m’était presque inconnue (je dis presque car je m’en doutais un peu quand même !). C’est donc l’histoire d’Harpagon et de sa famille ; il est père de deux enfants, Cléante et Élise, qui veulent tous deux se marier avec ceux qu’ils aiment, mais leur père ne l’entend pas ainsi. Harpagon, du haut de ses 60 ans, désire également se marier, avec celle que son fils se destinait …

On connaît tous les comiques de situation que Molière parvient à créer. On sait qu’on peut rire d’un bout à l’autre lorsque c’est bien joué et bien mis en scène. On sait aussi qu’en général, les pièces sont relativement courtes. Si je vous dis qu’il est écrit, dans la brochure distribuée à la Comédie-Française : « 2h45 avec entracte », vous me croyez ? Il le faut, car c’est vrai. Et parfois, on la sent, la lenteur de l’action. Il y a quelques longueurs bien présentes, notamment au début.

En fait, c’est surtout les scènes où Denis Podalydès n’apparaît pas qui semblent longues. C’est dommage, mais franchement compréhensible : il est, tout simplement, formidable. On ne le reconnaît pas, lorsqu’il entre sur scène ; habillé de noir – formant ainsi un contraste avec les autres personnages dont les costumes sont très colorés, avec un maquillage qui semble vouloir souligner les traits de son « vieil âge », il se déplace pourtant avec la légèreté et l’habileté d’un homme de 20 ans ; il court, saute, s’énerve, rit, va, revient, monte les escaliers, danse, sans montrer aucun signe de fatigue. Extraordinaire, magistral, stupéfiant. Il « tient » la pièce à lui tout seul. Son monologue surtout, est absolument génial : comme je l’ai dit, je n’avais jamais vu la pièce. Mais là… ! Je ne parviens pas à imaginer meilleure interprétation. On comprend l’utilité de l’entracte ; je pense qu’il doit se reposer et se donne à fond pour sa tirade. Il saute de la scène sur les accoudoirs des premiers rangs, passe au-dessus des chanceux (dont moi !) pour se caler entre le 3e et le 4e rang. Il interroge alors la salle du regard, la questionne, l’invite à se prendre au jeu. Il semble comme possédé. Puis il revient, toujours avec cette grande agilité dont il a le secret. 

La pièce ne tarde pas à se terminer. Et c’est une très belle fin ; elle rappelle un peu la fin de La Grande Magie, pour ceux qui l’ont vue, avec la boîte (ici, la cassette), qu’il ouvre tout au bord de la scène … Les autres personnages sont alors derrière lui et l’accompagnent dans ses « retrouvailles avec son argent » …

C’est un Avare assez noir que Catherine Hiegel a tenu à nous présenter. Le personnage qu’incarne Podalydès paraît intelligent, et moins naïf que ce qu’on pourrait croire. Sans être non plus « sadique » avec ses enfants, il n’y prête aucune attention et semble franchement méchant, mauvais, et heureux lorsqu’il voit son entourage triste.

Je me dois quand même de parler des autres acteurs … qui, bien que très bons pour la plupart, étaient dans l’ombre de Podalydès, qui se détachait brillamment du lot. Il y avait bien Benjamin Jungers, que je découvrais, et qui compose un excellent Cléante ; il tenait tête à son père de la manière la plus réaliste qui soit. En revanche, sa soeur, incarnée par Julie-Marie Parmentier, n’était pas à la hauter ; se croyait-elle encore dans Badine qu’elle jouait au Vieux-Colombier la saison dernière ? Car lui a-t-on vraiment demandé de prendre cet air et ce ton desespérés tout au long de la pièce ? D’accord, quand elle parle avec son père, elle peut être triste … Mais lorsqu’elle parle à Valère, celui qu’elle aime, ne pourrait-elle pas faire passer un autre sentiment sur son visage ? Et même lorsqu’on sort de ce détail … Ne pourrait-elle pas parler plus fort ? Sa voix est à peine audible, et j’étais au 3e rang … Heureusement, elle est la seule dans ce cas-là (quoique je n’ai pas beaucoup apprecié le jeu trop monotone de Jennifer Decker), et des acteurs comme Jérôme Pouly (Maître Jacques), Nicolas Lormeau (Maître Simon) ou encore Nâzim Boudjenah (La Flèche), beaucoup plus pétillants, redonnent rapidement le sourire au spectateur.

A ne pas manquer, car un Harpagon comme celui-là, si vous voulez mon avis, ça ne court pas les rues … 

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